TOUT FEU TOUT FLAMME, TOUT MOF!
BruxelLes,* vendredi 10 novembre, 18h.
C’est l’heure idéale pour se faire chatouiller les oreilles par la voix délicate de Lucas, notre speaker préféré, plus connu sous le surnom de La Mortille : « EST CE QUE VOUS ÊTES CHAUUUDS ET CHAAAUDES POUR MONTRER DE QUOI VOUS ÊTES CAPAAAAABLE DANS CES BLOCS EXTRÊÊÊMES ?!? » Le top départ est lancé pour le rendez-vous tant attendu de l’escalade bruxelloise : la deuxième édition du Master of Fire.
Cette première vague de qualification va vite donner le ton : le circuit est dur, très dur même. Les places en finale coûtent si cher qu’aucune erreur n’est permise. Il faut dire que les plateaux féminin et masculin sont particulièrement sélects. Rassembler autant de talents sur un même événement, allez savoir comment ils s’y sont pris ces fous de belges !
Le gratin de l’escalade française se succède sur des dallouzes métaphysiques, des dévers à grosses claques et des coordi/o déboussolantes. On se régale des essais de Mejdi, Paul et Sam, les meilleurs performeurs français de la saison internationale, ou encore de Simon Lorenzi, Lily Abriat, Fanny Gibert, Julia Chanourdie, Lucie Delcoigne… pour ne citer qu’elles et eux. Monsieur et Madame habitant.e de Bruxelles s’essayent dans des blocs plus accessibles, mais avec tout autant d’ardeur ! Il n’y a qu’en escalade que la championne de 5km du village peut concourir sur la même piste d’athlétisme, et en même temps, qu’un Usain Bolt ! Les ouvreurs avaient pris soin de parsemer ici et là quelques pièges bien épicés. Zélia Avezou, l’une des meilleures bloqueuses du moment, s’en souviendra encore longtemps de sa première fissure... Il faut dire que 40 min à essayer d’aligner 3 coincements de main infâmes et évasés... c’est long ! Sean Villanueva, pourtant recruté afin de prodiguer des conseils précieux, ne su ra pas à sauver les âmes en peine des grimpeurs et grimpeuses désabusé.e.s.
3 heures 30 plus tard, les participant.e.s ne sont pas plus malins, mais les sourires arborent les visages. On a de la magn’ plein le nez, il va falloir une semaine pour retrouver une peau correcte. Le bloc échoué de peu va tourner en rond dans notre tête toute la nuit... Mais à peine le temps de remettre ses chaussures qu’une pression bien fraîche a atterri dans nos mains ! Ouf !
Après une brève nuit de répit, la voix suave de La Mortille résonne à nouveau dans les enceintes pour annoncer le début du chrono. Il faut bien réveiller un peu les troupes ! C’est reparti de plus belle pour la deuxième vague de qualification de ce Master of Fire ! Cette fois, les amateurs et amatrices s’alternent sur le mur avec des pointures internationales telles qu’Hannah Meul ou Tomoa Narasaki.
Le compère de Tomoa, Sohta Amagasa illumine la salle d’un sourire qui ne le quitte pas, même lorsqu’il transfère l’ensemble de son poids sur un pied ostensiblement en train de glisser ! On se cale un sandwich attrapé au vol entre les dents et hop, on en oublie la grisaille extérieure. Impossible de détourner les yeux du spectacle qui se joue sur les tapis ! Je n’en rate pas une, car pour tout vous dire, un destin hasardeux a conduit un micro entre mes mains, dans lequel je commente, la voix hésitante, des observations particulièrement fines… : « Waouuuu !! Agathe Caillet qui roule sur le bloc 48 ! Ah non dommaaaage la zipette…
Ehhh, venez à l’atelier écologie cet aprèm on va trop se marrer ! Woow, mais, regardez ! Nolwen Berthier nous montre comment démarrer des arquées !! »
L’après-midi, le dernier round qualificatif se joue. Une concentration moindre en termes de participants et participantes de coupe du monde ; mais pas moindre en termes de grimpeurs et grimpeuses endiablé.e.s ! Ça s’envoie en l’air dans tous les coins de la salle, on court après le temps et la réalisation des mouvements saugrenus... tic-tac, 3h30 de rodéo, ça passe vite ! Cette vague, c’est celle qu’a choisie une poignée d’activistes pour lancer une action audacieuse. Je profite du micro qui traîne encore entre mes mains pour y annoncer le nom de l’action « Ceci est un torse ! ». Immédiatement, quelques grimpeuses et grimpeurs se débarrassent de leur t-shirt pour grimper le torse complètement nu. Des flyers explicatifs volent et circulent partout à travers la salle. Le message ? Dénoncer le double standard genré autour de la pratique torse nu et le privilège, réservé aux hommes, qui est de pouvoir profiter de ce confort. En toile de fond, la dénonciation de la sexualisation problématique du corps des grimpeuses, à l’image de la sexualisation du corps des sportives, et des femmes de manière générale. Une petite fille me pose une question sur la di usion des finales, je n’ai pas la réponse, mais je place un flyer entre ses petites mains. Elle retourne retrouver ses copines et j’espère ne pas croiser ses parents…
Pendant ce temps, l’équipe de l’association ACTS (Actions Collectives de Transition pour nos Sommets) a rassemblé une grappe d’intéressé.e.s pour un temps d’échange et un atelier d’intelligence collective autour des questions et enjeux écologiques. Pourquoi est-il toujours si compliqué de motiver des participants et participantes, alors que, une fois lancée, la discussion devient tellement passionnante ? Discuter, c’est bien, mais cette équipe a préparé une petite surprise pour les finales… Pas le temps de vous en dire plus, voilà les ouvreurs qui courent partout, tels des poulets sans tête, un verre à moitié plein dans une main, une viseuse dans l’autre: il est temps de visser les finales. Les heureux et heureuses finalistes se sont réuni.e.s en isolement pendant que les futur.e.s spectateurs et spectatrices s’échau ent... à coups de pintes de blonde.
45 min plus tard et 800 personnes délicatement entassées dans la salle, le show peut commencer. Comment décrire l’électricité qui voyage d’un bout à l’autre de l’assemblée ? Je m’apprête à vivre ma première expérience en tant que speakeuse et heureusement, le public me rassure assez vite : je baragouine n’importe quoi dans mon micro... Tout le monde se met à crier ! Attendez, mais c’est n’importe quoi. Je réessaye... Tout le monde éclate de rire, hilare. Il faut dire qu’appeler en hurlant Tomoa Nagasaki sur les tapis a fait l’e et d’une bombe... Merde, la gêne de ma vie. Heureusement, Narasaki ne sera pas trop déstabilisé par cette appellation maladroite, ce dernier s’apprête à nous montrer, bloc après bloc, qu’il n’est pas venu à Bruxelles pour enfiler des perles. Cet épisode sera vite oublié lorsqu’est brandi, sur le mur de finale, face aux regards surpris, une banderole. Dessus, on peut lire le slogan “What should we do about this fire ?” en référence au nom de la compétition, accompagnée d’une grosse Terre enflammée fort bien dessinée. Et oui, chaque occasion pour rappeler l’urgence et la gravité de la crise écologique, climatique et humaine doit être saisie. Puisse le public du MOF entendre ce message et lui donner un écho à son tour ! Après cette brève interruption, l’ambiance retourne à la normale (traduction : on se croit au milieu d’un carnaval), Business As Usual! Les finales se déroulent sans encombre ni bières renversées sur les tapis… Enfin, presque...
Aux jetés fous des finalistes répondent les cris du public. Le ballet pif-paf-pouf de la compagnie des grimp-Heureuses suscite
des vagues d’émotions manifestes... En même temps, qu’ils sont beaux et belles, nos finalistes, à batailler sur le mur, devant nos yeux brillants et écarquillés. Comme si le spectacle ne su sait pas, les ouvreurs ont préparé un petit tour de passe-passe pour déstabiliser ces finales : le dernier bloc ne sera pas celui qu’ont lu les athlètes... Mais un bloc mystère, tapi jusqu’alors dans un coin sombre du public ! C’est parti pour un défilé spectaculaire dans le panneau à 60°. Les claques que met Chloé Caulier sur les prises font crisser le bois. Wow !!! Faudrait pas que le module ne fonde en miettes entre ses deux pecs !! Les virevoltes et pirouettes ne laissent pas le public sans voix, et c’est dans le vacarme que se dessinent les podiums... Malgré la rude concurrence, Chloé remporte une deuxième fois la flamme tant convoitée, suivie de près par l’impressionnante Naïlé Meignan (première des qualifications), puis par la talentueuse Zélia Avezou qui remporte la troisième place de ce podium rayonnant. Ce soir, les femmes présentes nous auront montré brillamment combien il est possible de s’a ranchir de la gravité universelle ! Chez les hommes, c’est Sam Avezou qui se hisse à la troisième place, laissant Mejdi au pied du podium. Avec des finalistes pareils, on aurait bien mis tout le monde sur la plus haute marche ! Mais les lois de la compétition sont rudes, et le titre de vice champion du feu revient au jeune espoir du Royaume de Belgique... Hannes Van Duysen. Pour la première place, si votre lecture a été attentive, vous connaissez la réponse : ce n’est autre que l’athlète olympique et ô combien légendaire Tomoa Narasaki. Aller hop hop hop, on distribue les médailles en biscuit et les chèques en carton, on fait une petite photo souvenir... Pas de temps à perdre !! Un gros bus jaune attend les vaillant.e.s spectateurs, spectatrices, compétiteurs et compétitrices au bout de la rue... pour les acheminer vers un lieu mystérieux au milieu des bois, afin de pratiquer une activité antidépressive appelée “festoyer”. Et pour les curieux et les curieuses qui veulent savoir ce qu’il s’est passé là-bas, eh bien, toutes mes excuses, mais ça, nous le garderons pour nous… Un merci très chaleureux à tou.te.s celles et ceux qui ont rendu cet évènement possible. Des organisateurs, organisatrices, aux bénévoles, juges, brosseurs, ouvreurs, serveurs et serveuses de bières et de sandwichs, maquilleuses, DJ, ... Se retrouver, dans la joie, le partage et l’émotion de la sorte, on ne saurait en exprimer la valeur. Longue vie au MOF, au détenteur et à la détentrice de la flamme ! Puisse-t-elle nous éclairer dans la nuit sombre de Bruxelles…