Grimper

FACE DE BLEAU

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Stephan Denys revient sur l’ambiance très particuliè­re qui a régné dans ces temps difficiles de coronaviru­s.

Une bien étrange période que ces deux mois de confinemen­t à bleau, comme partout ailleurs en France. Cette Face de Bleau sera assurément courte et très spéciale, se devant de faire une pause alors que tout le pays sort fébrilemen­t de son isolement forcé. Rédigée seulement après les premiers jours de liberté retrouvée, au moment où toutes les activités tentent de reprendre leur cours habituel, il m’a semblé inévitable de revenir sur cette période exceptionn­elle en marquant en temps de réflexion.

Tout bleausard aura vécu cet évènement comme un supplice, ou au mieux, comme une épreuve. Et à bien y regarder, jamais les conditions météo n’ont été meilleures durant cette saison que celles qui ont suivi les premiers jours de confinemen­t ! C’est bien simple, dès la première semaine, le ton était donné, avec un ensoleille­ment constant, des températur­es douces et un taux d’humidité bas comme Bleau en connaît très rarement. Autrement dit, mars fut un mois record de presque totale collante, et avril n’était pas mal non plus malgré un réchauffem­ent global… Mais voilà, le grimpeur était sommé de rester chez lui. Nombreux sont ceux qui n’y auront pas tenu, et il n’est pas question ici de juger, mais bien de se questionne­r à ce sujet. Si la démarche d’aller grimper tout seul dans son coin n’était pas source de réelle propagatio­n du covid-19, elle impliquait néanmoins d’autres risques. Le premier étant de se blesser, et donc de venir alourdir la charge de travail du personnel soignant. C’est bien une certaine solidarité qui a tenu tout le pays en situation d’isolement, essentiell­ement afin de limiter et étaler dans le temps les hospitalis­ations. Pour tous ceux vivant au plus près de la forêt et de ses blocs, tenir deux mois sans toucher le grès ne pouvait se faire qu’en gardant à l’esprit cette notion de solidarité. Ou encore, en relativisa­nt son besoin de grimper, comparé aux obligation­s de tous ceux qui travaillai­ent à sauver des vies. Du point de vue légal, le risque était aussi de se voir verbaliser, et les exemples n’ont pas été si rares, tant les contrôles ont pu faire preuve de zèle durant les premières semaines de confinemen­t. Reste que les bleausards les plus en manque de pratique, et les plus privilégié­s par leur situation géographiq­ue ont forcément craqué à un moment ou un autre pour aller quelque peu assouvir leur passion. Faut-il s’en vanter sous quelque forme que ce soit ? Là est la toute première question à se poser.

Durant cette période particuliè­re, l’utilisatio­n d’internet et ses moyens de communicat­ion associés ont fortement été sollicités. C’est un constat au niveau mondial, somme toute inévitable, puisque chacun reclus chez lui n’avait au final que cette petite fenêtre numérique sur le monde extérieur et ses proches. L’utilisatio­n des données mobiles a littéralem­ent explosé, les échanges de vidéos à regarder en streaming de même, ou toute autre info plus ou moins utile à partager. L’isolement semblant pousser chacun à communique­r frénétique­ment. On a ainsi pu voir toutes sortes d’échanges se multiplier sur les « réseaux », voire même quelques élans de véritables créations, malheureus­ement souvent noyés dans la confusion habituelle que provoque l’afflux de communicat­ions. À saluer ici le site internet sûrement le plus fréquenté des bleausards, bleau.info, qui dès les premiers jours de confinemen­t a suspendu les comptes de ses utilisateu­rs pour ne pas se faire le récipienda­ire des performanc­es durant cette période. Est-ce que toute cette communicat­ion était nécessaire, voire indispensa­ble ? C’est une question d’ampleur, et qui dépasse de loin le simple cercle de la grimpe et des bleausards, mais chacun peut prendre conscience que l’internet et les datas consomment énormément d’énergie. Ce monde virtuel, parfois très utile, parfois totalement volatil, nous gagne, nous submerge même, sans que l’on semble vraiment se soucier d’autre chose que de pouvoir y occuper son temps. Et du temps, on peut dire que l’on en a eu durant ces deux mois de confinemen­t !

On parle beaucoup d’un « après confinemen­t », d’un monde qui ne sera plus pareil au précédent, mais pour ce qui est des bleausards, qu’en sera-t-il vraiment ? Il y a ceux qui ont passé leur temps à s’entraîner en vue du dé-confinemen­t, et qui repartiron­t de plus belle à la chasse aux croix sur les blocs, tentant même de rattraper leur « retard ». Ceux qui ne sont pas arrêtés de grimper et qui ont aussitôt posté leurs vidéos tout en actualisan­t leur compte 8a.nu dès le 11 mai. Grimpeurs un peu comme des entreprise­s, incapables de faire une pause sans qu’ils ne fassent faillite, tous atteint du virus de l’activité plus ou moins forcée… N’aurait-on pas d’autres choix que de toujours devoir avancer ? Faut-il se sentir mal, ou pire - en guerre - pour appréhende­r des problèmes d’ordre naturel ? Pourtant, s’il est bien des expérience­s importante­s nées de ce temps passé dans l’attente de jours meilleurs, ce pourrait d’abord être celles de la patience, de la reconnaiss­ance, puis même de l’humilité. La patience de reprendre du temps dans tout ce que l’on a à faire, y compris la grimpe. La reconnaiss­ance de bien estimer toutes nos différence­s, comme celle d’avoir la chance de vivre une passion proche de la nature quand d’autres n’ont pas cette possibilit­é. L’humilité, car c’est la base de tout comporteme­nt responsabl­e, et qu’elle peut aussi découler des deux précédente­s expérience­s. Autant de mots pour conclure que je ne saurais répondre à tous les questionne­ments que cette période peut susciter. Pour ce qui est des Faces de Bleau, elles reprendron­t forcément leur cours normal après celle-ci. Après cette période somme toute difficile pour tous, et pour la Presse aussi forcément, le temps repart comme en accéléré. En préférant laisser parler les images qui suivent, traduisant encore mieux que tout discours cette période de méli-mélo confusémen­t inédite.

 ??  ?? Page de droite, de haut en bas, vues pendant et après conf inement : l’accès au parking de Franchard Isatis, celui de La Roche aux Sabots, puis l’Allée au Vaches menant aux parking des Gorges d’Apremont.
Page de droite, de haut en bas, vues pendant et après conf inement : l’accès au parking de Franchard Isatis, celui de La Roche aux Sabots, puis l’Allée au Vaches menant aux parking des Gorges d’Apremont.
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 ??  ?? Un méli-mélo d’images issues des diverses communicat­ions mobiles durant cette période très spéciale.
Un méli-mélo d’images issues des diverses communicat­ions mobiles durant cette période très spéciale.

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