Grimper

UN MONDE SANS COTATION ?

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Vous en avez marre de l’entendre, mais c’est pourtant vrai. L’escalade explose. Elle se développe, croît mute et se métamorpho­se, au point que l’on ne sait plus vraiment qui sont les grimpeurs et que les plus spécialist­es d’entre nous, même eux, deviennent ignorants de l’activité. Dans ce contexte, la deuxième édition du Salon de l’Escalade à Lyon ouvre une série de discussion­s salutaire pour comprendre les nouveaux enjeux de la planète grimpante en 2021 (P34). Mais tous les débats du Salon réunis et toutes les controvers­es du monde ne feront jamais couler le centième de la salive qui, inépuisabl­ement, se déverse pour parler des cotations. L’escalade fuit vers de nouveaux horizons, l’obsession du chiffre reste.

Or à ce propos, les récentes prouesses de Jakob Schubert en Deep Water Solo au-dessus des eaux majorquine­s (P14) ont démontré quelque chose de très intéressan­t ; les cotations ne marchent pas dans cette discipline. Quand l’Autrichien a réussi Alasha puis Es Pontas, les deux voies les plus dures de l’île, certains ont bien essayé, mais cela a viré à la cacophonie.

On a tout lu, depuis 8c+ jusqu’au 9b en passant par les 9a+/b et autres 9a. En prenant en compte la hauteur, l’engagement au moment du crux, la difficulté à travailler les mouvements ou bien seulement la dimension physique, on a tenté de mettre des chiffres sur ces lignes, en vain. Les cotations d’Es Pontas et Alasha, tout le monde s’en moque. Et de toute façon, ces deux voies sont trop belles, trop mythiques pour se laisser enfermer dans cette dimension unique. Leur cachet leur suffit. Et cela, Chris Sharma l’avait bien compris car à l’époque d’Es Pontas, il refusait systématiq­uement de coter ses premières ascensions et laissait à la presse le soin de le faire pour lui…

Ce constat ne concerne que les deux plus célèbres voies de psykobloc, certes, mais il est une fenêtre qui nous permet de regarder vers un monde sans cotations. À la place d’un chiffre, les voies et bloc auraient tout simplement une réputation mélangeant histoire, difficulté et esthétique. Cela ouvrirait la porte à une pratique plus saine, moins consuméris­te. Mais alors, que nous resterait-il pour user notre salive ? LUCIEN MARTINEZ

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