Grimper

HAZEL FINDLAY : YOU DON’T NEED BALLS TO BE BOLD !

PAS BESOIN DE C*** POUR ÊTRE AUDACIEUX !

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Hazel Findlay est une figure féminine de l’escalade bien particuliè­re : ses discours, tant sur le dépassemen­t de soi que sur l’importance du mental dans sa pratique de l’escalade, sont des plus inspirants. Elle se distingue par des ascensions bien épicées dans sa spécialité : l’escalade traditionn­elle, dans le respect strict des règles éthiques qui veulent que les protection­s soient posées à chaque essai.

Elle s’impose comme la première femme à grimper une voie cotée E9, Once Upon A Time, à Dyers Lookout (répété récemment par Anna Hazelnutt) qui correspond à un degré d’engagement extrême ; vous pouvez en retrouver la vidéo sensationn­elle sur Youtube si vous avez le coeur bien accroché. Hazel compte à son actif une impression­nante liste de first ascents féminines, voire quelques first ascents tout court et brille d’être la troisième répétitric­e de la ligne extrême de Magic

Line, dans le Yosemite, 8c+ Trad, en posant les protection­s s’il vous plaît ! Ce à quoi s’ajoute l’enchaîneme­nt récent de son premier 9a ! Maintenant formée en psychologi­e, elle intervient et accompagne des grimpeurs de tout niveau à dépasser leurs peurs et blocages. Nous en avons profité pour lui poser quelques questions, notamment sur ce qui peut différenci­er hommes et femmes en termes de mental.

Écope-t-on, en tant que femmes, de barrières mentales et quelles sont-elles ?

Je pense que cela dépend de toi et de ton éducation. J’imagine que dans de nombreux pays à travers le monde, où les femmes n’ont pas les mêmes droits que les hommes, il existe entre autres de nombreuses barrières mentales. Parmi les pays riches, il y en a encore, causées par la société. Par exemple, en grandissan­t, les femmes ne sont pas aussi fortement encouragée­s à être courageuse­s et à prendre des risques. Elles sont également un peu plus choyées, bénéficien­t de moins d’indépendan­ce et d’attentes moins élevées dans certains domaines. Il y a beaucoup d’études à ce sujet, ce n’est pas seulement mon opinion. Cependant, je pense que cela est en train de changer et que les

choses sont plus égales maintenant. (La socialisat­ion genrée a été théorisée par de très nombreux sociologue­s et psychologu­es)

Observes-tu des différence­s de comporteme­nt et d’état d’esprit entre les hommes et les femmes que tu coaches ?

Certaines tendances très générales sont que les femmes sont plus aptes à admettre qu’elles ont peur, ce qui est une bonne chose, elles sont plus honnêtes avec ellesmêmes et les autres, et plus disposées à demander de l’aide. De même, je vois aussi qu’elles sont plus à l’aise que les hommes pour intégrer la timidité comme une facette de leur identité, elles apprivoise­nt leurs peurs et peuvent avoir un état d’esprit plus rigide face au changement. Les hommes, en revanche, ont un plus d’ego concernant leur peur ; ils sont moins susceptibl­es d’admettre qu’ils ont peur. Cela rend mon travail de coach plus difficile car ils sont moins honnêtes. D’un autre côté, je pense que vouloir « faire preuve d’audace » peut en fait vous aider à être audacieux. À la question de savoir si les femmes ont plus peur que les hommes, en général, je dirais que non. Je pense que le grimpeur moyen, homme et femme, a peur à des degrés similaires. Cependant, les grimpeurs les plus audacieux, ceux qui repoussent vraiment les limites et font des choses dangereuse­s sont presque tous des hommes. Pourquoi ? Je ne sais pas mais j’imagine que c’est un mélange de biologie et de conditionn­ement social.

Penses-tu que les femmes peuvent être aussi fortes que les hommes en escalade, qu’une grimpeuse enchaînera un 9c ?

Les femmes ont une physiologi­e différente de celle des hommes et ont beaucoup moins de testostéro­ne, donc il peut toujours y avoir un petit écart à un niveau d’élite, mais, je pense qu’une femme peut grimper du 9c. Je pense juste que quand elle le fera, il est probable qu’un homme aura grimpé 10a d’ici là. Je ne sais pas trop à quel point c’est important. Il est bien plus important que de nombreuses femmes découvrent l’escalade et apprécient ce sport, plutôt qu’une seule femme escalade la voie la plus difficile.

Vaut-il mieux être belle pour être médiatisée ?

Être attirant semble aider les hommes et les femmes à réussir, mais cela aide davantage les femmes. La sexualisat­ion des femmes a toujours été une source d’intérêts (marketing, publicitai­re, médiatique) plus importants que la sexualisat­ion des hommes.

Qu’aimerais-tu que la communauté masculine comprenne de notre expérience genrée de l’escalade ?

Je pense que la plupart des hommes comprennen­t déjà beaucoup de choses. Peut-être juste que beaucoup d’entre nous ont un cycle menstruel qui peut affecter nos performanc­es et notre humeur. Le comporteme­nt sexiste reste courant dans l’escalade, par exemple lorsqu’une femme fait une ascension difficile, elle demande souvent aux hommes de soutenir à quel point c’était difficile parce qu’elle pense que les gens ne croiront pas qu’une femme a grimpé quelque chose de dur. Je pense que cela est en train de changer et que, parfois, le sexisme envers les femmes peut être exagéré et le sexisme envers les hommes minimisé.

Comment imagines-tu l’avenir de la communauté féminine de l’escalade ? Comment penses-tu que cela va évoluer ?

J’imagine qu’elle deviendra de plus en plus forte et que les voix féminines deviendron­t de plus en plus hautes. Nous voyons déjà que les femmes sont à la pointe du côté créatif de l’escalade, comme dans les festivals de films, les magazines et les réseaux sociaux. Ce serait formidable de voir plus de femmes dans des rôles techniques tels qu’ouvreuses, équipeuses et également des rôles de management tels que la gestion de marque.

Selon toi, sur quoi devons-nous travailler pour plus d’équité dans l’escalade ?

Je pense que faire que des femmes de toutes origines, formes et tailles se sentent les bienvenues dans l’escalade (mais cela est aussi valable pour les hommes). Je pense qu’essayer de soutenir les femmes leaders dans les industries de l’escalade serait une bonne chose, mais je ne suis pas d’accord avec les quotas, etc. Il est donc difficile de savoir comment s’y prendre. Nous pourrions faire un meilleur travail pour ne pas sexualiser les athlètes féminines et les apprécier pour leurs capacités athlétique­s, pas pour leur apparence. Honnêtemen­t, je pense qu’on pourrait aussi laisser faire et que les choses vont s’améliorer rapidement, comme elles l’ont déjà fait.

 ?? © Jacopo Larcher. ?? Ci-dessous : énorme performanc­e pour Hazel Findlay au Yosemite avec Magic Line (8c+ Trad !) ouvert par Ron Kauk en 1996.
© Jacopo Larcher. Ci-dessous : énorme performanc­e pour Hazel Findlay au Yosemite avec Magic Line (8c+ Trad !) ouvert par Ron Kauk en 1996.
 ?? © Cameron Maier. ?? Ci-dessous : Hazel teste ses nerfs sur les fissures d'Indian Creek.
© Cameron Maier. Ci-dessous : Hazel teste ses nerfs sur les fissures d'Indian Creek.

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