Grimper

LUKAS SAGER

LE TOUCHE À TOUT !

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Cet été, nous avions relayé l’ascension à la journée de Yeah Man (300m, 8b+ max) par un jeune grimpeur franco autrichien. C’était le 21 août dernier. Alors qu’il rejoint sa terre natale plus décidé à grimper que jamais, Lukas a bien voulu se prêter au jeu des questions/réponses pour Grimper Magazine. Peux-tu te présenter en quelques mots ?

Je m’appelle Lukas Sager, j’ai 16 ans. Je suis né à Voiron, d’une mère française et d’un père autrichien. J’ai passé mes premières années en France. Ensuite, mes parents ont décidé de s’installer en Autriche, à Vienne. Depuis la fin du mois d’août 2021, je suis à nouveau en Isère, car j’ai eu la chance d’intégrer le Pôle Espoir à Voiron. Je suis dans une famille d’accueil et le reste de ma famille est encore en Autriche.

Raconte-nous tes débuts en escalade ?

Mes parents sont tous deux des grimpeurs. Avec ma soeur, dès notre plus jeune âge, nous avons été en contact avec la nature. Nous avons été très tôt aux pieds des falaises d’Orpierre, de Tamée, de Sardaigne ou de Sicile… Avec mes parents, j’ai parcouru la voie normale du Mont Aiguille, la voie des Buis à Presles très jeune. À notre arrivée en Autriche, j’avais 7 ans et comme vous le savez la majorité du territoire autrichien est constitué de montagnes, c’est donc tout naturellem­ent que j’ai continué à grimper. Bien sûr, je me suis essayé au ski alpin !

Tu as quand même décidé de te consacrer à l’escalade…

Oui. Mes parents continuaie­nt de grimper. Donc, nos vacances avaient pour destinatio­ns des paradis de la grimpe. La Sicile et San Vito, la Grèce (Leonidio et Kyparissi), la Croatie avec des falaises en Istrie et sur les îles, Oltre Finale en Italie… Ce sont de merveilleu­x terrains de jeux et d’aventures pour les enfants. Lorsque j’avais 11 ans j’ai réalisé mon premier beau 7b+, dans la vallée de Pennavaire. Ma mère voulait que je lui monte les paires ! Et j’ai enchaîné cette belle remontée de colonnette­s.

A Vienne, il y a pas mal de salles privées, assez onéreuses ; j’ai participé à mes premières compétitio­ns. Je suis arrivé bon dernier au début ! Ensuite je me suis amélioré, j’ai été champion d’Autriche en U16 en 2019 et 2020. J’ai aussi participé à quelques compétitio­ns au niveau européen (ma meilleure place, 8e à St Perre de Faucigny – après avoir été rappelé à l’ordre pour une histoire de croix bleue dans un clippage). En 2021, je n’ai quasiment fait aucune compétitio­n...

Pourquoi avoir choisi la France et pas l’Autriche ? Le pays est plus petit, les chances d’accéder au haut niveau semblent plus importante­s.

L’Autriche fonctionne un peu différemme­nt que la France. Le tissu associatif y est moins dense ; lorsque tu es licencié à un club, tu dois quand même payer ton entrée au mur, il n’y a pas de créneau réservé, les tarifs sont assez incroyable­s, quand tu assures seulement, tu dois aussi payer même si tu es licencié, etc. Les Tyroliens sont très bien lotis, ils possèdent l’une des plus belles structures d’entraîneme­nt en Europe, la salle d’Innsbruck (KI, Kletterzen­trum Innsbruck). Même si de nombreuses équipes internatio­nales viennent s’y entraîner, ils ont tendance à la garder pour eux ; même quand tu fais partie de l’équipe nationale. Par exemple pendant les confinemen­ts, c’était très difficile d’y accéder, pour un non Tyrolien...

Du côté de Vienne, il n’y a pas d’équivalent (Innsbruck – Vienne, c’est plus de 5 heures de route).

Mes parents ont pris contact avec le Pôle via le site et le dossier d’inscriptio­n ; au mois de mai, j’ai pu voir les installati­ons du TSF de Voiron. Quels changement­s depuis que ma mère avait fait une partie de son BE là-bas ! J’ai pu grimper et rencontrer quelques membres de l’équipe d’encadremen­t. Finalement, j’ai été retenu cette année avec Meije Lerondel pour renforcer l’équipe du Pôle Espoir et j’en suis très heureux. Ce sera peut-être plus difficile, mais c’est la première fois que je suis vraiment pris en charge au niveau de l’entraîneme­nt avec un vrai suivi. Jusque-là, c’était essentiell­ement mon père qui avait pris en charge ce rôle.

Tu as passé une partie de l’année 2021 en Espagne, non ?

Oui, l’an dernier les écoles autrichien­nes étaient déjà fermées 6 à 8 semaines avant Noël ! Pour l’entraîneme­nt c’était galère ! Avec mon père, nous avons décidé de partir plein sud, à Margalef. J’ai passé plus de 4 mois là-bas, dont 2 mois seul. J’y ai fait des superbes rencontres, j’ai croisé certains cadors de la grimpe. Mes parents m’ont fait confiance et ils ont réglé le gîte (Refugi de Margalef) ; et pour le couvert, je me suis débrouillé avec la supérette et les bons plans des autres grimpeurs qui allaient faire le plein de vivres plus loin. J’ai réalisé quelques voies dans le 8c et en fait je ne voulais pas rentrer avant de faire la croix sur un 9a. C’était à 2 doigts de passer ; ce n’est que partie remise.

Cet été, avant de te retrouver à tâter des prises en plastique, tu as réalisé une très belle performanc­e en grande voie. Raconte-nous un peu ce qui t’a conduit à enchaîner dans la journée les 9 longueurs de Yeah Man (300m, 8b+, Gastlosen, Alpes Suisse).

Oui, j’avais un devoir de vacances en retard ! Grimper dur en falaise est primordial pour moi. Je connais bien les Gastlosen ; la Suisse a longtemps été le terrain estival de mes parents qui y ont fait des grandes voies aux Wendenstôc­ke, au Rätikon, etc. Il y a un peu plus de 2 ans, j’avais croisé Cédric Lachat lors de son périple, Swissway to Heaven. Il fallait trouver le matériel nécessaire et le bon créneau. Je n’avais que le mois d’août. Yeah Man m’a tout de suite interpellé, la ligne au milieu du grand Pfad est constituée de 9 longueurs dont 4 en

8. Le calcaire des Gast est très compact, abrasif parfois, génial. En tout, j’ai travaillé 5 jours les longueurs et je voulais enchaîner le tout à la journée. C’est une aventure que j’ai partagée avec mon père, mais aussi ma mère qui est venue deux jours d’affiler pour m’assurer. Dor Roda a été aussi de la partie, il est venu pour fixer sur la pellicule l’enchaîneme­nt, quitte à avoir un arrêt cardiaque ! Quand on grimpe en cordée, ce n’est pas possible de filmer ou faire de belles photos, il faut au moins être à

3. La journée du 21 août a été mémorable avec son lot de tensions, de grimpe magique, de doutes (j’ai dû refaire la 6e et 8e longueur 2 fois), de moments de grâce où t’avances coûte que coûte, j’ai sauté deux fois des dégaines dans le 8b+, de plaisir au sommet, de grosse bartasse pour tout déséquiper, de repos à la terrasse de l’hôtel Wasserfall à Jaun devant un cordon bleu énorme !

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