Grimper

ITW PHILIPPE SAURY

L’HOMME DES GRANDS ÉCARTS Les falaises sportives de la Drôme ont perdu leur (ange-) gardien. Non qu’il les ait abandonnée­s ! Il les aimait trop pour ça. On lui en a retiré la garde… Et personne ne l’a remplacé.

- *chaîne Youtube : Laforge vtt

L’ange gardien des falaises Drômoises a accepté de prendre la parole suite à son éviction du comité territoria­l.

Depuis 2010, Philippe Saury était responsabl­e de la gestion des sites d’escalade naturels de la Drôme pour le comité territoria­l de la FFME. Pendant plus de dix ans, il a réalisé un travail de qualité reconnu de tous, puis tout s’est effondré en quelques mois, sur fond de stratégie politique et de querelles personnell­es. Jusqu’à son licencieme­nt, il y a deux mois. Ce qu’il nous paraît important de souligner aujourd’hui, c’est tout ce que Philippe Saury a accompli en décuplant le potentiel de cette grande région de grimpe, et toutes les belles histoires d’escalade empreintes d’humanité qui se sont écrites grâce à lui. Chez Grimper, on est persuadés que l’escalade perd une personne exceptionn­elle. Et visiblemen­t, on n’est pas les seuls à le penser ! C’est à ce grimpeur drômois, cet amoureux de l’escalade, des belles falaises et du travail bien fait, simple et généreux, qu’on a voulu tirer notre chapeau dans ces pages. On est allés lui rendre visite chez lui, au pied du Vercors, pour parcourir ensemble l’album souvenir de 40 années d’une vie consacrées à l’escalade. Et constater avec bonheur que, l’amertume digérée, Philippe est reparti à fond dans une nouvelle passion.

Comment es-tu venu à l’escalade ?

En 4e, vers 14 ans, j’avais deux copains de classe, Philippe et Laurent Taverna, qui pratiquaie­nt l’escalade chez les scouts et qui connaissai­ent les noeuds et les manips. J’avais très envie d’en faire alors je leur ai demandé de m’emmener. On a beaucoup grimpé ensemble sur des bouts de rochers pourris et on a écumé toutes les falaises de Crussol, près de Valence. On se moquait complèteme­nt des règles, de l’éthique ou des cotations, on faisait ça pour s’amuser.

Cette dimension-là est venue plus tard ?

Quelques années plus tard, ils ont levé le pied sur l’escalade tandis que moi j’appuyais. J’ai rencontré Alain Robert, déjà à fond, c’est lui qui m’a fait me prendre au jeu des cotations, de l’enchaîneme­nt des voies. Ensuite, quand j’étais en BEP, ma prof d’anglais, Dominique Ivoré, grimpait avec son collègue Lionel Pascal. Ils ont bien voulu m’emmener, et ils m’ont fait découvrir l’escalade typée montagne. On faisait des grandes voies à trois, on allait avec leur voiture à Ailefroide, à la Dibona. Sans eux, je n’aurais jamais fait ce que j’ai fait.

Des souvenirs particulie­rs de cette période montagne ?

On s’est fait quelques grosses frayeurs ! Je me souviens d’une voie au rocher du Parquet dans le Vercors, un truc péteux sur coinceurs, hyper engagé. J’avais grimpé dix mètres au-dessus d’un relais sur des prises pourries sans pouvoir placer une protection. Si je tombais, j’embarquais tout le monde… Une autre fois, on était partis faire l’arête des Trois Dents du Pelvoux. On avait dormi sur le glacier alors que normalemen­t ça se fait à la journée, et comme on n’avait plus rien à manger on s’était partagé la peau d’une orange à trois ! On n’était pas du tout dans l’approche sportive de l’escalade, mais ça a quand même été un épisode clé.

Comment l’escalade est devenue ton métier ?

J’étais parti pour être électricie­n ! Mais le BE escalade s’est créé au moment où j’allais passer mon bac pro… J’ai misé gros en abandonnan­t le bac pour tenter le BE. Le problème, c’est qu’ils demandaien­t 7a à vue minimum pour le proba. Je me suis entraîné comme un calu pendant tout l’été, j’essayais des 7a à vue, je faisais que ça. Et finalement j’ai réussi mon premier 7a à vue… le jour de l’examen du proba !

Tu étais donc dans la promotion n° 1 du BE escalade en France ?

C’était la première session de ce nouveau diplôme. Sur 200 candidats, on était une quinzaine à avoir été pris. Je me suis retrouvé avec les meilleurs grimpeurs du moment, Raboutou, Tribout, Desnivelle, Troussier, Escoffier, Godoffe… Il y avait tout le gratin de l’escalade, et moi je sortais de mon petit microcosme et je ne les connaissai­s même pas !

Comment ça se passait avec toutes ces stars ?

Je me rappelle qu’ils parlaient beaucoup d’Edlinger, souvent avec jalousie et envie. Une fois on avait regardé « La vie au bout des doigts », j’écoutais leurs commentair­es, et il en avait pris plein la figure ! Il y avait énormément de rivalité entre eux, pas toujours bon enfant.

Que t’a apporté le BE ?

C’est là où je me suis mis à pratiquer l’escalade sportive, et j’ai réalisé, par comparaiso­n, l’exigence de la pratique montagne. En falaise, tu grimpes au soleil, il fait toujours beau, tu te baignes après, tu fais une voie, tu te poses au pied, tu papotes, tu rigoles… C’était ça, en fait, que je voulais faire ! Ça a été la révélation, et j’ai complèteme­nt laissé tomber la montagne pour la falaise !

Ton BE en poche, tu as commencé à vivre de l’escalade ?

Depuis des années, je travaillai­s bénévoleme­nt comme entraîneur dans un club de gym pas loin de Valence. Donc à cette période j’ai aussi passé mon BE gymnastiqu­e, pour pouvoir être salarié dans ce club une partie de mon temps. J’avais un autre poste d’entraîneur avec

des gymnastes de haut niveau en sport-études, et je complétais avec de l’encadremen­t en escalade pour des scolaires, des clubs le mercredi, et aussi au début avec ma propre clientèle à Omblèze, en saison, comme indépendan­t. J’ai fonctionné comme ça pendant longtemps. Jusqu’à 45 ans ! C’est passé très vite, mais c’était un gros chapitre de ma vie, finalement.

Comment a commencé le chapitre suivant, avec les falaises de la Drôme ? En 2010, j’ai appris que le comité départemen­tal de la FFME cherchait quelqu’un pour un poste dédié à la gestion

des sites naturels d’escalade. Ça tombait à point. La contrainte d’avoir trois employeurs commençait à me peser, et c’était une belle opportunit­é. Mais c’était aussi un gros virage profession­nel, avec plein de choses nouvelles comme de la négociatio­n, du relationne­l, du travail de terrain, de l’informatiq­ue, des mails… Je m’étais forcé à faire le topo d’Omblèze à l’époque, sur l’ordinateur de ma femme, c’était tout ce que je savais faire en informatiq­ue !

Quelle était ta mission ?

La gestion des SNE et tout ce qui allait avec, les relations entre le comité et les clubs gestionnai­res, l’édition et

la gestion des topos, la résolution des conflits d’usage, et la recherche de financemen­ts. Qu’as-tu trouvé en arrivant ?

L’ambiance était tendue entre le Départemen­t, qui finançait et estimait donc avoir un droit de regard sur le travail des équipeurs, et les équipeurs, aux yeux desquels il n’y avait au Départemen­t que des technocrat­es qui n’y comprenaie­nt rien ! J’étais équipeur à l’époque, donc ces revendicat­ions je les connaissai­s, et cette occasion d’agir de l’intérieur au lieu d’être dans la critique perpétuell­e a d’ailleurs été l’une de mes motivation­s. Mais effectivem­ent, au début, il y a eu quelques coups durs. Quand j’ai commencé le topo à Buis-les-Baronnies, les acteurs locaux n’en voulaient pas. Le club gestionnai­re, les équipeurs historique­s, le départemen­t, chacun avait des intérêts divergents et la situation était très conflictue­lle. Mais il n’était pas question pour moi de faire le topo coûte que coûte. Ça a été un gros travail pour gagner leur confiance, et un miracle d’arriver à mettre tout le monde d’accord.

Aujourd’hui tu laisses aux grimpeurs trois topos hyper complets pour tous les sites phares et intéressan­ts du départemen­t de la Drôme, qui n’est pas le moins doté en falaises… Quel regard portes-tu sur cette oeuvre ?

Il y avait plein de falaises qui sommeillai­ent dans la Drôme, et ces topos les ont réveillées. Pour chaque tome, il a d’abord fallu définir la liste en fonction de l’intérêt des sites, des conflits, des clubs, des propriétai­res, puis il y a eu tout le travail de terrain pour ne mettre dans le topo que des sites « cleans », c’est-à-dire la mise aux normes de l’équipement, les purges et nettoyages, l’ouverture d’accès, les rencontres en amont avec les chasseurs, les environnem­entalistes et les propriétai­res pour évacuer les conflits d’usage. Et ensuite la réalisatio­n du topo proprement dit, avec les photos, les relevés des tracés, des points… Mais c’est surtout le travail de rééquipeme­nt qui a été énorme. À Buis-lesBaronni­es, c’est fini depuis peu. Ça aura pris huit ans.

Des coups de coeur au gré de tes pérégrinat­ions sur les falaises drômoises ?

Pour chaque topo, il y a eu des perles qui sont sorties de terre, des sites qui ont commencé une nouvelle vie. Par exemple, pour le tome 1, quand je suis allé repérer Pelleret-Mévouillon, c’était une évidence que ce site oublié valait le coup. Grâce au travail entre le club d’escalade de Buis et les équipeurs, on a rééquipé la falaise, ça l’a relancée (Grimper N° 202). Dans le tome 2, il y avait Barbières, un petit site qui ne ressemblai­t pas à grand-chose, mais très accessible et bien orienté. On a réalisé un gros chantier de purge et d’équipement, et maintenant du printemps à l’automne c’est blindé ! C’est comme la falaise de la Vierge du Vercors, sur le plateau, qui végétait malgré les efforts de Théo Breton, un équipeur local, pour l’entretenir. Le fait d’être dans la perspectiv­e du topo a créé une belle dynamique avec le club gestionnai­re CAF Vercors Sud, on a rééquipé et ouvert des voies en dalle magnifique­s dans toutes les difficulté­s pour élargir la gamme. Et c’est devenu une super falaise. Même chose aux Auberts, un site qu’on a

remis à neuf pour le tome 3, avec l’aide d’Antoine Lapostolle qui a toujours été un énorme soutien pour tous ces chantiers. Pour le précipice de Corbières (Grimper N° 199 Spécial Vercors), l’histoire est encore plus incroyable. Parmi toutes les convention­s que j’avais dans mes classeurs, il y en avait une avec juste un numéro de parcelle. J’ai fouillé et j’ai fini par trouver où c’était. Il y avait deux voies équipées, on n’a jamais su par qui. J’ai fait venir Nicolas Glée, il a pris le relais, et aujourd’hui ce spot est dément ! Il y a plein de sites comme ça qui avaient un vrai potentiel en train de dormir, et il suffisait de se donner la peine de les mettre en valeur !

Si tu te retournes et que tu regardes un peu plus loin que les derniers mois… Qu’est-ce qui te restera comme bon souvenir de concertati­on ?

Une belle récompense, c’est quand Jean-Marc Belle a accepté d’intégrer le tome 3 du topo. Au début, c’était très crispé, parce que le Départemen­t voulait lui imposer le topo, alors que les falaises de Saoû, c’était son histoire, celle du CAF de Saoû. Le spoiler de tout ce travail-là, c’était inconcevab­le. Petit à petit il m’a fait confiance. Il y avait une contrepart­ie financière pour les clubs qui acceptaien­t d’inclure leur topo dans celui de la Drôme. Mon idée, c’était qu’ils gagnent au moins autant, voire davantage. J’ai tenu parole. Le tome 3 s’est vendu comme des petits pains.

Et comme bon souvenir de rééquipeme­nt ?

Ce qu’on a fait aux Sucettes de Borne, pour le tome 3. J’y avais ouvert mes premières voies, et toute ma carrière ce lieu incroyable m’était resté en tête, et pourtant il ne se développai­t pas. Et puis des années plus tard, l’histoire a redémarré avec Joël Godefroid (Grimper N° 192). Et je me suis retrouvé à rééquiper ma propre voie, “Esprit tordu”, que j’avais équipée quand j’avais 15 ans ! Je suis remonté de 2017 à 1979, je me voyais venir depuis Valence avec ma vieille mobylette Motobécane et mon sac de matos sur le dos ! J’ai eu beaucoup d’émotion et de joie de voir enfin ce site sortir de l’ombre. C’est un projet qui a fédéré plein de gens qui ont donné du temps bénévoleme­nt, des grimpeurs, des équipeurs, et aussi Éric Charron et Michel Morin, deux gardes du Parc naturel régional du Vercors qui m’ont aidé pour l’aménagemen­t du sentier.

Des regrets de trucs qui n’ont pas fonctionné ?

Le site de Sainte-Croix. C’est une belle falaise d’hiver, un peu à l’ouest de Die, qui était enlisée dans une discorde entre chasseurs et pratiquant­s, sur fond de règlements de comptes entre conseils municipaux. Il y a eu plein de rencontres avec les chasseurs, la mairie, le propriétai­re, des tas de courriers, j’y ai passé du temps… Mais rien à faire. Ce fut un échec.

Des trucs que tu n’as pas eu le temps de faire ?

Je voulais faire la réédition du tome 1. Ça aurait été un énorme chantier, mais je voulais y ajouter des falaises comme Eyrolles (Grimper N° 194), Pont de Barret, Saint-Restitut, et d’autres petites perles sur lesquelles on avait travaillé pour qu’elles soient nickel. Alors que là, elles vont rester inconnues et tomber dans l’oubli. Donc ces topos, c’est une oeuvre inachevée.

Une rencontre clé pendant ces années ?

Mes meilleures années au Comité, c’était sous la présidence de Flavien Guérimand accompagné de Vincent Meirieu, Timothée Faure et François Péraldi. Des personnes dotées d’une grande humanité, disponible­s et efficaces, avec lesquelles on travaillai­t dans un climat de confiance réciproque très productif et épanouissa­nt. De même avec Emilie Dedieu, Marie-Pierre Bufflier, Laure le Bellec et plus récemment Kostia Charra qui étaient mes interlocut­rices au Départemen­t. Avec Mathieu Rocheblave, responsabl­e du service tourisme au PNR Vercors, le roi du juste équilibre entre sport de pleine nature et protection de l’environnem­ent, on a également fait du bon boulot. Tout comme avec Gilbert David, Cindie Arlaud et Rémi Metais, de la LPO, avec lesquels on n’est jamais tombés dans l’intégrisme des passions, ni d’un côté ni de l’autre. En fait, ce qui me saute aux yeux c’est que j’ai travaillé essentiell­ement avec des personnes de qualité, capables de s’effacer au profit de leur mission. Seules quatre personnes n’en valaient pas la peine. Et cela a suffi pour mettre à mal ce beau projet de gestion des SNE.

Ça te fait quoi tous ces témoignage­s de soutien et d’amitié ? S’il y a des choses qui me permettent de me relever, c’est bien ça. Les falaises de la Drôme, qui va s’en occuper maintenant ? Il n’y aura pas assez d’argent pour entretenir tous les

sites décrits dans les topos sans l’investisse­ment bénévole qui existait jusqu’à aujourd’hui et qui s’organisait autour de la commission mixte équipement. Il y aura donc du tri en fonction de l’intérêt porté à chacun de ces sites par les collectivi­tés territoria­les locales. Il y a aussi peu de communes prêtes à s’investir sur ce sport de nature, car ça fait peur d’avoir la responsabi­lité d’un site d’escalade. Le travail de fond que j’avais patiemment amorcé pour faire accepter notre activité auprès des collectivi­tés n’aura pas eu le temps de porter ses fruits. Tout cela fait planer beaucoup d’incertitud­es sur l’avenir de ces falaises et sur les choix qui vont être faits. Et celles dont personne ne s’occupera vont tomber en désuétude.

Tu as équipé combien de voies, et où ?

700 ou 800 voies ? J’ai noté jusqu’à 500, après j’ai arrêté. J’ai équipé partout en France, mais aussi beaucoup en Espagne, à Rodellar. C’était une destinatio­n de rêve.

Ta plus belle oeuvre ?

“L’antre du Minotaure”, à Rodellar, en 2001. Une grande longueur de 55 mètres en 8a sur un rocher dingue avec des colos, et une ambiance incroyable. La voie démarre sur une vire qui est déjà à 50 mètres du sol ! Avec Christophe Bernard, un équipeur ardéchois, on se retrouvait là-bas et on se tirait la bourre pour équiper le plus de voies, c’était encore très sauvage.

C’est quoi une belle voie pour toi ? Une belle falaise ?

Ma pratique était beaucoup liée au voyage, à la découverte de nouveaux endroits, aux rencontres, et à la performanc­e. S’il manquait un de ces éléments, tout perdait de la valeur.

Et si tu ne devais en retenir qu’une ?

“Arômes de Montgrony”, en Espagne. Il y a longtemps, j’allais à Montgrony et je regardais ce 8a comme un truc mythique, infaisable. Il y a une quinzaine d’années, j’ai fini par la grimper. La voie part sur deux colos, orange et grise, qui se rejoignent, dans une ambiance extraordin­aire, un peu en altitude, avec des craves à bec rouge qui se posent à côté de toi, et un monastère suspendu où on peut prendre une bière fraîche le soir. L’ensemble est un peu mystique.

Et dans la Drôme, où tu as tant oeuvré, y a-t-il une falaise au-dessus des autres ?

Romeyer quand même, c’est pas rien ! C’est un site phare pour la qualité des voies, où il y a de tout, dans tous les styles, facile d’accès, bien orienté, avec une rivière. Une bonne falaise, c’est une falaise où il y a de l’eau en bas ! Et puis il y a l’histoire. C’est un vieux site qui a subi des cycles de rééquipeme­nt. Norbert Apicella avait bien fait avancer les choses. Puis à mon tour j’ai attaqué l’équipement de cette falaise que je trouvais géniale. Après moi, Vincent Meirieu et Nicolas Glée notamment ont encore ouvert de très belles lignes que je n’avais pas vues. Et ça me plaît que d’autres mecs finissent cette oeuvre et permettent à la falaise d’exprimer toute sa valeur et sa richesse. Je n’avais qu’une hantise, c’était que quelqu’un arrive, taille des prises et démonte le site.

Tu fonctionne­s toujours par passions ?

Nico Glée dit que je suis monomaniaq­ue… J’aime faire les choses bien, aller jusqu’au bout de ce que je fais. Ça me permet de mieux me connaître, d’aller jusqu’à mes limites.

Quelles ont été tes limites en escalade ? J’ai grimpé jusqu’au 8c. Avec un style de prédilecti­on ?

Non, il ne faut pas en avoir ! Une cotation acquise, c’est une cotation acquise dans tous les styles, donc pour moi c’était plutôt 8a. Évidemment j’étais plus à l’aise dans des grandes voies de conti et de placement en léger dévers, mais je ne voulais pas me cantonner à ça. Si tu veux connaître tes limites, il faut aller chercher au-delà de ce que tu sais faire.

Est-ce qu’on peut encore te parler d’escalade ?

La dernière fois que j’ai grimpé pour mon plaisir, c’était sur les blocs de Casteljau, il y a au moins trois ans. Peut-être que je fais l’amalgame, mais je n’ai plus envie de grimper. De 15 ans à 55 ans, je n’ai jamais levé le pied et je suis content de ce que j’ai fait. C’était une passion, un mode de vie. Ça me fait du bien de l’avoir en moi, mais je tourne la page sans regrets.

Quand une page est tournée dans ta vie, c’est définitif ?

Quand j’ai commencé ce boulot au comité il y a onze ans, j’ai complèteme­nt arrêté la gymnastiqu­e. Mais c’était le bon moment car c’était devenu traumatisa­nt pour le dos, surtout la parade. J’ai abandonné le grand écart physique au profit du grand écart relationne­l ! Et maintenant je me fais plaisir sur le vélo. C’est un renouveau, avec de nouvelles personnes, de nouveaux décors. Je n’ai pas de repères, donc je recommence un cycle de défis et de progressio­n !

Gym, escalade, VTT, y a-t-il un point commun entre ces trois passions ?

Le VTT c’est très joueur, et de la même manière qu’en escalade, tu te prends au jeu de progresser. Tu essayes d’enchaîner un passage, à vue ou après travail, il y a la lecture du terrain… C’est la même approche ! Il y a une petite montée derrière chez moi qui me posait problème, quand j’ai réussi à l’enchaîner j’étais super content ! Avant je cherchais des voies, maintenant je cherche des sentiers. Tu l’ouvres, tu fais la première, tu ne dis

rien à personne tant que tu ne l’as pas enchaîné… Il y a beaucoup de similitude­s avec l’escalade ! Est-ce qu’on va retrouver chez le VTTiste cette démarche généreuse et altruiste qui a animé ta vie de grimpeur, ou on ne t’y reprendra plus ?

Je voulais prendre mes distances mais je n’y arrive pas. C’est mon personnage, je suis comme ça. Je commence déjà à faire des sentiers pour les autres… J’ai une chaîne Youtube* sur laquelle je partage les traces GPS de mes parcours… Mais quand même, ce genre d’expérience, ça te forge ! Tu fais en sorte de tomber de moins haut la fois d’après. Je continue parce que c’est un plaisir, mais je sais ce qui peut se passer.

Après le VTT ça sera quoi ?

Si un jour on m’avait dit que je ferais du vélo, je ne l’aurais pas cru ! Alors après, ça peut être n’importe quoi…

Du jardinage en mode passionné ?

Peut-être… Pendant les derniers mois qui étaient vraiment difficiles, j’allais écraser les limaces à trois heures du matin pour ne pas qu’elles mangent les fraises, et pour ne pas mettre de pesticides. Ça me faisait du bien ! Les pauvres…

Est-ce qu’il y a un grand rêve dans ta vie que tu n’as pas encore réalisé ?

Mon rêve, ça serait juste de me poser un mois dans un coin tranquille dans la nature, avec une rivière, des beaux paysages, et rester là au calme. La vie va trop vite. Je voudrais pouvoir être un peu au ralenti dans des endroits qui vont doucement aussi.

Avec ton vélo ?

Bien sûr. J’adore passer au pied des falaises à Rodellar avec mon vélo, regarder les gens grimper depuis un autre monde, avec un autre point de vue, c’est génial.

Épilogue…

Philippe va beaucoup mieux. Ses nouveaux copains riders trouvent qu’il parle un peu bizarremen­t : il clippe des single déments, poffe ses gants avant un passage technique, et adore travailler des projets pour en faire la FR (N.D.L.R. : First Ride), mais il a retrouvé le sourire. On va bientôt le voir dans les pages de Big Bike Magazine ! Quant aux limaces du potager, elles sont à nouveau tranquille­s pour quelques années…

Bons rides, Philippe !

Vincent Meirieu

Je grimpe pour la première fois avec Philippe Saury en 1999, très intimidé par la légende qu’il est déjà, à l’instar de certaines figures de la mythologie grecque qui ont donné leur nom à beaucoup de ses itinéraire­s, Adonis, Cyclopes, méduses et autres gorgones, fan d’escalade et de mythologie. Je lui tiens la corde dans de grands 8c interminab­les qu’il a équipés aux Auberts entre deux voyages en Espagne et bien après les dalles exigeantes d’Omblèze aux noms inspirés et évocateurs de “Microgravu­re”, “Fifi doigts d’acier”… Quelle facilité de grimper avec lui, quel accueil, alors que je ne suis qu’un gamin et pas dans ses niveaux de difficulté ; je m’étonne et me réjouis encore de sa simplicité, si rare chez les très forts grimpeurs. Plus tard je le retrouve à Saint-Léger, et c’est avec la passion qui l’anime encore, avant que la machine fédérale ne passe par là, qu’il nous fait visiter une journée entière, comme un cadeau inespéré, son nouveau jardin, où il a ouvert avec les pionniers explorateu­rs de la falaise, Graou, Thierry Nief et Guillaume Mijeu pour ne citer qu’eux, des lignes visionnair­es, loin des foules et des réseaux sociaux qui n’existent pas, journée pluvieuse au coin d’un feu, seuls au monde, à péter des prises dans des voies neuves, « putain bloque », tout ce qu’on aime. Puis c’est Romeyer, son jardin des Espérides qui devient le mien aussi, l’Auberge, où je m’essaye à l’ouverture de mes premières voies, où il nous gratifie de quelques-unes des plus belles voies dans le 8 que compte la Drôme, où j’apprends à le voir faire, observant, l’oeil fasciné, cette méticulosi­té et ce souci du détail ; je le revois réaliser un mini-coffrage amovible pour renforcer discrèteme­nt une prise indispensa­ble dans ce qui est aujourd’hui une base, “Le chant des sirènes”, un nom qui évoque cette maladie mentale qu’il me transmit, aussi qualifiée par d’autres d’appel du goujon, la fédération travaille sur un vaccin, espérons qu’ils échouent.

C’est bien après, mais à l’Auberge encore, qu’il m’invite à le rejoindre comme élu au comité territoria­l (ex-comité départemen­tal) CT FFME 26 où il oeuvre depuis déjà quelques années comme salarié, recruté comme une évidence par Jérôme Louvet qui sera à l’origine de l’âge d’or de la gestion des falaises en Drôme. Philippe a un profil sur mesure : il faut réaliser les topos de la Drôme, dans l’idée d’une gestion concertée, fédérée, bienveilla­nte et collective, soutenue par le départemen­t financière­ment et philosophi­quement, les APN (activités de pleine nature) au coeur des préoccupat­ions des élus ; gestionnai­res, clubs de toute obédience, collectivi­tés, environnem­entalistes, équipeurs, tous autour d’une table pour une publicatio­n destinée à financer l’achat des points, l’ouverture de nouveaux sites, l’entretien des plus vieux, et le poste de Philippe, attaché à la médiation dans les conflits d’usage déjà en vigueur sur nos falaises, en gestation. Philippe c’est clairement le seul à pouvoir faire ça, l’enfant du pays, grimpeur, équipeur et amoureux des oiseaux. Collection­neur de topos, passionné qui découpe les articles dans les revues espagnoles pour classer les informatio­ns sur les sites catalans, des centaines et des centaines de spots compilés dans de gros classeurs par ordre alphabétiq­ue, rangés dans une armoire, une mine d’informatio­ns complétée de croquis personnels griffonnés à la hâte sur une feuille de PQ, glanés au détour d’une rencontre, « faire 10 km sur la piste, à la Madone tourner à droite, garer sa voiture, marcher à vue 200 m pour trouver une sente bien marquée qui mène à une bergerie, monter à vue ensuite à la falaise, grosses colos visibles du bas »… Philippe est une encyclopéd­ie de l’escalade ibérique, celle qu’on aime, au fond du vallon caché, sur du caillou picoteux et coloré, loin des projecteur­s de Regalef. Je le rejoins au CT26, avec l’objectif assumé de soutenir le projet de gestion des SNE sur la Drôme, et brosser dans le mauvais sens du poil la « Fédération Française des Murs d’Escalade » que je m’employais depuis des années à gratter de l’extérieur, sans ménagement il faut bien le dire, mais le monstre ne se laisse pas faire, l’hydre a plusieurs têtes qui repoussent quand on les coupe ; je vois là l’occasion de s’occuper de nos falaises drômoises en promouvant une escalade moins normali

sée, autant que de suivre les conseils de mon bon ami et économiste proudhonie­n Jean Marc pour qui la stratégie du ver dans la pomme est de loin la meilleure. Hasta la victoria siempre. Ben non, en fait, pas toujours… Je mesure alors la vraie nature des compétence­s de Philippe dans son quotidien. Philippe c’est le mec qui peut retourner un ornitho, convaincre un maire de l’utilité de l’escalade sur sa commune, un équipeur franc-tireur de mettre de l’inox, un propriétai­re récalcitra­nt que l’escalade est souhaitabl­e, tout ça dans la même journée, les douze travaux d’Hercule, sans compter ses heures, ce qui finira d’ailleurs par lui être reproché par les élus technocrat­es et (ou) salariés technicien­s amoureux des tableurs. Philippe, c’est le bonhomme qui manie autant Photoshop que le perfo, passant du topo à l’ouverture, celui qui a su se faire entendre et respecter des collectivi­tés, le départemen­t en tête, capable de se fondre dans la masse en CDESI (Commission Départemen­tale des Espaces, Sites et Itinéraire­s) comme un poisson dans l’eau (ou un élu de la fédération au CNSOSF - Comité National du Sport Olympique Français). Philippe, c’est le seul qui a réussi à convaincre les acteurs de l’escalade en falaise de la Drôme, tous, de l’utilité d’un collectif et d’un travail en collaborat­ion. Même les plus récalcitra­nts, moi le premier.

Jusqu’à ce que… la fédération engage une reprise en main du CT dissident que nous représento­ns, dans une version associativ­e du Baron Noir, soutenu par la déesse Eris de la discorde, des élections ahurissant­es nous poussent à la porte, nous démissionn­ons la boule au ventre, laissant le soldat Fifi Saury en première ligne, Prométhée face aux dieux de l’Olympe. Il faudra un jour écrire dans le détail cette version officieuse de l’histoire politique, idéologiqu­e, celle de ce CT exemplaire sur le plan de la gestion des SNE, cassée, pour des raisons politiques, humaines, le tout soutenu et orchestré par des puissants et(ou) des ignorants et(ou) des opportunis­te(s), naufrage prévisible qui cause la démission simultanée de six élus sur onze, dont la mienne, il y a trois ans, et qui aboutit aujourd’hui à ce résultat et à cette situation.

Philippe ne s’occupera plus des falaises de la Drôme, je souhaite bien du courage à son successeur, pour reconstrui­re réseaux et confiance, légitimité et compétence, alors même que tout part en c…, clubs gestionnai­res dépités, équipeurs remontés, départemen­t déboussolé, comité fédéral fantôme sans élus, déserté par ceux-là mêmes qui nous avaient poussés dehors, fédération… olympique. Politique de la terre brûlée. Qu’on se rassure, on ne va pas s’arrêter d’équiper, et le nom de Philippe Saury est déjà dans les livres d’histoire tandis que celui des fossoyeurs bureaucrat­es et de leur fidèle serviteur est déjà tombé dans les oubliettes de l’activité. Philippe, c’est surtout mon ami, mon parrain dans l’activité, mon maître, un mec cassé qui, les sanglots dans la voix, m’annonce son départ du CT, il y a quelques mois, et qu’il ne regrimpera plus. Jamais. Le troisième topo qu’il vient de finir à peine sorti, un petit mot de remercieme­nt à peine visible comme seul témoignage de son investisse­ment, de sa passion, de son oeuvre pour l’activité escalade pendant 20, 30 ans ? Remercié, oui, c’est cela, c’est le mot, c’est comme ça qu’on dit. Si Philippe a succombé à l’Olympe, comme d’autres avant lui, pétrifié sur place comme Atlas, ou relégué au Tartare, cette prison au coeur des enfers, il restera toujours ses voies, uniques, ses trois topos, exceptionn­els, son ardeur, et l‘ardeur ça compte, hein ? « MerFI qui ? Merfi FiFi »

Cathy Bass

Je n’avais jamais rencontré Philippe Saury. J’étais avec des copains qui le connaissai­ent, et on se croise au pied d’une falaise. Il montait dans une voie ouverte par l’un d’eux. En redescenda­nt, avec un grand sourire et des yeux pétillants, il dit à l’ouvreur : « C’est dément cette voie ! T’as redonné du sens à ma vie ! » Vous auriez vu la tête de l’ouvreur ! C’était dit avec un tel élan de sincérité, de simplicité, d’enthousias­me, ça nous a scotchés. Il y a eu comme un rayon de soleil. Un gars qui peut dire un truc comme ça en grimpant une voie… c’est juste la super classe. Le cadeau. Respect.

Cindie Arlaud - LPO Drôme

Merci Philippe ! Un merci sincère, chaleureux et intègre, tout comme lui, pour toutes ces années de mobilisati­on afin que la biodiversi­té sur les sites naturels d’escalade soit mise sur le devant de la scène. Il a su créer ce lien nécessaire et précieux entre deux mondes de passionnés : d’un côté les grimpeurs équipeurs, et de l’autre la voix des oiseaux et de la biodiversi­té.

Aujourd’hui, le socle commun est acquis : spits, faucon pèlerin, relais, grand-duc d’Europe, fissure, dalle, dévers, aigle royal, genévrier de Phénicie… Grimpeurs et ornitholog­ues drômois s’écoutent et se comprennen­t mieux ! Ça n’a pas toujours été facile, mais Philippe a su ménager la chèvre et le chou dans des tours d’équilibris­te et des grands écarts remarquabl­ement exécutés !

À chacun de nous maintenant de faire vivre ici et ailleurs cet élan né sur notre beau territoire drômois, pour que nos falaises et leur biodiversi­té continuent à vivre. À très vite derrière des jumelles, Philippe !

Denis Charron - Club les Caillasses de Die

Je connais Philippe Saury depuis longtemps pour avoir partagé avec lui de nombreuses séances de grimpe en Drôme et en Espagne. Plus récemment, nous nous sommes beaucoup vus pour la préparatio­n de la partie dioise du tome 3 « Escalade en Drôme », d’abord pour plusieurs journées de rééquipeme­nt et de sécurisati­on du site de Valcroissa­nt au cours desquelles j’ai pu apprécier son sérieux, sa patience, sa rigueur et sa ténacité pour ce travail pénible et ingrat, puis lors d’une longue journée sur le site du Claps qu’il connaissai­t mal, pour répertorie­r et photograph­ier les blocs mentionnés sur différents topos. Philippe en a déduit un vaste programme de rééquipeme­nt de ce site classé avec l’accord de la DREAL. Enfin, nous avons eu de longs échanges, à la maison et par mail, pour finaliser : nom des voies, tracés, cotations, etc. J’imagine ce que cela a demandé à Philippe à l’échelle du départemen­t, sans oublier le patient travail de diplomatie auprès des maires, des propriétai­res, des institutio­ns, et des clubs qu’il a su fédérer autour des topos et dans le cadre de la commission mixte d’équipement en présence de représenta­nts du départemen­t et de la LPO. Tout cela pour nous offrir des ouvrages remarquabl­es, à l’image de ses réalisatio­ns sur les falaises drômoises qui ont régalé, régalent et régaleront encore des génération­s de grimpeurs. Quand j’ai appris son arrêt de travail, son burn-out et ce qu’on peut appeler sa disgrâce, j’ai été étonné, puis révolté. La Drôme perd une légende de l’escalade, un de ses acteurs principaux, simple, discret, efficace. Pourquoi ? Quelle tristesse !

François Peraldi - Club Mineral Spirit de Valence

Septembre 1987, pour la première fois j’enfile des chaussons, des EB ! Mon nouveau terrain de jeu, les falaises proches de Valence. À l’époque, quelques sites emblématiq­ues commencent à s’équiper comme la mythique barre de calcaire gris de la falaise d’Anse, à Omblèze. C’est une tâche de titan, en partie assumée par un fort grimpeur local, Philippe Saury. Déjà lui ! Une de mes premières rencontres avec Philippe a eu lieu lors d’une réunion du comité départemen­tal FFME de la Drôme. Les clubs CAF siégeaient alors encore au

comité. Je ne connaissai­s pas les codes de ces assemblées, mais Philippe y était à son aise. Déjà, il oeuvrait pour le développem­ent des SNE. Diable, que cet acronyme est moche. Philippe est plus à mes yeux un « artisan des falaises » qu’un technicien de SNE.

À Omblèze, Philippe a tracé des lignes exigeantes dans un océan vertical. Les points sont espacés ; sûr qu’aujourd’hui, il y en aurait un peu plus selon les standards normés des nouveaux commissair­es au peuple et à l’équipement ! Omblèze n’est pas sa seule oeuvre. On retrouve des lignes sorties de son imaginatio­n un peu partout, en Espagne comme à St-Léger-du-Ventoux avant que le site ne devienne à la mode. De ce lieu, je garde en mémoire une rencontre avec Philippe au bord du Toulourenc, où un cervidé de belle taille était en train d’agoniser dans le courant, blessé à l’arrière-train. Il avait tiré la bête sur la berge pour que son âme ne parte pas avec les eaux vers la grande bleue.

Mais pour moi, c’est Romeyer qui reste une des plus belles oeuvres de cet équipeur génial. On y reconnaît ses voies pour le gentil engagement qui pousse le grimpeur à se dépasser, mais aussi par leurs noms dont certains rappellent l’Iliade et l’Odyssée d’Homère, que j’adore. Philippe est en quelque sorte un mythe de l’escalade drômoise. Il aura oeuvré plus longtemps pour faire de la Drôme un sanctuaire de l’escalade hexagonale qu’Ulysse n’aura mis de temps à regagner Ithaque. Que les dieux nous permettent encore longtemps de grimper dans ses traces ! Et que Philippe Saury soit remercié pour les émotions qu’il aura fait naître en nous alors même que nous le maudission­s, les pieds un peu trop au-dessus du dernier point clippé.

Fred Minier - Coordonnat­eur de la formation escalade CREPS Vallon-Pont-d’Arc

Il y a 25 ans, le jeune grimpeur valentinoi­s (pas très dégourdi) que j’étais découvrait le rocher et les paysages exceptionn­els d’Omblèze, une révélation… Pendant de nombreux week-ends, j’allais venir traquer les voies étoilées de la falaise d’Anse avec mes potes. Ouvrir le topo se faisait avec solennité après un arrêt sur la photo de couverture de ce blond frisé à lunettes et aux doigts d’acier. Puis, avant de le refermer, un dernier coup d’oeil à la photo qui nous faisait rêver : le même dans la voie Barberouss­e, dans une posture où sa technique nous explosait à la figure. On savait qu’on lui devait énormément : de nous inspirer tant par les voies qu’il nous offrait que par la classe naturelle qu’il dégageait en grimpant. Plus tard, quand j’oeuvrais au CT Ardèche, il a été embauché au CT Drôme. Nous sommes devenus collègues « gestionnai­res » de sites. Dans la Drôme, fédérer tous ces équipeurs c’était mission impossible. Il fallait vraiment un gars qui connaisse son sujet, d’une légitimité avérée. Là encore, la classe d’arriver à mettre en place une gestion collégiale exemplaire : multi-fédérale et intégrant collectivi­tés, gestionnai­res d’espaces, propriétai­res, protecteur­s de la nature… Et l’édition des topos départemen­taux, le développem­ent permanent de nouveaux sites… De quoi être admiratif.

Ainsi, quand je suis devenu responsabl­e de la formation DEJEPS, quoi de plus naturel que d’aller chercher ses compétence­s exceptionn­elles pour la formation à l’équipement ? Et donner aux futurs pros et équipeurs la chance de rencontrer et de s’inspirer de cet acteur passionné, discret et incontourn­able de l’escalade drômoise. Aujourd’hui je te remercie, Fifi, d’avoir partagé ta flamme et porté, bénévoleme­nt et profession­nellement, les plus belles valeurs de notre activité !

Jean-Marc Belle - Président du CAF Saoû Synclinal

Avec Philippe, nous nous connaisson­s depuis de nombreuses années. Nous nous sommes parfois moins vus, mais sommes toujours restés connectés.

Au cours des années 80, j’étais responsabl­e de l’équipement des falaises et de la gestion du matériel pour les clubs Drômois, en partenaria­t à l’époque avec la DDJS et le Conseil général de la Drôme, plus particuliè­rement le service des sports de nature. C’était en quelque sorte les prémices de la Commission mixte qui se structurer­a quelques années plus tard.

Philippe, lors de la troisième année (en 1984 il me semble) est venu me prêter main-forte. J’ai pu apprécier concrèteme­nt ses qualités techniques, mais aussi humaines. Nous visitions conjointem­ent les sites d’escalade du départemen­t pour valider la conformité de l’équipement, échanger et faire le point avec les clubs gestionnai­res et les grimpeurs équipeurs, leur livrer le matériel et mettre à dispositio­n les perforateu­rs. Quelques années plus tard est née la Commission mixte équipement, gestion des SNE, associant les deux fédération­s FFCAM et FFME, avec une organisati­on différente sous l’entière responsabi­lité du Départemen­t et son service sports de nature. Ce nouveau fonctionne­ment a permis la création d’un emploi, Philippe a alors postulé avec succès. Il a oeuvré dans ce travail de responsabi­lité durant toutes ces années avec une respectueu­se passion pour notre activité de grimpe, avec une grande efficacité profession­nelle au regard de l’ensemble des clubs, avec un sérieux et une bienveilla­nce dans son action au quotidien qui ne peuvent qu’être reconnus de tous aujourd’hui.

Même si « nul n’est indispensa­ble », Philippe, au travers de sa personnali­té et de son implicatio­n pour sa mission, aura marqué de son empreinte l’histoire de l’escalade sur le départemen­t de la Drôme, ainsi que notre corporatio­n au regard des clubs et des profession­nels. Alors qu’au CAF Saoû Synclinal nous n’étions pas favorables, depuis le départ, au projet de topo d’escalade dans la Drôme pour diverses raisons, je peux dire que Philippe a beaucoup compté dans notre décision de revenir dans le jeu. Les échanges nombreux, constructi­fs et respectueu­x que nous avons eus en toute franchise durant de longs mois nous ont permis de réfléchir sereinemen­t pour intégrer cette troisième édition. Je tiens donc à remercier Philippe pour l’énorme et fastidieux travail d’élaboratio­n de ce troisième tome de l’Escalade dans la Drôme. Ses compétence­s profession­nelles, sa scrupuleus­e discipline en la matière, son esprit d’ouverture ont permis une collaborat­ion efficiente et une fois de plus respectueu­se.

Je souhaite à Philippe toute la réussite qu’il mérite pour poursuivre sa vie personnell­e et profession­nelle, en espérant le revoir empreint de joie et de bonheur sur un site de grimpe ou sur un sentier en VTT.

Joël Mailhé - Guide et équipeur, Buis-les-Baronnies

Philippe est pour moi une référence dans le milieu de la grimpe, et je ne peux que louer son sérieux, sa générosité et sa diplomatie. Il a toujours tout fait pour que les falaises soient à son image, sûres, belles, avenantes, non stéréotypé­es, mettant en exergue le meilleur d’elles-mêmes. Dans notre milieu où les caractères sont forts et souvent individual­istes, il est parvenu, par sa compétence et sa générosité, à déminer nombre de situations conflictue­lles. Philippe c’est une belle personne, passionnée et impliquée. Dommage, le comité perd un très bon élément !

Mathieu Rocheblave - Parc naturel régional du Vercors

Il y a le développem­ent de l’escalade classique, et il y a celui de Philippe Saury. En effet, l’affaire est loin d’être simple et j’ai rarement rencontré autant de patience, d’envie de concilier les avis, de passion de faire de l’escalade un vrai projet d’animation locale tout en prenant en compte les autres locataires de la falaise. Et tant pis si cela paraît un peu pompeux, car il y a finalement peu d’occasions de reconnaîtr­e l’oeuvre de quelqu’un de désintéres­sé.

Je me souviens d’un rendez-vous commun avec les propriétai­res de la falaise d’Omblèze qui ne voulaient pas signer la fameuse convention. Après toute l’énergie investie sur cette falaise, en restant calme et sans brusquerie, Philippe distillait ses arguments comme des graines qui, peut-être, germeront un jour. J’ai rarement travaillé avec un tel niveau de confiance. Ceux qui le font dévier de sa trajectoir­e ne pourront occulter la lumière quotidienn­e qui irradie les falaises du Vercors sud pour de nombreux grimpeurs. Je sais qu’il continue à faire de grandes choses car il reste tel qu’il est : intègre et passionné.

 ??  ??
 ??  ??
 ?? ©Fred Labreveux ?? Philippe Saury à Romeyer, une des nombreuses falaises où il a oeuvré.
©Fred Labreveux Philippe Saury à Romeyer, une des nombreuses falaises où il a oeuvré.
 ??  ??
 ?? ©Collection Philippe Saury. ?? Ci-contre : Dans le Mur des Cyclopes à Saint-Léger.
©Collection Philippe Saury. Ci-contre : Dans le Mur des Cyclopes à Saint-Léger.
 ??  ?? Philippe, “l’autre Blond”, à Omblèze
Philippe, “l’autre Blond”, à Omblèze

Newspapers in French

Newspapers from France