CHAPITRE VIII
C’EST PAR OÙ QU’ON RENTRE À LA MAISON ?
Au vu de la situation ici au Yosemite, mieux vaut ne pas s’attarder : la tête de Kroux, si mignon soit-il quand il gambade en liberté, est mise à prix par les gardiens du Camp 4. En même temps, il est marqué NO PETS un peu partout. Nous avons beau mettre de gros sacs devant les panneaux, les rangers ne sont pas dupes. Seb ne se promène plus sans son camouflage, subtile combinaison casquette-capuche digne d’un dealer de meth.
Puis voilà que toute l’équipe se retrouve dans le collimateur de ces protecteurs en uniforme vert du bon touriste américain.
Un feu crépite. Les conversations vont de bon train sur notre emplacement du Camp 4 :
- Alors les gars, vous rentrez demain à la maison ?
- Eh ouais, on rentre… Mais la maison est encore loin ! Un retour épique du Yose au Mexique, une préparation caliente du bateau, une traversée houleuse de l’Atlantique… Le chemin jusqu’à la maison est encore long et rempli de surprises !
Nous donnons notre vieux et loyal camper-van (ne pouvant plus rouler) en Californie aux victimes des incendies. Notre retour au Yucatan, où Samsara nous attend, prend la forme d’un marathon de transport en commun rarement égalé. Mais après tout, qu’est-ce que 5 jours non-stop de bus lorsqu’on s’apprête à passer 30 jours sur un bateau de 15m ? En voici encore une d’aventure épique : Kroux est transformé en “service-dog” afin d’être autorisé à entrer dans les bus, et nous sommes bien sûr accompagnés de tout notre barda, au minimum trois sacs chacun, et il est pratiquement impossible de se mouvoir d’un moyen de transport à l’autre. Non sans peine (notamment lorsque la supercherie de Kroux se fit démasquer à l’entrée du dernier bus. Il en faut plus pour duper des contrôleurs mexicains, pas encore chien d’aveugle diplômé notre bougre de Kroux), nous arrivons au port à sec sains et saufs !
Après quelques jours de préparatifs, déjà bien entamés depuis quelques semaines par nos courageux capitaines, nous voilà prêts à partir pour plus d’un mois sur l’eau. Le bateau déborde de vivres, les derniers papiers administratifs ne sont plus qu’un mauvais souvenir et notre némésis, le remplissage des bonbonnes de gaz, s’est réglé à la mexicaine après nous avoir fait courir
aux quatre coins de la ville.
Ainsi, nous avons mis les voiles et quitté les terres mexicaines. À bord du Golf Stream Express (des courants océaniques qui nous font gagner de précieux noeuds), nous nous sommes faufilés entre la Floride et les Bahamas. On vient de frôler les Bermudes… Direction plein est vers les Açores ! Et nous voilà à nouveau à la merci du vent : pétole, nous sombrons dans l’impatience ; quand le vent se lève, notre moral rebondit. Sauf que là, le vent ne se lève pas pour rire. 35 – 40 – 45 noeuds de vent, notre canasson fait rugir ses voiles et se cabre devant cette houle qui monte. Nos heures de quart, parfois si calmes, se transforment en violente aventure aquatique digne des meilleurs parcs d’attractions. Amateurs de sensations fortes, vous êtes servis : toutes les 5 minutes, de puissantes vagues te désarçonnent et te mouillent jusqu’à l’os. Il faut s’agripper fermement à la barre sous peine d’être expulsé par-dessus bord. À l’intérieur, tout se renverse, impossible de cuisiner, les cabines prennent l’eau, nos habits et nos affaires moisissent…
On aurait apparemment rencontré le premier ouragan de la saison. Heureusement pour Samsara, le prénommé Alex était déjà en fin de vie. Puis le vent baisse et tourne au près (c’est-à-dire un vent de face) dans un vacarme pas possible ! Une semaine très humide qui passe au ralenti vient s’ajouter aux trois précédentes. C’est long, c’est lent, le moral des troupes est au plus bas.
Encore une bonne poignée de jours guidés par d’incroyables baleines… Et, enfin, des terres colorées, des vieux marins bariolés, du gin qui coule à flots, des tas de rigolos matelots… Ce sont bien les Açores ! Notre port d’arrivée « Horta » est un véritable rond-point de la navigation Atlantique. Avec le pic le plus haut du Portugal, notre nouveau décor détonne franchement avec le mois de plat que l’on vient de vivre. Après une semaine à terre, nous repartons pour les 900 derniers miles vers la Galice, environ une semaine de voyage, ce qui semble si court après le chemin que l’on vient de parcourir.
Merci !
Si Samsara et ce projet sont enfin arrivés bon port, en Galice espagnole, c’est grâce aux nombreux supports et soutiens : nos partenaires, les contributeurs de notre crowdfunding, nos parents, nos amis, Bruno et son bateau Samsara… Merci à Maud et Loïc de nous avoir partagé leurs connaissances de navigation et d’avoir réalisé la prouesse de nous ramener tous entiers ! Un film long-métrage sur toute l’aventure est en construction avec Solidream.