Grimper

Seb FRIGAULT

« J’ai toujours été animé par ce besoin de repousser mes limites »

-

Quelles sont tes motivation­s principale­s à travers l’ouverture ?

Le bloqueur étalon ! Sèb recherche depuis toujours le mouvement le plus dur, et ses ouvertures sont des jalons dans l’échelle des difficulté­s bleausarde­s. Un bleausard dans l’âme.

Sèb : Aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours ouvert. Quasiment à chaque séance avec mes potes, en fin d’échauffeme­nt, nous sortions des lignes existantes pour y ajouter quelques mouvements. Les circuits étaient pour nous une source inépuisabl­e de jeux. Nous rajoutions des départs assis, des sorties directes, à gauche à droite, sur n’importe quel bloc. Nous avons tellement joué qu’il faudrait un fascicule de plusieurs pages pour décrire toutes nos variantes, si tant est que nous nous en souvenions. Nous ajoutions en pagaille des mouvements aux voies existantes, mais pour nous, cela n’a jamais été des ouvertures, simplement des jeux, de l’amusement, des défis entre potes : rien de sérieux en somme, donc pas besoin de lister, de diffuser, simplement se faire plaisir.

C’est pourquoi quand on parle d’ouverture, il me semble important de définir ce que j’entends par ce mot. On ouvre incontesta­blement une voie lorsque la ligne est entièremen­t vierge. Mais, également lorsqu’on ajoute des mouvements inédits à une voie existante permettant ainsi de grimper l’intégralit­é d’un bloc dans sa ligne la plus évidente. À condition que les mouvements apportent une plus-value à l’ensemble.

Mon histoire avec Fatman et Le Dernier Fléau (8c) résume bien cette vision que j’ai de l’ouverture. Fatman

par ce besoin de repousser mes limites. Bien entendu, cette motivation pour ouvrir est liée à une rencontre à un moment donné, avec un bloc, avec un lieu. La beauté subjective d’une ligne est bien sûr source de motivation. « Ouvrir », pour reprendre ce mot un peu galvaudé, est avant tout pour moi, un processus quasi thérapeuti­que. Je repense à ces heures d’errance en forêt à tourner autour du moindre bout de rocher, à la recherche “du Bloc”. Tout cela m’apporte beaucoup de sérénité et de bien-être. Il y a aussi ces moments d’intenses émotions lorsque je trouve une ligne, et que mon esprit ne va plus pouvoir s’en détacher. Et enfin, bien sûr, la joie de la réussite qui va clore ce processus. Une page est alors tournée et quelques années plus tard, j’en arrive même à oublier les méthodes des blocs que j’ai ouverts. C’est grave docteur ?

Ouvres-tu plutôt seul, avec un ou des amis ?

Sèb : Une autre motivation à l’ouverture est sa dimension relationne­lle. L’ouverture de voies nouvelles a toujours été un moment de partage. J’ai beaucoup grimpé en duo où l’émulation saine était le maître mot. J’ai eu la chance dans ma carrière d’avoir des amis aussi motivés que moi pour essayer des passages improbable­s (Vincent Cantrelle, Mounir Farhat), ou faisant preuve d’une grande patience, m’accompagna­nt, m’encouragea­nt, contribuan­t souvent à trouver ce petit détail de placement qui concourt à la réussite. (Pépito alias Jean-Jacques Naëls, Michaël Corme, Thierry Plaud...).

Comment gères-tu la recherche de nouveaux passages ?

Sèb : Je n’ai jamais été un ouvreur boulimique, mais plutôt un ouvreur exalté en quête d’un « bloc idéalisé » après lequel je cours encore. En vérité, j’aime déambuler à travers la forêt, repasser aux mêmes endroits avec un oeil différent, revoir mes projets, rêver devant, parfois en maudissant l’absence cruelle de reliefs, ou leur surabondan­ce. Et puis que ce soit avec Vincent (Cantrelle) il y a longtemps, ou bien plus récemment avec Mounir (Farhat), à force de tourner, nous avons déniché quelques belles perles que nous avons pu ouvrir ou qui reste à ouvrir. Notre forêt est vaste et mystérieus­e. Et enfin, il y a mon ami Pépito, qui depuis longtemps m’offre des lignes remarquabl­es que je m’empresse de réaliser.

Des blocs que tu as ouverts, lequel se rapproche le plus de ce que tu cherchais ?

Sèb : Sans doute le départ assis de Satan i Helvete (8c avant casse de prise) ou encore le départ assis de Fata Morgana (8b), un immense panneau à la mode granitique : des réglettes, de la tenue de prise, de grands mouvements dynamiques, de la précision. Je me rappelle la première fois que j’ai vu le bloc. Malgré les deux voies existantes, mon regard et mon esprit étaient comme hypnotisés. Je me suis mis à genoux à rechercher la moindre prise pour voir... J’étais tellement excité que j’ai réalisé Fata Morgana (8a) en deux essais, puis en quelques séances je réalisais Satan i Helvete (8b). Une fois les départs debout réussis, je pouvais enfin m’atteler à ces deux projets et les réaliser dans leur intégralit­é. Un super souvenir ! Sinon, dans le genre « quête du mouvement le plus dur », j’ai en tête l’ouverture de Dune (8b+ sans la spatule à gauche ! Bien entendu !) qui m’a beaucoup marqué à cause de l’investisse­ment mental que cette ligne a exigé.

Quel serait le bloc que tu aurais aimé ouvrir ?

Sèb : Entre autres Karma et son départ assis, mais malheureus­ement j’ai arraché, il y a bien longtemps, une belle réglette qui me permettait de faire les mouvements du bas. Et puis, le départ assis de Délire Onirique (8c), j’étais si près ... Mais quand on a des p’tits bras, pas de chocolat et Charles vous le fera ! Ces deux lignes représente­nt pour moi la simplicité et la pureté. Cela signifie une ligne d’ampleur parsemée juste de quelques prises. Mon idéal. Le départ assis de Gaïa (8b) représente assez bien le type de blocs qui m’attire.

Newspapers in French

Newspapers from France