Y a-t-il des voies “de filles” ?
Voici un sujet sur lequel les hommes, aussi progressistes soient-ils, aiment débattre. Leur argument, d’ordre biologique, est le suivant : il est possible de dégager la tendance (statistique) suivante : un certain type de voies, plutôt d’endurance, pas trop déversante, sur petites prises, conviendra en moyenne mieux aux grimpeuses. Même si cela est juste, pourquoi est-ce un problème ? Déjà, en opposition à une voie “d’homme”, il convient de parler d’une voie “de femme”, pour éviter la connotation paternaliste et réductrice du mot “fille” (définition du dictionnaire : n’aillant pas encore acquis le statut de femme/adulte). De plus, une voie d’escalade étant ce qu’elle est, nous disposons d’une multitude d’adjectifs pour la qualifier, sans qu’il soit nécessaire et pertinent de lui donner une dimension genrée, susceptible d’orienter les comportements et choix des grimpeur.e.s. En effet, des jeunes grimpeuses qui intègrent ses a priori se construisent des barrières mentales et des réticences à aller dans certains styles de voies, alors qu’un des meilleurs moyens de progresser est d’équilibrer son profil pour être à l’aise dans tous les styles. D’ailleurs, certaines grimpeuses revendiquent fièrement leur préférence pour des voies “typées homme”, plus bloc et déversantes, comme Julia Chanourdie lors de son enchaînement d’Eagle4, le premier 9b enchaîné par une Française. Enfin, ces réflexions sont souvent reçues par les grimpeuses comme dénigrantes, que ce soit volontaire ou non. Le problème ne dépend pas de l’intention de l’interlocuteur, bonne ou mauvaise, mais bien de la façon dont l’interlocutrice va le recevoir. Caractériser le projet de votre copine de voie de fille, c’est, d’un, décourager les hommes qui voudraient s’y atteler, de deux, sous-entendre que la performance féminine aura moins de mérite, car pour une même cotation, une ascension féminine serait plus facile qu’une ascension masculine, que vous le vouliez ou non !