DANGEREUX
POUR NOTRE SANTÉ ?
On entend dire qu'importer du Lapsang Souchong en France est interdit et en trouver dans le commerce demande soit de la chance soit de mener des recherches extensives. Un comble pour un thé destiné à l'exportation, qui a longtemps été affublé par les chinois du sobriquet de « thé des occidentaux » avant que ceux-ci ne le redécouvrent et en deviennent d'importants consommateurs.
Les responsables ? La présence à des taux jugés trop élevés d'hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP).
Qu'est ce que les HAP ? Il s'agit de composés toxiques qui se forment lors du processus de fumage, et plus largement sous l'action de la chaleur (grillé, torréfié aussi). Dans le cas du Lapsang Souchong, la fumée de combustion du bois libère des hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) qui se déposent sur les denrées et les imprègnent peu à peu. Or, l’un de ces composés, le benzo[a]pyrène a été classé comme cancérogène avéré pour l’homme par le Centre international de recherche sur le cancer (Circ) en 2005.
En 2011, une première réglementation européenne en a fixé les teneurs maximales pour les denrées alimentaires, cependant celle-ci n'incluait pas le thé. C'est par le biais d'une mesure spécifique adoptée par la France et l'Allemagne 6 ans plus tard que les ennuis ont commencé pour le Lapsang Souchong. Dès la mise en application de la mesure, il était de facto devenu impossible d'importer du Lapsang Souchong de Chine. Celui-ci ne passant plus les inspections phytosanitaires.
De nombreux lots de thés fumés sont restés bloqués en douane entraînant une pénurie. À cette époque, il était quasiment impossible de trouver des Lapsang Souchong du commerce qui répondaient à cette nouvelle exigence sanitaire.
Aujourd'hui, les choses ont bien évolué. Il est à nouveau possible d'en trouver avec des analyses phytosanitaires totalement conformes dans des boutiques spécialisées en thés chinois et réalisant eux-même leur sourcing. Des producteurs chinois se sont même mis à l'agriculture biologique.
En 2017, presque aucun Lapsang Souchong ne passait les tests phytosanitaires
Il faut tout de même préciser que ce sont des thés dont le procédé de fabrication a dû être revu et qui sont devenus beaucoup plus onéreux.
En outre, depuis l'émergence d'une classe aisée en Chine, la consommation domestique des thés de qualité n’a cessé d’y augmenter. La Chine exporte donc moins ses thés, et en particulier ceux qui sont prisés (à notre connaissance, le Lapsang Souchong authentique, se négocie en direct producteur à partir de 300€ le kilo).
Les comptoirs de thé sont donc souvent obligés de se rabattre sur des thés milieux de gamme .
Quelles alternatives possibles pour les amateurs de thés fumés ?
C'est au pays du thé vert, le Japon, que le producteur Matsumoto Hiroki situé à Shimada dans la préfecture de Shizuoka, abritant le célèbre mont Fuji, a entrepris de se concentrer sur la production de thés fumés. Verts bien sûr !
Celui-ci a passé plusieurs années à sélectionner différentes essences de bois homologués. Il n'a conservé que ceux offrant la nocivité la plus faible et les parfums les plus fins.
Et à l'instar du Lapsang Souchong, c'est en Europe que se trouve beaucoup des clients de Matsumoto san.
Sa référence la plus connue, Fuji-san Souchong est un thé vert (variété Yabukita) fumé aux copeaux de bois provenant de tonneaux de whisky japonais.
Réalisés à partir d'une essence de chêne américain, ces tonneaux ont servi comme fûts de vieillissement d’un célèbre whisky japonais venant d'une non moins célèbre distillerie japonaise qui a souhaité que son nom reste confidentiel.
Le producteur produit, outre ce Fuji-san Lapasang, 3 autres références. Des déclinaisons pour lesquelles il utilise toujours du thé Yabukita et le fume avec différentes essences : bois de cerisier, de cacaoyer ou encore de pommier.
L'autre alternative proposée par le sommelier de thé que nous avons interrogé nous vient du continent africain (troisième producteur mondial de thé) et en particulier du Malawi.
Un pays relativement petit enclavé du sud-est de l'Afrique dont la langue officielle est l'anglais. Réputée pour ses plages, il fait aussi parti de ces pays producteurs de thé émergents que les professionnels du secteur surveillent.
N'ayant pas de tradition ou de culture de thé trop fortement enracinée, les producteurs vont plus naturellement chercher à innover.
Et c'est le jardin Satemwa qui aujourd'hui offre une version malawienne du Lapsang Souchong avec un thé noir fumé au bois de goyavier.
Une variété d'arbre indigène qui apporte au thé des notes boisées, fruitées (fruits noirs), rehaussées d’une petite pointe camphrée. Cultivée dans les hauteurs de la région de Thyolo, au sud du Malawi, ce thé fumé africain est issu de la variété cultivée, passant pour la plus qualitative du continent africain, le Pure Clonal AV2. Un cultivar endémique du Malawi.
Son type de récolte en fait de facto un thé premium car seul le bourgeon et les deux premières feuilles sont utilisées pour sa fabrication (Orange Pekoe 1).
Fait notable, il a été récompensé de la médaille d'or au prix épicures 2017)
Ces deux thés restent disponibles en Europe et feront le bonheur des amateurs de thés fumés naturels.
Note : Nous avons également eu connaissance d'un troisième thé fumé venant de Taiwan (un Wulong fumé à l'épicéa nommé Lapsang Crocodile) mais n'ayant pu rassembler suffisamment d'informations de première main à son sujet, nous avons choisi de ne pas le traiter dans cet article.