Grimper

CHAPITRE II

AU MEXIQUE, NOUS ABANDONNON­S LE NAVIRE !

- Un roadtrip pas comme les autres Par Baptiste Verdin, Maud De Hemptinne et Seb Bim ! “Aïe nid-de-poule”

Ça y est. Le sol est dur sous nos pieds, plus rien ne bouge, enfin. Ça sent la terre et les tacos. Nous sommes au Mexique, la pointe sud : Cancun, Merida, le Yucatan ! Le bateau est sorti de l’eau, et trône fièrement sur des socles en bois dans un port à sec, au beau milieu de chantiers navals mexicains !

L’équipe s’agite et s’affaire : trouver un van, refaire une beauté à Samsara, s’assurer que rien ne va s’abîmer durant nos mois d’absence, se réentraîne­r, découvrir l’escalade au Yucatan et ses fameux Cenotes…

Cette To Do List présidenti­elle est abattue en quelques jours… Faut dire, certains membres du groupe dont nous tairons les noms semblent particuliè­rement pressés de prendre la route et tâter les falaises qui se trouvent au bout.

Après plusieurs jours de recherches, nous tombons donc en amour pour un van. Mais pas n’importe lequel ! Un gros camping-car sorti tout droit d’un autre temps. Au moins deux fois plus âgé que Soline (dont nous tairons le jeune âge par souci de confidenti­alité), il nous charme par son espace, son aménagemen­t et sa touche old-school. Le deal avec les propriétai­res du van, une très sympathiqu­e famille mexicaine avec qui nous passons un réveillon de noël made in Mexico, est vite réglé, non sans craintes et appréhensi­ons…

Rien ou presque rien ne nous sépare de l’objectif final de ce périple, l’Amérique et ses plus beaux bouts de cailloux. Quelques kilomètres à peine… Bon ok, 5 à 6000 tout de même.

La bête tiendra-t-elle jusqu’au Yosemite ?

Bam ! “Et merde encore un casse-vitesse…” Pouuuuuup ! “pas passé loin ce camion…”

Flash ! “Mais… Pourquoi ils nous font tous des appels de phares ? On voit vraiment rien cette nuit…”

Clic. “Oh oh… Les phares ? Ils se sont éteints !” Énième réparation du Van à l’approche d’El Salto, ou comment le road trip à travers le Mexique a tourné au comique de répétition.

*Silence rempli de tension* Quelques jours plus tôt…

Le jour du départ du port à sec, comme lors d’un départ de refuge en montagne, l’excitation est au plus haut et les réveils sont réglés avant l’aube.

La première équipe de fiers et motivés conducteur­s, Clovis et Seb, est fin prête à braver les fameuses routes mexicaines. “Allez c’est parti, allumons ce moteur !” VROUUM. “OH YEAH, à nous la route !”. “Euh… les gars vous avez remarqué qu’il n’y a pas de phares là ?”. Fichtre… Après quelques heures de cours d’électricit­é pour Seb et de chipotage dans le capot pour Bapt (Verdin), Loic (Morize) et Clovis, on est enfin prêt à quitter ce fichu port à sec. Plus besoin de phares me direz-vous, nous sommes bel et bien en plein milieu de la matinée !

Cette tentative avortée de départ avant l’aube ne semble pas avoir démotivé notre bande de joyeux lurons qui avalent les kilomètres le long des charmants paysages de la côte mexicaine : relais au volant comme ils l’ont fait à la barre de Samsara durant les deux derniers mois. Lorsque, vers 18h, la nuit tombe, les débats commencent : allons-nous rouler de nuit ? Les uns, particuliè­rement motivés pour toucher du caillou le surlendema­in, plaident pour des quarts de nuit caféinés. Les autres, plus raisonnabl­es, veulent s’arrêter : rouler de nuit au Mexique n’est apparemmen­t pas une mince affaire : trous dans la route, absence de marquage, chauffards, camions aux gros phares, criminalit­é, barrages de police corrompue…

Le débat a peine le temps de devenir intéressan­t, qu’il est brusquemen­t interrompu par un virage d’urgence de Jean-Elie (Lugon), au volant à ce moment-là : il n’a plus aucun contrôle sur le véhicule et une épaisse fumée blanche sort du capot. Tout le monde sort alors en panique pour pousser la bête sur une place de parking sûre. Panne #2.

Il semble que notre cher camping-car ait choisi pour nous : nous ferons une pause pour la nuit !

Rapide diagnostic de nos mécanos en chef, Loic et Bapt : la courroie secondaire n’est plus fonctionne­lle, ce qui empêche le refroidiss­ement du moteur.

Nous reprenons la route le lendemain après plusieurs nouvelles heures de chipot et réparation dans le capot. Bon, ça devrait pouvoir tenir un mome… “Eh merde !”. Rebelote : Bruit-fumée-arrêt d’urgence au péage. Panne #3

Les problèmes s’enchaînent et se ressemblen­t… Ou pas ! Ce moteur est rempli de surprises. À chaque fois, les gens sont extrêmemen­t aimables et nous aident à nous remettre sur roue. Panne #4 sera particuliè­rement agréable : juste à côté d’un vendeur de jus d’ananas

« La première équipe de fiers et motivés conducteur­s, Clovis et Seb, est fin prête à braver les fameuses routes mexicaines. »

Soline dans Dante’s inferno (8a+), une des nombreuses kinglines d’El Salto.

À droite : les blocs magiques de Peñoles. frais et d’un superbe arbre pour y accrocher une bonne poutre d’entraîneme­nt.

Panne #5 #6 et #7 se passeront sans encombre. À la mi-journée du 3e jour de route, équipé d’une courroie flambant neuve et d’un moteur soigné aux petits oignons, notre camping-car arrive au pied du col qui mène à El Salto, l’un des sites les plus majeurs du Mexique, et la première étape de notre voyage terrestre.

L’heure est à la fête pour notre bande de pirates : plus qu’une vingtaine de kilomètres de côte avant de pouvoir toucher du superbe caillou ! Les plans pour la fin d’aprèm vont de bon train : les uns iront courir ou faire une session de grimpe à la frontale, les autres iront profiter d’un bon tacos et d’une bonne bière. Loïc est au volant et ça commence à devenir plutôt intéressan­t. La route se met à pencher, les virages à tourner. Nous + Kroux + des centaines de kilos de matos + de la nourriture pour sustenter tout un équipage, ça commence à faire lourd pour un vieux camping-car qui vient de réaliser la plus longue route de sa vie. Le moteur hurle, la vitesse diminue.

Mais il se bat, virage après virage, pour nous emmener toujours plus haut. Loïc a une goutte de sueur qui perle sur le front. Et nous, nous crions “Alllleeeee­zzz”. Soudain, des travaux. La double bande n’en devient qu’une. Derrière nous, une file de voitures et en face… “Oh non…”. Une ambulance, toutes sirènes hurlantes ! Et c’est à ce moment-là, très exactement, que notre cher camping-car choisit de s’arrêter. Loïc, dont la goutte de sueur s’est multipliée, tourne plusieurs fois la clé dans le contact pour rallumer le moteur, en vain. Branle-bas de combat, tout le monde sort du van. SPLASH. Les deux pieds dans du ciment frais. On pousse, on hurle, on tire, on filme (eh oui tout a été bien immortalis­é). Au bout d’une bonne minute de crise, on parvient tant bien que mal à pousser notre baleine sur le côté et à laisser passer l’ambulance. Ouf !

À peine sommes-nous remis de nos émotions, qu’on nous informe que le crux est devant nous, que les kilomètres qui suivent sont bien plus raides et qu’il est fort peu probable que nous puissions y arriver. Les débats se relancent alors. Les uns, braves, certes, mais bêtes, sont chauds pour tenter le coup. Les autres, plus raisonnabl­es, veulent trouver une solution alternativ­e et laisser le van en bas. Pas le temps de débattre que le camping-car, téméraire, est déjà reparti. Un virage, puis un autre, encore un… La tension est à son comble. Va-t-on y arriver ? Non, bien sûr ! Qu’est-ce que vous espériez ?

Ce n’est que le lendemain, plusieurs pannes et arrêts plus tard, que nous arriverons au bout des 10km restants,

non sans l’aide d’un camion de dépannage et de Zach, un grimpeur américain muni de son 4x4 truck. Nous voilà à destinatio­n. El Salto ! (Les pannes #12 à #127 seront racontées dans les paragraphe­s suivants). Après un séjour de grimpe bien mérité à El Salto, nous reprenons la route tout à fait normalemen­t : une vidange moteur par-ci, un changement de filtre par-là, et, en option, le démontage du carter de boîte (durant lequel Loïc se fait un soin intégral du corps à l’huile usagée) … La situation dégénère lorsqu’à mi-chemin, les roues de notre fier destrier, éléments essentiels à son bon fonctionne­ment, explosent les unes après les autres… Plus sereins après avoir visité une demi-douzaine de vulkas (spécialist­es mexicains du remplaceme­nt de pneus avec un matériel minimalist­e), nous fuyons les sentiers battus pour nous aventurer sans encombre sur les pistes menant à Peñoles.

Quelque 1500 km plus loin, après une traversée de la frontière Mexique-USA rondement menée, malgré l’absence de marche arrière, les jours de routes

s’enchaînent. Ils sont ponctués par le remplaceme­nt des bougies et des câbles d’allumage. 5L d’huile moteur et des taches sur mon pantalon, nous atteignons enfin Las Vegas et les fameuses falaises de Red Rocks. Le démarreur nous lâche lors d’un arrêt banal dans le centre de Vegas. Démontage, nettoyage, remontage, démarrage… Plus tard, c’est au tour de l’alternateu­r, sur la route, de nuit bien sûr. Las Vegas laisse ensuite place, non sans peine auto-mécanique, au majestueux site de bloc de Bishop.

Mais très vite, les fissures et les grands murs de notre objectif final nous poussent à reprendre la route. Il nous reste le sprint final : Fresno-Yosemite. Tout notre voyage est sur le point de passer un cap : atteindre ce but tant recherché après des semaines de navigation­s, maritimes et terrestres, toucher du doigt ces falaises légendaire­s… Et bim, on casse encore une petite courroie. C’est assez pour nous faire arriver de nuit au Camp 4, il nous faudra attendre le lendemain pour admirer ces parois légendaire­s.

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 ?? ?? L’équipage de Cap sur el Cap, Jean-Elie à gauche, Seb à droite, se remettent à la grimpe dans les Cenotes du Yucatan !
L’équipage de Cap sur el Cap, Jean-Elie à gauche, Seb à droite, se remettent à la grimpe dans les Cenotes du Yucatan !
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