BLEAU EN TRAIN
UNE APPROCHE PRESQUE AUSSI VIEILLE QUE L’ESCALADE
Peut-être est-ce parce que la démarche semble résister à l’épreuve du temps, toujours est-il que s’extirper du tumulte de la gare de Lyon pour monter dans le train de la fameuse ligne R, se laisser porter par les rails loin de la capitale, sauter hors du wagon et s’enfoncer dans la forêt en quête de blocs à grimper, a quelque chose de poétique.
Citons l’auteur de l’excellente section historique de l’ouvrage « Fontainebleau, 100 ans d’escalade », Gilles Modica, qui évoque ce fameux train pour Bleau, déjà plein de rochassiers, comme on disait à l’époque, à la fin des années 1920 : « Parisiens avant d’être bleausards, infusant dans l’air frondeur de la capitale, les gars du GBD (Groupe de Bleau) coupent les mots en gars pressés par l’imminence d’une fermeture aux portières du métro : Bleau ! Ne plus mollir dans la foule et les escaliers du métro, bousculer les mathieux agglomérés sur les quais, ne pas rater le train de l’aventure, le train pour Bleau du samedi soir. 9 h 08 à la Gare de Lyon, 10 heures à la gare de Bois-le-Roi, 11 h 30 dans les rochers du Bas Cuvier. » Presque 100 ans plus tard, rien n’a changé ! Sauf que maintenant, sur le quai de la gare de Lyon, les grimpeurs se distinguent aux crash pad qu’ils trimballent sur leur dos telles les tortues promenant leur carapace ; à l’époque, ces tapis de protection n’existaient pas. Autre petite nouveauté, s’il faut effectivement une bonne heure pour rallier le Cuvier à pied depuis la gare, une grande quantité d’autres secteurs, plus proches de Bois-le-Roi, Avon ou encore Nemours, se proposent maintenant à tous les amateurs de bloc.
Aujourd’hui, si le rocher Canon, pour sa beauté, pour ses beaux circuits, pour ses innombrables blocs de tous niveaux et pour sa proximité – 25 minutes de marche – avec la gare de Bois-Le-Roi, demeure le secteur incontournable de l’approche train, il est loin, très loin, d’en posséder le monopole. Depuis la gare d’Avon, moyennant 5 minutes supplémentaires sur les rails et une durée de marche très similaire, c’est-à-dire ne dépassant pas la demi-heure, vous pourrez profiter des sympathiques secteurs du Calvaire (15 minutes seulement), du Mont-Ussy et de l’ambiance très bleausarde du magnifique Rocher
d’Avon. Mais cette fameuse ligne R n’a pas fini de dévoiler ses trésors ! À une grosse vingtaine de minute à pieds de la gare suivante, celle de Bourron-Marlotte – Grez, le petit secteur de Récloses et son très fameux bloc d’Opium (8A), posé comme une offrande au coeur de la forêt, ravira les grimpeurs chevronnés.
Fi de cette halte quelque peu élitiste ; passons 10 minutes de plus à bord du « train de l’aventure » et débarquons à Nemours. Terminus des grimpeurs, tout le monde descend ! Ici, au bout de la forêt, se tiennent en sentinelles, à 10 petites minutes de marche de la gare, les magnifiques secteurs du Petit Bois et du Rocher Gréau. La forêt y est particulièrement agréable et le grès de grande qualité pour un foisonnement de blocs du 3 au 8.
Bien qu’un peu moins prisé des grimpeurs, le RER D permet aussi de rejoindre quelques secteurs du côté ouest de la Forêt. Citons ainsi, en descendant à Malesherbes, tout au bout de la ligne, l’énorme secteur de Buthiers, dont certains blocs comptent parmi les plus beaux de la forêt… le tout accessible depuis la gare en une trentaine de minutes de marche. Parisiennes, parisiens, vous avez découvert l’escalade dans l’une des nombreuses salles qui ont fleuri ces dernières années entre les murs de la capitale, et vous pensez qu’un petit bol d’air frais ne vous ferait pas de mal ? Alors n’hésitez pas à tenter l’aventure ! Restez tout de même vigilants aux prévisions météo, dont les facéties auront tôt fait de transformer la séance de grimpe en randonnée forestière sur l’un de ces magnifiques sentiers Denecourt qui sillonnent la forêt. Vous l’avez compris, donc, la démarche est particulièrement adaptée pour offrir, sur une journée, une bouffée de nature aux citadins. Pour ceux qui envisageraient un séjour plus long, malgré les innombrables gîtes grands ou petits de la forêt, la logistique se révèlera un peu plus lourde, et l’absence de voiture vous fermera quelques portes, notamment celles des deux musts que sont le massif des 3 pignons et la zone de Franchard. Mais rien ne vous empêche, en choisissant bien votre emplacement, à la fois proche des commerces et pas très loin des secteurs sus-cités, d’envisager quelques jours sur place ; sachez que, même pour les locaux les plus acharnés, il faudrait déjà plusieurs années pour se lasser des quelques secteurs accessibles sans voiture !