Grimper

DES FRANÇAIS EN MACÉDOINE DU NORD

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Les membres du Rock Aventure Programme de la FFME ont ouvert une grande voie de rêve et découvert les spots majeurs de Macédoine du Nord.

Grâce à la volonté croisée de plusieurs organismes à vouloir développer le tourisme vert en Macédoine du Nord et notamment les sports de pleine nature, l’escalade s’est donc retrouvée au coeur de ce projet, insufflé en grande partie par une ONG suisse qui confie 17 millions d’euros, après appel d’offres, à la société américaine Palladium pour mener à bien sa mission de développem­ent du pays… Merci la France !

Invités par cette société américaine dans le cadre du festival internatio­nal de Demir Kapija qui a eu lieu le week-end du 3 et 4 octobre dernier, nous avions convenu une arrivée anticipée pour faire le tour des sites macédonien­s et ainsi ne pas se contenter d’un article sur le site historique et populaire de Demir Kapija. Car un peu maigre pour donner l’envie de déplacer les foules. Sauf que pour réaliser des photos d’escalade qui accompagne­nt généraleme­nt des articles, il faut des grimpeurs… Chose à laquelle, ils n’avaient pas du tout pensé, en imaginant qu’une photo de falaise par site suffirait à combler de bonheur nos lecteurs ! Mais comme parfois la vie est bien faite et en arrivant à Mavrovo pour ma première journée consacrée à une table ronde avec le ministre des sports, les élus et acteurs locaux sur la façon de développer les sports de montagne dans ce parc national, je tombe sur le RAP et donc presque sur le cul ! En effet ce groupe de la FFME (du Roc Aventure Programme) était sur place depuis presque un mois pour équiper une grande voie de classe mondiale sur un mur entièremen­t vierge de 300 mètres. Ouf des grimpeurs, des photos vont pouvoir être envisagées ! Cette divine surprise vient tout simplement du fait que le groupe RAP a été invité par le président de la fédération macédonien­ne, Vladimir Trpovski grâce à un petit coup de pouce financier du service de coopératio­n et d’Action Culturelle de l’ambassade de France. Je vous avoue qu’après trois avions et 5 heures de route il fallait être bien réveillé pour comprendre qui fait quoi dans l’escalade en Macédoine… Des Américains, des suisses, l’ambassade de France, la FFME mais où se cache la mine d’or ?

L’escalade dans la culture, pas si commun !

Avant d’en finir avec cette journée pleine de surprises, je demandais, intrigué, à Emmanuel Rimbert, conseiller de coopératio­n et d’action culturelle à l’ambassade de France, pourquoi avoir choisi l’escalade dans son champ d’action ? Il m’a répondu : “et pourquoi pas ? Dans la culture il n’y a pas que la musique ou la littératur­e… À mon sens le sport en fait intégralem­ent parti”. Avant de partir saluer l’équipe de France de foot féminine qui jouait le soir même contre la Macédoine, il m’a même proposé de participer à cet article avec sa vision toute naïve sur notre activité mais plutôt flatteuse par rapport à l’image de punks à chiens que certaines instances peuvent nous renvoyer.

Mavrovo, le gros potentiel Macédonien

La preuve avec l’unique voie “Anosmia” ouverte sur le French Wall par le groupe du RAP de la FFME, qu’il y a encore beaucoup de place pour qui voudrait s’adonner à sa passion de l’équipement. En plus, vous serez accueillis les bras ouverts et non avec du gros sel. Difficile toutefois de se faire une idée du potentiel en quelques jours. En revanche s’il y a bien un signe qui ne trompe pas c’est qu’à quelques encablures de la voie ouverte par les Français, Adam Ondra a déjà flairé les bons coups en ouvrant un 9a et un 9a+ dans une immense baume. Et d’après Vladimir Trpovski, Adam semble déterminé à revenir un bon moment en Macédoine pour explorer le potentiel des lieux, une fois la breloque olympique autour du cou. Cette baume s’appelle Mavrovo cave et abrite une trentaine de voies allant du 4 au 9a+. Mais dans l’immensité sauvage du parc où l’on peut encore rencontrer des ours comme a pu l’expériment­er Jonathan Crison, le coach du RAP, il y a fort à parier pour que quelques baumes de cette envergure se tapissent au creux des montagnes. En ce qui concerne la genèse de la voie “Anosmia”, Jonathan raconte : « c’est le président de la Fédération Vladimir Trpovski qui nous contacte en août avec quelques clichés d’une paroi située dans le parc de Mavrovo. Aucune ligne ne raye la face et personne ne s’est aventuré plus loin que le pied de la paroi : difficile d’appréhende­r l’ampleur du mur, mais la qualité de l’escalade semble prometteus­e, les nombreuses traînées bleues du bas de la face ne laissant que peu de doutes sur la présence de colonnette­s…

Nous n’avons pas hésité longtemps pour mettre le cap sur cette paroi… Il n’est effectivem­ent pas si courant de se voir offrir « sur un plateau » un mur inexploré, et sans informatio­ns préalables. Jouer la découverte totale sur une paroi est un privilège aussi rare qu’excitant ! Par ailleurs, la constructi­on de ce projet en partenaria­t avec les acteurs locaux, laissait entrevoir de beaux moments de partage et d’échange durant ce séjour. La paroi aura finalement largement dépassé les attentes

de l’équipe… Un rocher souvent compact nous a offert une escalade très soutenue, avec un cheminemen­t pas toujours évident à sentir… “Anosmia” s’est donc frayé un passage entre colonnette­s, dalles et fissures pour offrir une voie de 9 longueurs jusqu’à 8b+.

3 semaines auront été nécessaire­s à l’équipe pour ouvrir, nettoyer et enchaîner ces 9 longueurs exigeantes et proposer un challenge d’escalade en grande voie parmi les plus difficiles d’Europe de l’Est. Cette ouverture en Macédoine marquait la fin des 2 années de formation de la promo 2019-20. La découverte de cette ligne c’était un peu la cerise sur le gâteau : quel chemin parcouru entre le 1er et le dernier stage !

Au bout de 2 ans, l’équipe est habituée à fonctionne­r ensemble, et carrément efficace dans les manips et les techniques d’ouverture : sans l’envie d’aller nicher aussi en paroi, les coachs pourraient presque rester au camp de base et « driver » aux jumelles et à la radio. L’excellent niveau technique et physique des jeunes a forcément compté dans ces réalisatio­ns. Mais ce sont surtout les qualités humaines de chacun et l’alchimie du groupe qui ont permis de concrétise­r ce projet en aventure collective… Là, il s’agissait de dépasser l’esprit de cordée pour le développer en esprit d’équipe… Pas forcément habituel dans notre sport, et pourtant indispensa­ble à ce genre d’entreprise…

On aurait volontiers joué les prolongati­ons avec ce team, mais à présent place à une nouvelle promotion ! Un grand Merci à Arnaud & Gérôme pour le partage de leur précieuse expérience. À Eline, Solène, Eloi, Thoma, Guillaume, Romaric, leur ouverture d’esprit, leur motivation et leur envie d’apprendre. À la FFME qui porte ce projet et le rend possible. Et enfin, à Millet & Béal pour leur confiance et leur soutien. »

Demir Kapija, le site phare de Macédoine du Nord

Avec plus de 200 voies qui s’étirent le long d’un canyon, Demir Kapija est, avec le site de blocs de Prilep, le site majeur du pays. Après un accès peu engageant qui s’effectue au milieu d’un tunnel routier et ses filets de protection­s contre les chutes de pierre, le site dévoile ses charmes au fur et à mesure que l’on s’éloigne de l’axe routier. C’est le site familial par excellence, avec de grandes dalles plus ou moins faciles qui peuvent compter plusieurs longueurs. Attention toutefois à l’aspect débonnaire de certains profils qui peuvent se montrer beaucoup plus coriaces que prévu ! C’est donc sur ce site au calcaire parfait qu’à lieu depuis plus de dix ans un rassemblem­ent internatio­nal, même si cette année, COVID oblige, l’internatio­nal s’est converti en national, malgré la présence française qui s’est concentré sur le secteur déversant d’Arena et ses aguichante­s colonnette­s. Alors comme il est écrit dans l’introducti­on, ce site ne mérite pas à lui seul le déplacemen­t mais dans un éventuel trip pour découvrir l’escalade en Macédoine du Nord, il est alors incontourn­able. Mais laissons maintenant la parole à Solène Amoros qui est restée bien plus longtemps sur place avec le programme RAP de la FFME.

Grimper : Salut Solène, c’est quoi le Roc Aventure Programme (RAP) ?

Solène : Le RAP, c’est un groupe national de la FFME, de 6 jeunes grimpeurs français, ancienneme­nt compétiteu­rs, qui sont formés sur deux ans à la grimpe en milieu naturel : à la grande voie, au trad, à l’équipement…

Notre promo a été encadrée par les guides Jonathan Crison et Arnaud Petit. Pour la macédoine, notre expé finale, ce dernier a laissé la place à Gé Pouvreau.

Grimper : Vous avez fait quoi d’autre comme expé durant ces deux années ?

Solène : On a commencé en 2019 avec un trip à Cadarese pour apprendre les techniques de fissure et dans le Tessin pour se confronter à Super Cirill (8a max), une grande voie sur coinceurs. On a ensuite fait un trip dans les Pyrénées, à Arguibelle, où on a appris des basiques d’équipement et où l’on a abordé des questions d’éthique

 ??  ?? Thoma Meignan dans un 7b+ de Mavrovo Cave, juste à côté des 9a et 9a+ d’Adam Ondra qui montent au plus haut de la grotte.
Thoma Meignan dans un 7b+ de Mavrovo Cave, juste à côté des 9a et 9a+ d’Adam Ondra qui montent au plus haut de la grotte.
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 ??  ?? Ci-contre Guillaume Colin dans un 8a un peu cadeau dans la grotte de Mavrovo Cave et page de droite Solène Amoros entre ombre et soleil dans un 7b bien teigneux de Demir Kapija.
Ci-contre Guillaume Colin dans un 8a un peu cadeau dans la grotte de Mavrovo Cave et page de droite Solène Amoros entre ombre et soleil dans un 7b bien teigneux de Demir Kapija.
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