Grimper

UNE SIMPLE QUESTION D’ÉTAT D’ESPRIT ?

- Lucien Martinez

En matière d’escalade, les femmes en sont au 9b, et les hommes au 9c. Le constat colle avec une certaine réalité du sport de haut niveau où le sexe masculin est, pour d’évidentes raisons génétiques, plus performant que le féminin. À moins d’une grande mauvaise foi, il serait aberrant de penser que les femmes pourraient courir le 100m aussi vite que les hommes ou rivaliser au tennis avec ces derniers.

Or le déséquilib­re grossièrem­ent observé dans les performanc­es sur le caillou pourrait laisser croire qu’il en va de même pour l’escalade. Erreur, funeste erreur que ceci ! Illusion ! Trompe-l’oeil ! On ne peut pas, en escalade, accepter cet état de fait comme s’il s’agissait d’une réalité sur laquelle on ne peut rien.

Ce n’est pas de la bien-pensance que d’affirmer cela. Il y a même de très sérieux arguments. Le premier est évidemment d’ordre morphologi­que. En grimpe, la variété des types de prises et des mouvements fait que, nécessaire­ment, une population avec en moyenne des mains plus petites et un poids moindre se retrouvera avantagée dans certaines situations, tout comme elle est désavantag­ée dans d’autres.

Il est en effet très probable que Nolwen Berthier, à titre d’exemple, puisse mettre des buts à Adam Ondra dans des styles bien spécifique­s.

Mais l’argument principal est ailleurs. C’est une question d’investisse­ment. L’histoire de l’escalade masculine est truffée d’athlètes un peu mégalos qui ont eu, pour objectif ultime de leur vie, celui de repousser les limites de la haute difficulté. Ils ont cherché, prospecté, équipé et même taillé des voies parfaiteme­nt dans leur style pour optimiser l’expression de leurs qualités. Les premières historique­s de chaque cotation, ce sont des vies de dévotion à la cause, des années d’obsession. Le premier 9a+ masculin, Biographie par Chris Sharma, a demandé à l’Américain quatre étés complets de labeur. Le premier 9a+ féminin : une petite semaine de travail à Margo Hayes. Julia Chanourdie, pour le premier 9b français, n’a eu besoin que de huit petites séances ! À investisse­ment égal, il n’est pas du tout évident que les femmes soient moins performant­es sur le rocher. Il y aurait même fort à parier qu’une Janja Garnbret ou une Ai Mori, en trouvant la bonne ligne, pourraient, physiqueme­nt parlant du moins, faire elles aussi du 9c. Il ne leur manque qu’une chose : accepter cette étincelle de folie et d’obstinatio­n, la même qui avait justement permis à Mélissa Le Nevé de déjouer tous les pronostics en enchaînant Action Directe…

Donner aux femmes la motivation nécessaire pour tordre le cou aux standards établis. Voilà un des multiples enjeux du dossier historique sur les femmes en falaise, à la rencontre des pionnières de notre sport, que nous sommes fiers de vous présenter dans ce magazine.

 ?? © Fabian Buhl ?? Mélissa Le Nevé dans le célèbre jeté d’Action Directe (9a).
© Fabian Buhl Mélissa Le Nevé dans le célèbre jeté d’Action Directe (9a).

Newspapers in French

Newspapers from France