LES EAUX CLAIRES
UN PETIT PARADIS À 2 HEURES DE TGV DE PARIS
Ce mardi matin de février, je promène gaiement ma valise à roulettes sur les pavés du vieil Angoulême. Point d’habits ni d’ustensiles de toilette, dans celle-ci, mais une corde, des dégaines, de la pof et un baudrier ; je suis en pleine marche d’approche vers la falaise des Eaux Claires.
Parti la veille au soir en train de Fontainebleau, j’ai sauté dans un TGV et me voici, prêt à en découdre avec les voies mythiques de ce spot soi-disant passé de mode. 1 h 15 de marche sépare le rbnb loué à côté de la gare des secteurs de grimpe, c’est la même durée que pour monter à Céuse, et en plus, c’est plat ! Attention spoiler, c’est la seule fois, je dois l’admettre, que je ferai le trajet en intégralité à pattes ; la faute à des locaux bienveillants et motorisés qui m’ont soit rapproché soit déposé directement à bon port. Et si je n’avais pas voulu marcher, j’aurais facilement pu aller en bus jusqu’au bled qui surplombe directement la vallée des Eaux Claire, j’ai nommé Puymoyen. Mais n’allons pas trop vite et revenons à notre valise à roulettes. Je m’extirpe de la ville à mesure que le paysage devient peu à peu campagnard. Amusant, d’ailleurs, de voir au ralenti le gradient vieille ville, zone industrielle et commerciale, campagne. Mais pour l’instant, impossible de déceler le moindre signe qui pourrait laisser croire à la présence de falaises dans la région ! Heureusement que Qwant map me dit que je suis sur le bon chemin… Un sentier me permet enfin de plonger dans la très peu vertigineuse vallée des Eaux Claires, et là, o miracle, les premiers bouts de caillou - dur de parler de falaises à ce stade - apparaissent sur ma gauche. Je poursuis mon chemin ; les affleurements calcaires grossissent peu à peu jusqu’à mesurer plus de 15 m. Nous arrivons sur le secteur principal. Son très beau mur compact et bardé de trous offre une majorité de voies en 7, auxquelles s’ajoutent quelques 6, dont un magnifique 6c sur le fil de la proue, et quelques voies en 4 et 5 sur la droite. Un peu plus loin, on aperçoit la Brioche, un petit bombé avec plusieurs voies dures dont un 8a historique, qui porte le nom du secteur, et un beau 8c, Ligne de Force, qui attend toujours une première répétition depuis sa libération par Edwin Gaufres. Pour un choix plus large de voies faciles, cela se passe non loin de là, au très agréable secteur des terrasses, ou bien au bloc du Moulin. 300 m plus loin, enfin, se dresse le Grand Toit. C’est là où j’ai rendez-vous avec Julien, un fort et discret grimpeur local. C’est aussi là où Fred Rouhling, excusez le terme, à « sculpté » quelques-unes des voies qui comptèrent dans les années 90 parmi les plus dures de la planète. N’en déplaisent à certains, ce beau profil surplombant est un vestige, un haut lieu de l’histoire du haut niveau. À gauche, dans le rocher blanc, se dresse Hugh, le premier 9a de l’hexagone. Il a été ouvert l’année de ma naissance, en 1993, et c’est avec
lui que je suis venu en découdre. À droite, un immense toit, De l’Autre Côté du Ciel, dont la cotation oscillerait entre le 9a et le 9a+. Une voie en 5, une en 6 et quelques superbes 7 et 8 remontent la belle vague calcaire pour compléter le panorama de cette face nord. Julien, lui, compte essayer un projet en probable 8c+, sur la proue de gauche, proposant un terrible défi de résistance malgré ses 8 m de haut. Nous voici donc à bon port ; quelques mouvements de traversée au pied de la falaise feront office d’échauffement, et place à la grimpe ! Le lendemain soir, affalé dans le confortable siège du OuiGo qui me ramène à grande vitesse vers la capitale, je repense à ces deux jours et rage : malgré des essais plus que prometteurs, Hugh ne veut toujours pas de moi. Il faudra revenir. Mais honnêtement, et sans fausse complaisance, l’accueil et la gentillesse des quelques grimpeurs locaux avec qui j’ai eu le plaisir de partager ces journées de grimpe, Antoine, Flo, Julien, Edwin, Lucie et Greg, qui est soit dit en passant venu à la falaise à vélo, rendent franchement agréable la perspective de reproduire l’aventure !
LES EAUX CLAIRES SANS VOITURE EN PRATIQUE