UNE PINCÉE DE DESTEL
À DEUX PAS DE TOULON
N’espérez pas trouver au Destel une grande barre régulière truffée de spits et de grimpeurs sur plusieurs centaines de mètres. Sa dizaine de petits secteurs, saupoudrés le long d’un canyon sauvage, offre une grande diversité de prof ils, d’orientations et de diff iculté, avec deux constantes : du beau caillou et une implication sans faille du comité territorial de la FFME !
Les manifestations de l’authentique passion de Fred Bourgeois, contacté au téléphone pour qu’il dirige l’élaboration de cet article, ne se sont pas faites attendre. Quinze minutes après le premier « allô », il n’avait toujours donné la moindre info pratique ; il était encore en train de disserter sur le plaisir qu’avait pris dernièrement son camarade Antonin Rhodes sur les colonnettes du tout nouveau secteur du Destel. Vous l’avez compris, il n’était pas question d’espérer que Fred nous donne dans l’ordre tous les points clefs de cet article, avec des titres, des sous-titres, des tirets et des étoiles. La discussion est partie un peu dans tous les sens, mais, après plus d’une heure à causer sur le crux de telle voie, sur la praticabilité à vue de telle autre, sur le bon moment de la journée pour aller à tel ou tel secteur, sur l’ambiance et sur ceux qui ont fait l’histoire du Destel, le tableau a pris forme par petites touches jusqu’à devenir franchement aguicheur. Étonnamment, c’est ce qui fait aujourd’hui la force du Destel, à savoir la dispersion de ses secteurs, synonyme de quiétude et de diversité, qui en a dans le même temps retardé le développement. Et oui, un bout de caillou par-ci, une petite grotte par-là, c’est moins tape à l’oeil que de grandes barres comme celles du Baou d’Ouro et du Cimaï dont on connaît le glorieux destin ! Naturellement, donc, ce sont sur ces deux dernières falaises que les couennes ont proliféré autour de Toulon, laissant aux amateurs de grandes voies et de terrain d’aventure le monopole du Destel. Il paraît que, plus loin encore dans l’histoire, des brigands y avaient élu repère, séduits par les allures de coupe-gorge du canyon. Quant aux premiers habitants des lieux, ils remontent à des temps plus anciens encore puisqu’on y a retrouvé des vestiges préhistoriques.
Mais avant de donner de mauvaises idées à d’éventuels bandits des temps modernes en quête de grimpeurs à détrousser, revenons à nos couennes. Ce n’est que durant les années 90 que les premières lignes voient le jour au secteur de la Grande Face. De belles envolées
de 30 à 40 m dans le 6 et le 7, verticales, propre, efficace, en bref, du old school. À partir de la fin des années 90, cependant, l’inoxydable Laurent Jacob sonne la charge de l’escalade moderne : le Destel entre dans une nouvelle dimension. Les secteurs se multiplient. Des grottes truffées de bacs, de colonnettes et de gros mouvements physiques comme les aime le grimpeur d’aujourd’hui sont prises d’assaut. De beaux petits murs d’initiation voient le jour. Sans oublier toutes les grandes voies majeures réparties un peu partout dans le canyon et auxquelles le Vertical Magazine de ce printemps fait la part belle. Dans les années 2000 et le début des années 2010, Le Destel vit son âge d’or. Aujourd’hui encore, les développements se poursuivent puisque Fred Bourgeois et Anne-Cécile Laudon viennent de terminer l’équipement de La Libellule, un beau secteur plutôt déversant et parsemé de colonnettes qui gagnent à être serrées ! Devant la multiplication de l’offre en matière de falaises autour de Toulon (le rendez-vous est pris pour un dossier futur !), il est de bon ton de noter enfin que la fréquentation a légèrement baissé ces dernières années, notamment par rapport à une époque où la Cave et le Grenier du Destel étaient les seuls secteurs un peu déversant grimpable en été.
Parlant de diversité, au cas où vous ne nous croiriez pas sur parole, voici un petit inventaire des secteurs sportifs et de leurs principales caractéristiques, inventaire en plus duquel l’acquisition du topo paraît indispensable pour découvrir le site dans les meilleures dispositions !
La Grande Face
À l’ombre le matin, au soleil l’après-midi, de belles longueurs verticales du 5b au 7b, une très belle ampleur pour ces niveaux, où il faudra se munir d’une corde de 80 m.
Beato
Ensoleillé le matin, passe à l’ombre en milieu d’après-midi, un secteur parfait pour l’initiation et le perfectionnement avec une belle offre de voies dans le 5 et le 6.
Le Théâtre
Un secteur plus élitiste avec des lignes du 7a au 8a+/b, ombragé le matin, passe progressivement au soleil à partir de 14 heures : il faudra choisir votre heure en fonction de la saison ! La ligne phare : La Voie du Théâtre, un 7c+ sur de belles colonnettes avec un petit crux à la… Chuuut, ne gâchons pas votre run à vue !
Le Grenier
Un autre secteur pour les costauds, paradis du « petit 8 ». Un style assez pêchu allant du 7a/b au 8b. Développé par les inévitables Laurent Jacob et Chri sto phe Loui s, Le Greni er est i déal pour l es grimpeurs de 7c/8a. S’il fallait en sortir une parmi toutes les lignes qui valent ici le détour : Ombre et lumière, 8a.
Le diable
Un secteur très tranquille sur du caillou somptueux, quelques couennes faciles jusqu’au 6a/b maximum et quelques belles grandes voies qui se laissent grimper.
Bora Bora
LE secteur d’initiation du Destel avec de belles voies bien équipées du 4 au 6b. Au soleil le matin.
La Cave
On repart sur un secteur haut niveau avec des lignes du 7b au 8b+ (et quelques intruses dans le 6 sur les bords de la Cave). Paumé au fond du canyon à côté de belles vasques, à l’ombre le matin, ce secteur vous permettra de faire fumer vos bras jusqu’à l’explosion. Mention spéciale au 7c+ Bras zéro : un régal de conti et de dévers.
La Grotte Saint-Martin
On reste dans le thème de la conti, du dévers et du physique, avec toutefois quelques voies moins penchées sur les bords de la grotte. L’accès est particulièrement sympathique puisqu’il se fait par le boyau de la grotte lui-même en suivant une petite via cordatta. Frontale conseillée ! La voie à la mode, équipée par notre interlocuteur en personne : Dos Pastis, un 7c+ en léger dévers qui démarre à la sortie du boyau et remonte le mur sur de très belles formes. À l’ombre le matin avant un passage progressif au soleil dans le courant de l’après-midi.
Fabien OGER-CARON dans “Corps à corps”, 7a
au secteur Babylone.
Planète des Singes
C’est le secteur hétérogène du Destel où le grimpeur de 8a/b trouvera autant sa place que celui de 5c/6a. Sans oublier la masse des voies dans le 7, typées conti, et très agréables pour le à vue. Un secteur idéal pour l’hiver car ensoleillé le gros de la journée, mais cela n’empêche pas les locaux d’y aller quand il fait chaud car l’ombre s’y impose en soirée. La classique : Gorillaz, une grosse envolée en 7b. Mais surtout rêve de singe, un grand 6b en léger dévers, majeurissime.
Babylone
Un secteur d’hiver, ensoleillé donc, parfait pour les bons grimpeurs de 6 amateurs de grandes envolées. Des lignes du 5c au 7b+.
Libellule
Le petit nouveau du Destel. Un bel exemple représentatif de l’action du comité territorial d’ailleurs : Fred appelle le comité, le comité contacte le parc régional et le conseil départemental, un peu plus tard, l’autorisation d’équipement est donnée. Un peu plus tard encore, on peut venir serrer de belles colonnettes en toute sécurité dans les voies en 7 et 8 de ce tout nouveau dévers. Un secteur très bien pour les demi-saisons, voire l’été tôt le matin ou le soir.
Gulliver
Dernier de cette longue série, une majorité voies dans le 7, ombragées l’après-midi, sur un beau rocher ocre truffé de petites prises et belles réglettes.