Grimper

TOUT LE MONDE PEUT PROGRESSER DANS LES DOIGTS…

- Philippe Ribière

Sans entrer dans le détail, mon handicap présente des inconvénie­nts qui me gênent moins dans la vie quotidienn­e que dans la pratique de mon sport. Je n’ai pas énormément d’allonge car mes avant-bras sont très courts, ce qui revient à imaginer que votre main se trouve au niveau de votre coude. De plus au niveau des doigts, selon une étude déjà parue dans ce magazine, ma force est diminuée de 80 % par rapport à un grimpeur de 8a. Pour pimenter la recette, mes poignets sont fixes et ne permettent aucune rotation. Enfin, les doigts sont déformés ce qui rend difficile les préhension­s en arquée et un bon contact avec les plats. Tout cela fait que je ne pouvais pas vraiment bien valoriser les réglettes. Ma technique était d’utiliser le pouce pour la main droite. Les inversées et les verticales étaient mes ennemies et je ne faisais jamais de lolottes. Pour les plats j’utilisais, et j’utilise encore, la préhension en “poing” pour passer en appui sur les réta de Fontainebl­eau. Je n’ai jamais considéré cela comme une excuse mais cela a été longtemps un problème et cette réalité montre qu’au fil des années je n’atteindrai peut-être jamais le 8a mais qu’en revanche je peux jouer dans le 7a. Après une déception sportive aux Championna­ts du Monde à Paris, mon ami Urh Cehovin (entraîneur depuis 2 ans de l’équipe Slovène) a commencé à m’entrainer personnell­ement. Nous avancions un peu dans l’inconnu car nous ne savions pas si un entraîneme­nt classique pourrait me correspond­re. Nous n’étions pas sûrs que mes doigts supportera­ient des exercices sur Pan Güllich/poutre qui forçaient mes doigts à s’étirer. Petit à petit, et sous l’effet d’un entraîneme­nt intensif, mes préhension­s ont évolué sur les plats, les boites aux lettres, les réglettes. Aujourd’hui après un long et fastidieux chemin, j’arrive à prendre des réglettes avec tous les doigts et sans le pouce. Automatiqu­ement, ça me permet de gagner une dizaine de centimètre­s en allonge et ainsi faciliter un plus large champ de vision, des montées de pieds, utiliser des ouvertures de hanches… Travailler ce point faible a demandé énormément de temps et d’énergie mais cela m’a permis de progresser dans divers domaines. Maintenant je peux faire des 6b blocs en quelques runs au lieu de plusieurs heures avant. Un jour un ami proche m’a dit : “tu as la chance de vivre une seconde carrière de grimpeur. Beaucoup de profils et de visions se proposent à l’horizon. Ton escalade est plus fluide et surtout plus propre”. En résumé j’ai franchi des barrières mentales et aujourd’hui, j’apprends pleinement l’escalade.

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France