ITW : PIERRE LE CERF, STAR MONTANTE DU 06
La relève du côté des grimpeurs
Le jeune mutant, qui a croité toutes les voies dures de la Riviera, se confie sur sa passion pour la grimpe locale et ce pour quoi il ne quittera jamais son fief de coeur.
Pierre Le Cerf, la vingtaine, c’est le petit prodige 100 % local, bien enraciné dans son Sud-Est, où il ne manque de rien. Il grimpe, saute et tracte partout à Cagnes-sur-Mer depuis ses 6 ans.
Preuve que l’on peut être à son top niveau en compétition et s’investir en falaise, Pierre semble en avoir encore sous la pédale quant à sa capacité à se mettre des projets de plus en plus ambitieux sur le caillou ! À ce jour, avec à son compteur, déjà 7 voies dans le 9e degré enchaînées, 3 fois champion de France et vainqueur de coupes d’Europe, il est le digne représentant de l’émulsion niçoise, avec à ses côtés Jules Marchaland. Dans la catégorie “a déjà fait ses preuves”, Jules est également fort bien classé! En 2017, il réalise à Déversé avec quelques jours d’intervalle “Ultimate sacrifice” en 8c+ puis “Just One Fix”, 8c+ également, dans la journée et en deux essais! Ces deux-là contrastent avec une jeunesse timide, voire effacée en falaise, au grand dam de Pierre, parfois lassé de travailler ses projets seul.
Grimper : Pierre, merci d’avoir accepté cet entretien. Entrons directement dans le vif du sujet: pourrais-tu informer nos lecteurs de quels sont, selon toi, les secteurs phares du coin ?
Pierre Le Cerf : Mon préféré c’est Déversé, j’y grimpe l’été; ensuite je dirais Big Ben et Castillon, y’a de tout. Annot pour la diff j’aime bien aussi, c’est une bonne ambiance, c’est taillé mais ça rend bien, ça donne envie. Je ne suis pas contre le taillé moi, j’ai beaucoup grimpé dans le style et j’aime bien, surtout pour trouver les méthodes.
G: As-tu l’intention de rester à Nice dans les années qui viennent ?
PLC : Ouais de fou, je ne veux vraiment pas bouger ! Au début, je voulais faire un master et rester à Nice. Mon idée: être prof de sport, mais j’ai compris ensuite que j’allais finalement devoir monter dans le Nord… Et ça, je peux pas ! Je ne me projette nulle part ailleurs : j’ai tout à Nice, toutes mes habitudes sont ici, j’ai ma salle, mes petites falaises…
G: As-tu des projets sur le feu? Et à plus long terme ?
PLC : Y’a pas longtemps, j’ai fait une liste pour 2021 remplie d’objectifs, dont un répertoire de 6/7 voies dans le 9. Récemment, j’ai fait WRC à Castillon, 9a. Je compte aussi essayer “Three degrees of separation” à Céüse, ou encore “Condé de choc” à Entraygues. À Déversé, il me reste une ou deux voies dans le neuf à faire. Pourquoi ne pas aller à Saint Léger? Ou même essayer Hugh (Aux Eaux Claires), même si c’est taillé, ça a l’air cool ! J’ai ma liste, à voir avec le Covid, les études et le reste… À plus long terme, sache que je note régulièrement les voies qui me donnent envie et pour le moment, une trentaine de 9A/+ sont posés sur le papier, mais je n’ai noté que deux 9b : “Eagle-4” à St Léger et “El bon combat” à La Cova Del Ocell.
G : Parlons entraînement, comment procèdes-tu ? Priorité sur la falaise ou sur la compète ?
PLC : Ces derniers temps, je ne savais pas trop quoi faire… Les salles étant fermées, c’est compliqué pour moi de m’entraîner en vue de la compétition. En ce moment, je vais te dire : je mets la priorité sur la falaise… Je pense pourtant que les deux sont compatibles et qu’il est possible pour moi de percer sur les deux plans.
La falaise m’aide pour la compète, surtout en diff. Pour moi, les compètes ça se joue plus sur le mental que sur le physique. Si tu viens de faire un 9a, t’as le sourire, t’es avec les potes et solide mentalement : t’as toutes les chances de réussir ta compète ! Et inversement, la compète me rend fort en falaise… Enfin pas vraiment la compète, mais plutôt la préparation pour celle-ci: l’entraînement me booste, me met en forme et une fois que la saison est finie, je me tourne vers la falaise, relâché, et là ça perfe! À part ça, ma recette pour un entraînement de qualité : tu me donnes n’importe quelle salle, de la musique et des potes, et je fais une bonne séance ! Ah oui… Faut que j’aie mangé avant !
G: Quelles sont les habiletés que tu travailles le plus à l’entraînement? As-tu un planning rigoureux?
PLC : Je jongle en fonction de la période : beaucoup de force, sauf en période de compète de diff où je fais de la rési. J’ai découvert que j’étais pas si bon en tenue de prise, alors j’ai fait que ça pendant un bon moment !
Cédric (Lo Piccolo) m’a entraîné pendant longtemps, de mes 11 ans à mes 18 ans. Maintenant je m’entraîne moi-même, sans planif. La seule fois où j’avais une planif, c’était : fais ça, ça et ça pendant une semaine, à répéter pendant 4 semaines… Bref, c’était pas trop ça.
G: Quelle est ta plus grosse performance en compétition ? En falaise ?
PLC : Mmh… J’ai gagné des coupes d’Europe, mais personnellement, mon titre de champion de France me tient plus à coeur, surtout de par la concurrence de ma catégorie en France : des mecs forts qui ont fait vice-champion ou champion du monde.
En falaise, c’est clair, c’est PuntX, 9a, recotée à 9a+. C’est une grosse perf pour moi. Mentalement et physiquement c’était dur! Des prises ont cassé dernièrement et je crois que ça corse bien l’affaire. Kevin (Aglaë) a cassé un bout d’inversée déjà en 2016 sur laquelle tu pouvais te reposer, donc plus possible de délayer. Ensuite c’est une prise entière qui a cassé, ce qui fait un bon crux en plus. Moi ça va, j’ai des petites mains, donc je fais un changement de mains, les mecs qu’on des grosses paluches ça va pas être marrant. Pour finir, j’ai encore cassé un pied. Je crois que n’importe quelle autre prise en moins aurait rendu la voie impossible. Là, c’est la seule prise qui pouvait manquer pour que ça passe encore. C’est la voie qui m’a demandé le plus d’investissement, ça m’a bien pris la tête ! Je ne suis vraiment pas patient : par exemple, pour le 9a que j’ai fait en 4 séances à Castillon, j’en avais déjà marre.
G: Pour toi, entre tes perfs en compète ou en falaise, laquelle a le plus de valeur et t’a apporté le plus de satisfaction ?
PLC: La perf en compète! Tu te prépares toute l’année pour être champion de France, ça se joue sur une journée, et le titre, tu le gardes un an. Ça reste pour moi le plus satisfaisant.
G : Est-ce que d’autres jeunes de la région s’impliquent dans des projets audacieux comme les tiens ?
PLC: Non, zéro, rien. Du tout, la falaise pour les jeunes du coin c’est phobie : ils sont habitués à la salle… Il n’y a pas une grosse dynamique, c’est dommage. Ils ne sont jamais allés en falaise entre amis, ils n’ont pas encore découvert ces joies. Et le problème, c’est qu’ils manquent d’autonomie et qu’il faudrait les assister.
J’ai un bon groupe de potes avec lesquels je grimpe régulièrement. J’imagine qu’il doit y avoir d’autres jeunes qui grimpent dehors, mais je ne les ai pas souvent vus. Quand t’essayes une voie dure ici, t’es tout seul. Il n’y a personne pour essayer et trouver les méthodes avec toi. À part à Chambéry, je crois que c’est dur de trouver des jeunes qui ont le même niveau ou la même motiv’.
G : Et toi, la falaise, comment y es-tu venu ?
PLC : J’ai commencé par des sorties avec le club, mais je n’aimais pas. Vers 13-14 ans je suis allé à Déversé, j’ai fait mes premiers 8a, puis 8b et ça allait mieux! J’ai eu la chance de toucher à Deversé, ça penche, ça fait moins peur. Et ça m’a donc donné envie de continuer !
G : Et connais-tu des filles motivées pour la falaise ?
PLC: Non. Aucune… Ma copine vient avec moi, mais elle a peur, et mentalement c’est difficile. Dans le Sud, j’en vois pas beaucoup qui s’entraînent malgré les salles fermées… ça se limite à Roxanne, Yoyo et Stéphanie… Chez les jeunes, je n’en connais pas.