Grimper

CES GRIMPEUSES QUI ENGAGENT ET S’ENGAGENT !

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À notre plus grand bonheur, notre sport ne se limite pas à l’escalade sportive, et son histoire aux grimpeuses les plus fortes ! En effet, l’escalade féminine englobe chaque femme ayant donné de son énergie pour faire évoluer notre sport. Chaque femme ayant initié une autre, ouvert une voie, siégé à une assemblée de la fédé… Ou pris place dans des facettes de l’escalade encore largement masculine.

de l’escalade féminine, c’est Eva Lopez, qui se fait une place dans le domaine de l’entraîneme­nt et s’impose comme une référence ; Hazel Findlay et Barbara Zangerl qui prouvent que les femmes peuvent atteindre l’excellence en escalade traditionn­elle ; ou encore Françoise Lepron, qui a dédié sa vie à l’équipement et à transmettr­e sa passion aux autres. L’escalade féminine est un tout : des athlètes, des encadrante­s, des photograph­es, des autrices, des ouvreuses, des réalisatri­ces. Elle englobe chacune d’entre nous qui participe à féminiser notre sport, sous tous ses aspects.

Il y a bien une femme qui ne s’illustre pas par ses performanc­es en escalade sportive mais dont on ne peut être qu’infiniment admiratif.ve.s au vu de ses réalisatio­ns hors du commun, et qui reste pourtant si méconnue du grand public : la catalane Silvia Vidal, première Espagnole à remporter un piolet d’or, en 2021. Mais qui est donc Silvia Vidal ? Qui d’entre vous la connaisse ? Il s’agit pourtant sans aucun doute de la personne la plus “badass” de la terre. Son dada : l’ascension de parois vierges et immenses dans les endroits les plus reculés du monde… en solitaire, en autonomie et sans moyens de communicat­ion (elle ne regarde même pas la météo avant de partir pour une ascension, vous imaginez ?). Alors, on vous décrit la scène : Silvia qui arrive quelque part, seule, avec 200 kg de matériel, et qui fait des allers-retours avec des sacs de 25 kg, parfois pendant plusieurs semaines, entre le dernier endroit accessible et le pied d’une face que personne n’a jamais gravi, dont elle a vu une photo quelque part, sans trop savoir si la face fait 500 mètres ou 1500 mètres. Une fois qu’elle est bien fatiguée par ses allers-retours pédestres exigeants, elle se lance toute seule sur le mur avec tous ses sacs et reste parfois plus de 30 jours (toujours seule) en autonomie totale, à évoluer sur ses coinceurs et crochets gouttes d’eau, à hisser sa nourriture pour des semaines. Bref pour ceux qui pensent que le XXIe siècle est trop aseptisé pour vivre de vraies aventures, Silvia Vidal est l’un.e des pratiquant.e.s d’une approche puriste et complèteme­nt folle de l’escalade des années 80. À son actif, parmi tant d’autres : Espiadimon­is, 1500 mètres, en Patagonie chilienne, une ascension solitaire qui dura 31 jours, dont 16 jours coincés dans son portaledge, sous une cascade d’eau en raison de pluies diluvienne­s ; ou encorela première de Cerro Chileno Grande, 1180 mètres…

Françoise Lepron, « mieux vaut un piton de plus qu’un piton de moins »

Grimpeuse, compétitri­ce à ses heures perdues, chroniqueu­se, puis équipeuse et formatrice, rares sont ceux ayant fait preuve d’une telle implicatio­n pour le développem­ent de l’escalade à travers toutes ses facettes. Françoise Lepron commence à grimper dans les années 70’ à Bleau et se dirige naturellem­ent vers la montagne, l’escalade sportive et participe même aux premières compétitio­ns, bon moyen à l’époque d’arrondir ses fins de mois.

“J’ai vraiment connu les débuts de l’escalade. Je me rends compte que je suis très contente d’avoir connu cette époque. J’aurais commencé maintenant j’aurais arrêté tout de suite, c’est trop axé vers la performanc­e, le “m’as-tu-vu”. À mes débuts, j’ai beaucoup grimpé en second parce que l’équipement était tellement loin que je ne me sentais pas de grimper en tête. Je n’étais pas une « sur-nana » comme Catherine (Destivelle) ; je sentais que j’étais vraiment motivée mais je n’avais pas les qualités physiques de ces nanas-là.”

“En 1986, le rédacteur en Chef de Montagnes Magazine a eu l’idée de créer, en même temps que naissaient les compétitio­ns d’escalade, une “team”. J’ai fait partie de cette Team, et c’était la première fois que 4 personnes (Didier raboutou, JB Tribout, Bertrand Menier et moi) ont été payées au smic pendant 3 mois, avec l’objectif de parcourir les falaises, pour représente­r les marques partenaire­s : Toyota, anorack, beal, petzl. Pour les représente­r, on devait faire les compétitio­ns, des événements, se faire voir. Les revues avaient vachement de pognon à l’époque”

Elle trouve également son compte en devenant la première photograph­e de grimpe, dont certains clichés deviendron­t iconiques. Elle occupe avec brio une place de chroniqueu­se pour le magazine Vertical durant de nombreuses années, rédigeant les “News falaises”. “J’ai été une des premières à équiper, parce que je me suis très vite rendue compte que si on voulait des voies bien équipées, fallait se prendre par la main, que c’était pas les mecs qui allaient faire des voies pour nous. J’ai commencé à faire du rééquipeme­nt : les voies commençaie­nt vraiment à s’user, c’était sordide ! À l’époque, pour rééquiper, il fallait que tu demandes à l’équipeur, et on est tombé sur pleins de cons ! Ils avaient tellement un ego surdimensi­onné qu’ils ne voulaient surtout pas qu’on touche à leur voie ! Moi, je voulais bien garder l’engagement mais sans chutes au sol, même ça, ils ne voulaient surtout pas ! ”

Formée Brevet d’État d’escalade, elle forme à son tour depuis de nombreuses années encadrants SAE, SNE et BE, étant de plus la seule en France à pouvoir former les BE équipement. Très impliquée dans l’équipement et le rééquipeme­nt à Buoux, elle créa il y a quelques années Escala’Buoux, des rassemblem­ents tout public organisés tous les ans et a, en autres, lancé la campagne de financemen­t participat­if “I love Buoux”. L’objectif ? Sensibilis­er les grimpeurs sur leur rôle dans le rééquiL’histoire

pement et notamment la nécessité de leur participat­ion pour financer le travail et le matériel nécessaire.

“On devrait se cotiser pour ces trucs ! Un point, ça te coûte 5 €. Par rapport à l’équipement, je crois qu’il faudrait que les gens souscriven­t à quelque chose. Selon moi, chaque BE devrait donner une journée pour équiper, changer les maillons rapides… Je change des maillons à côté de BE, ils ne viennent même pas t’aider et après ils gagnent du pognon sur les voies que j’ai équipées. On a lancé quelques rassemblem­ents pour entretenir les secteurs, avec les clubs et même des non-grimpeurs…”

Babsi Zangerl : grimpeuse la plus complète du monde ?

Considérée par beaucoup comme la reine de l’échiquier de la grimpe féminine, Babsi ne laisse aucune facette de l’escalade de côté et montre qu’il est possible d’exceller partout. Cette Autrichien­ne fera parler d’elle dès 2008 en enchaînant le premier 8B bloc féminin à Magic Wood avec Pura Vida (depuis décoté à 8a+), rien que ça ! Comme beaucoup d’athlètes dans ce dossier, sa carrière se verra chamboulée par une blessure au dos qui l’oblige à s’écarter d’une pratique intégralem­ent dédiée au bloc. Ainsi, elle se mue progressiv­ement en falaisiste, grimpeuse de grande voie et de Trad, et s’impose finalement comme une référence incontourn­able en Big Wall… Son approche, dans laquelle se tressent brillammen­t recherche de performanc­e et goût pour l’aventure et la découverte, fait de Babsi un exemple de dépassemen­t de soi et des frontières traditionn­elles de l’escalade féminine. Avec une grappe de 8c+ et deux 9a (Speed

integral à Voralpsee et Sprengstof­f à Lorunser Wandle) à son actif en escalade sportive, le transfert de ses aptitudes de grimpeuses se fait brillammen­t vers les grandes voies alpines. La liste de ses premières féminines est bien longue, avec, parmi les plus notables, l’enchaîneme­nt de la trilogie alpine, trois grandes voies dont la difficulté atteint 8b+ : Silbergeie­r, Kaisers neue Kleider,

End of Silence ; ou encore Endless Story au Ratikon et Bellavista dans les Dolomites, comprenant également une longueur en 8b+. Mais ce n’est pas tout ! Babsi est également la référence féminine en escalade de Big Wall de la dernière décennie ; son nom s’ajoute à la fin de la courte liste des répétit.eurs.rices du Nose (8b+, 900 m, Yosemite) ainsi que plusieurs FFA sur El Capitan : El Nino,

Zodiac, Magic Mushroom, Pre-muir wall ; comprenant des longueurs jusqu’au 8b+ ! Dernière touche de ce tableau inspirant, Babsi s’offrira la First Ascent de la voie en trad Gondo Crack, 8c, en Suisse ! Son secret pour faire partie de l’excellence dans toutes les facettes de l’escalade : un entraîneme­nt minutieux et calibré, suivie d’une année bien organisée pour transférer ses progrès en escalade sportive à la pratique de grande voie ; mais surtout une intarissab­le motivation. Si Babsi n’est pas la meilleure grimpeuse du monde en couenne, elle est pour sûr la meilleure dès lors qu’il est question d’enchaîner des voies extrêmes en partant d’un relais plutôt que du sol ! Encore précurseur, elle montre l’exemple à d’autres femmes pour s’engager dans le terrain merveilleu­x de la grande voie et du Big Wall après travail.

 ?? © Robert Exertier. ?? Ci-dessous : Françoise Lepron, surnommée Snoop, était une des très rares femmes équipeuses. Elle était aussi prof de danse, d'où le jeu de cette photo datant de 1984, où elle grimpe dans le Verdon pieds nus en habits de danse.
© Robert Exertier. Ci-dessous : Françoise Lepron, surnommée Snoop, était une des très rares femmes équipeuses. Elle était aussi prof de danse, d'où le jeu de cette photo datant de 1984, où elle grimpe dans le Verdon pieds nus en habits de danse.
 ?? © Alex Eggermont ?? Ci-contre : Barbara Zangerl réussi tout sur son passage en grande voie, y compris le Nose au Yosemite dont elle a signé une rare répétition en libre.
© Alex Eggermont Ci-contre : Barbara Zangerl réussi tout sur son passage en grande voie, y compris le Nose au Yosemite dont elle a signé une rare répétition en libre.

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