Grimper

LES PIEDS FRAIS

DE NOUVELLES GRANDES VOIES À DEUX PAS DE GRENOBLE !

- TEXTE : BENJAMIN GERARD GROSSO PHOTOS : BORIS DUFOUR

Grimper vous embarque à la découverte d’un joli secteur de grandes voies dans le calme et la fraîcheur iséroise.

Un nouveau secteur de grandes voies à 45 minutes de Grenoble, approche comprise ! Vous y croyez ? Vous doutez ? Alors ouvrez bien grand vos oreilles et prenez note, car nous allons dévoiler ici aux amateurs de belles escalades, la nouvelle pépite locale.

Effectivem­ent il fallait y croire et avoir l’oeil car la falaise des Pieds Frais n’est visible que quelques minutes depuis l’autoroute entre Valence et Grenoble. Bien souvent sur cette route les automobili­stes/grimpeurs ont encore la tête à leur journée passée sur la presque voisine Presles ou sur les spots du sud, courus chaque fin de semaine par des hordes de Grenoblois. Le mur des Pieds Frais sait en effet se faire discret, caché dans son écrin de foret sous le col de Montaud. C’était alors sans compter sur l’oeil affuté de Michel ETCHESSAHA­R, initiateur FFME, formateur de nombreux jeunes de la région via les équipes alpinisme et escalade et bien sûr grimpeur, alpiniste, glaciérist­e mais aussi équipeur de la première heure. Depuis quelques décennies maintenant, la cuvette grenoblois­e regorge de couennes plus ou moins proches du centre-ville, accessible­s en 2 coups de pédale ou en transport en commun. Entre les premiers secteurs des années 80/90 (Petit Désert, Les Lames, Déchetteri­e, Mas D’oris, Saint-Égrève…) et les murs plus ou moins récents (Chez Roger, Désert de l’écureuil, Satan…) il y en a toujours eu pour (presque) tous les styles et tous les niveaux. Aujourd’hui encore, certains jeunes grimpeurs locaux restent encore très actifs à l’équipement de nouveaux secteurs (L’abattoir, Saint Ange…) et tous les 2/3 ans une nouvelle falaise à la mode voit le jour et occupe l’importante communauté grimpante de la capitale des Alpes.

En ce qui concerne la grande voie, ce n’est pas tout à fait la même histoire. Les falaises les plus proches sont de hauteur plutôt modeste et il n’est pas facile de trouver une belle voie de plusieurs longueurs envisageab­le à la demi-journée. Il y a bien quelques lignes du côté du

Rocher de la Bourgeoise au-dessus de Claix mais, l’accès se faisant en rappel, il faut être efficace si on veut être à l’heure pour la réunion de 13 h 30. Un peu plus haut en altitude sur les murs du Rocher de l’homme, les contrefort­s du Moucherott­e ou de la Dent de Crolles, on trouve aussi des itinéraire­s intéressan­ts mais, encore une fois, il n’est pas évident de boucler ça dans un créneau court en raison d’un temps de route proche des 35/40 minutes et d’une approche dépassant les ¾ d’heure.

Il aura fallu attendre 2018 pour que le grimpeur grenoblois ait à nouveau un beau bout de « multipitch route » à se mettre sous la dent. En effet, après 3 années de boulot, l’infatigabl­e Michel ETCHESSAHA­R, grâce au matériel fourni par l’ECI (escalade club de l’Isère), fait sortir de nulle part un beau mur sur lequel il ouvre seul 4 lignes. Le tout à 45 minutes du pont de Catane montre en main, baudrier enfilé et première dégaine clippée. Et attention, n’allez pas croire que l’on a ici à faire à une falaise tirée par les cheveux, plus ou moins bien dépoussiér­ée pour faire plaisir au grimpeur citadin en mal d’aventure de proximité. Au contraire, 30 minutes de voiture après avoir quitté le centre-ville, on retrouve ici tous les éléments qui font de ces instants de beaux souvenirs d’escalade. 10 minutes d’approche agréable en sous-bois, 120 m de rocher gris et jaune qui appelle à la varappe, pas un bruit de voiture, une vue imprenable sur la vallée et 5 minutes de marche de retour.

Que demander de plus ? Des voies accessible­s dans le 6 ? Des longueurs un peu plus difficiles dans le 7 ? De la plus facile “Les bras au show” ne dépassant pas le 6b/6c à la plus exigeante “La Zone du dehors” avec sa fameuse longueur en 7b, les grimpeurs y trouveront leur compte et l’équipement bien pensé de chacune des voies permettra au falaisiste à l’aise dans le 6 de se lancer sans douter dans une voie plus difficile. Ajoutons à cela le fait que ce mur est grimpable presque toute l’année et vous avez alors tous les ingrédient­s pour faire des « Pieds Frais » votre nouvelle cour de récré préférée. La falaise est orientée Sud-Ouest et perchée à presque 1 000 m d’altitude, il suffira de jouer avec les horaires pour trouver la fraîcheur le matin en été ou pour profiter du soleil de fin de journée sur les périodes les plus fraîches de l’année.

Évidemment avant d’écrire ces quelques lignes d’éloge nous sommes allés tester pour vous cette adresse 4 étoiles. Au milieu d’un été 2018 caniculair­e, entre 2 courses en montagne, je retrouve Guillaume et Cassandre qui ont serré les prises tout le mois de juillet. Guillaume est moniteur de ski l’hiver et passe le reste de l’année à grimper sur les montagnes. En 4 ans de pratique intensive il est passé d’un niveau 5c à 8a et se présentera l’hiver prochain au proba du Guide avec une liste de course à faire pâlir un alpiniste de longue date. Cassandre prépare l’agrég de lettre et a commencé la varappe avec Guillaume. Leur première grande voie ensemble ? La Pierre Allain en face sud de la Meije… Autant vous dire que les 2 ne font pas semblant quand ils se lancent dans une activité. Et c’est toujours aussi motivé que je les retrouve à la sortie de Grenoble. 2 jours avant ils étaient dans la face nord de l’Olan, alors une petite demi-journée de grande voie suffira bien en guise de récup active.

On décolle sans se presser, vers 9 heures, il fait déjà

presque 30 degrés à Grenoble et le coup de frais offert par la forêt qui surplombe la route du col de Montaud nous requinque rapidement au coeur de cet été brûlant. 10 minutes d’approche plus tard, on est au pied des voies, le mur est encore à l’ombre et c’est comme revigoré par la fraîcheur que l’on attaque le premier 6b de « La zone du Dehors ».

Un rocher encore un peu friable qui n’a pas vu grand monde mais une escalade plaisante et bien équipée qui met à l’aise d’entrée de jeu. Michel m’a conseillé cette voie en me demandant d’affiner les cotes. On se retrouve donc à R1, prêts à prolonger notre échauffeme­nt dans une L2 cotée 6C. Ce sera finalement un beau combat sur 40 m dans une longueur digne des plus belles couennes vertaco. Pour notre premier voyage aux « Pieds Frais » nous ne sommes pas déçus. On venait grimper juste pour voir, on reviendra voir les voisines juste pour grimper.

Finalement la L2 sera recotée en bon 7a+/7b et nous sommes guronzés pour la suite. Cassandre passe en tête pour L3 (magnifique 6c louvoyant) et L4 (6b), le soleil nous rejoint à ce moment-là, nous sommes seuls sur la falaise. Le premier véhicule visible se trouve au milieu de la vallée et nous avons vraiment la sensation d’être partis en week-end à l’autre bout de la France. Le soleil commence à taper un peu fort et les pieds habitués depuis 2 mois à l’espace des grosses chaussures de montagne commencent à faire la gueule. En plein été, sans forcément attaquer aux aurores, il semble judicieux de démarrer la grimpe vers 8 heures pour profiter pleinement de la fraîcheur du secteur. La matinée verticale se terminera par un 7a+ d’anthologie sur 40 m de rocher gris à trous avec aire d’atterrissa­ge tout confort à l’ombre sous les arbres. On prend le temps de virer les chaussons, on rediscute comme d’habitude des longueurs que l’on a préférées et 5 minutes plus tard nous sommes de retour à la voiture pour partager une gaufre au sucre. Il est 13 h 30 et nous avons tous les 3 la sensation d’être parti grimper ailleurs, bien loin de l’une des plus grosses agglomérat­ions de France.

Autre saison autre ambiance

Un vendredi, mi-septembre 2019, il fait frais et l’automne fait sa première apparition. Je retrouve Guillaume du côté de Grenoble doudoune sur le dos et bonnet sur la tête. Le ciel est gris, c’est la Cuvette des mauvais jours. On hésite, salle ou falaise ? Quoi qu’il en soit, le départ sera tardif, histoire de profiter d’un éventuel rayon de soleil l’après-midi.

Boris, notre copain photograph­e, censé venir avec nous ce jour-là, nous aide à prendre une décision. Il n’a pas beaucoup de dispos cet automne et il veut tester sa capacité à marcher un peu après une grosse blessure au talon 5 mois auparavant. Et puis le bougre n’est pas du genre à se réfugier dans une salle chauffée à la moindre petite goutte. D’ailleurs alors que l’on enfile une couche de plus en l’attendant, il débarque en short comme à son habitude.

On file donc aux « Pieds Frais », on verra bien ce que ça donne. Au pire on fera des photos des chamois souvent présents dans le secteur. Au parking le temps n’est pas terrible mais au moins il ne pleut pas. Avec Guillaume on rejoint le départ de « NiakNiak » en plein centre du secteur pendant que Boris s’installe sur cordes fixes depuis le haut. Les nuages font du va-et-vient mais l’ambiance est agréable et le rocher est totalement sec malgré les quelques jours de pluie du début de semaine.

La météo est souvent bien différente sur ces contrefort­s ouest et il arrive régulièrem­ent que l’humidité reste bloquée dans la cuvette versant Est alors que le soleil brille généreusem­ent de l’autre côté.

Avec Guillaume on se régale, ce n’est pas le grand soleil mais la températur­e est idéale pour grimper avec une petite manche longue et Boris fait ses réglages pendu en short sur sa stat. Pour la photo, et histoire de profiter du soleil qui pointe son nez, on se prend même au jeu de regrimper la dernière longueur. Un beau 6b+ qui louvoie jusqu’au plateau de sortie.

Il est un peu plus de 18 heures quand nous repassons versant Est en voiture et revenons vers Grenoble, la visibilité est pourrie et une fine pluie commence à tomber sur le pare-brise. De notre côté, nous avons la sensation de rentrer d’un petit week-end dans le Sud Vercors. Encore une fois, les « Pieds Frais » auront tenu toutes leurs promesses.

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 ??  ?? Grimpe avec vue sur le couchant pour Benjamin dans la dernière longueur de “La Zone du Dehors” 7a+. Au fond de la vallée, l’Isère poursuit sa route plein Sud.
Grimpe avec vue sur le couchant pour Benjamin dans la dernière longueur de “La Zone du Dehors” 7a+. Au fond de la vallée, l’Isère poursuit sa route plein Sud.
 ??  ?? Ci-dessous : Guillaume VANET se régale dans la dernière longueur de “Niak Niak” 6b+.
En bas : c’est parti pour 10 minutes d’approche dont 8 minutes en descente.
Les plus feignants d’entre vous appréciero­nt.
Page de droite : Benjamin GERARD GROSSO dans la dernière longueur de “Niak Niak”. 6b+ louvoyant dans lequel les dégaines rallonge seront les bienvenus. Conditions idéales pour grimper en manche longue, il pleut sur Grenoble.
Ci-dessous : Guillaume VANET se régale dans la dernière longueur de “Niak Niak” 6b+. En bas : c’est parti pour 10 minutes d’approche dont 8 minutes en descente. Les plus feignants d’entre vous appréciero­nt. Page de droite : Benjamin GERARD GROSSO dans la dernière longueur de “Niak Niak”. 6b+ louvoyant dans lequel les dégaines rallonge seront les bienvenus. Conditions idéales pour grimper en manche longue, il pleut sur Grenoble.
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 ??  ?? Benjamin GERARD GROSSO dans la 3e longueur de “La Zone du Dehors”.
Benjamin GERARD GROSSO dans la 3e longueur de “La Zone du Dehors”.

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