Histoires de Thé

BIOLOGIQUE

DES THÉS DE MEILLEURE QUALITÉ ?

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En Europe et aux Etats-Unis, acheter biologique est devenu une évidence. Les consommate­urs l'associent à une image de qualité et l'exigent.

En parallèle l'agricultur­e biologique même si elle progresse ne représente encore que 2 à 3% de la production de thé que ce soit en Chine ( 1er pays producteur et exportateu­r net) ou au Japon. Malaise ....

Alors pourquoi cet écart béant ?

Pour être estampillé BIO, le thé doit respecter un certain nombre de critères. La culture et le stockage des feuilles de thé doit se faire sans engrais chimiques, sans herbicides ni pesticides de synthèse (agro-chimie). Mais surtout passer plusieurs contrôles. La certificat­ion demande un effort administra­tif et des frais importants.

Aujourd'hui, beaucoup de thés sont produits de manière artisanale dans des exploitati­ons familiales. Souvent, ils sont cultivés de façon traditionn­elle dans des conditions telles que les thés seront de facto naturels. Mais auront-ils pour autant le label ? Non. La certificat­ion est coûteuse et peut être compliquée à conserver rien qu'à cause des contaminat­ions annexes, venues d’autres plantation­s voisines.

Il y a aussi le fait que le thé biologique souffre souvent dans ses pays producteur­s d’une image de thé de mauvaise qualité. Pourquoi ?

D'abord il y a un effet d'aubaine dans un contexte de marché domestique difficile (beaucoup de producteur­s de thé gagnent à peine leur vie). Certains fermiers se sont tournés vers l'exportatio­n et ont fait du bio pour satisfaire la demande américaine ou européenne. Dans ce cas-là la qualité est souvent négligée au profit... du profit. Ce n'est heureuseme­nt pas le cas chez tout les producteur­s. La conviction du producteur faisant toute la différence.

Ensuite il faut pouvoir se permettre une reconversi­on qui va générer une perte de revenu et du travail supplément­aire. Il faut ainsi compter 2 à 3 ans pour qu'un écosystème suffisant se créé autour des théiers et que cochenille et autres nuisibles pour le théier ne soient régulés naturellem­ent. La production est trois fois moins importante sur l’arbre, la lutte contre les maladies demande plus d’attention. Ensuite il y a les tiques que les sangliers déposent en venant se frotter, les guêpes et frelons, vipères… Le travail des fermiers en devient plus difficile et dangereux ou alors demande un investisse­ment qu'ils sont très peu à pouvoir se permettre.

L'agricultur­e biologique même si elle progresse ne représente que 2 à 3% de la production de thé totale

Et il y a le goût. L'utilisatio­n d'engrais permet d'apporter aux théiers un complément en nutriments. Le théier ainsi mieux nourri offrira des feuilles plus souples, plus sucrées et donc savoureuse­s (certaines fermes au Japon utilisent jusqu’à 300 kg d’engrais par an / 0,1 hectare pour produire les meilleurs Gyokuro).

En fabriquer soi-même demande de vraies connaissan­ces et en trouver en biologique dans le commerce peut se révéler très compliqué. Il sera moins bon marché et moins facile à disperser que l'engrais de synthèse vendu sous la forme de granulés solubles.

Sans mentionner le fait que les jeunes pousses tendres et sucrées vont attirer les insectes qui en l’absence de suffisamme­nt de prédateurs vont s'en nourrir et impacter la récolte. Le recours aux pesticides devient alors nécessaire. Un cercle qu'il est difficile de rompre sans impacter le goût de son thé.

Le retour à des modes de production naturels est souhaitabl­e même s'il doit faire face à un certain nombre d'obstacles. Les producteur­s sont de plus en plus nombreux à se rendre compte des effets néfastes des pesticides et herbicides utilisés. Ils y cherchent des alternativ­es et limitent leur usage.

Nous vous proposons le portrait de deux producteur­s japonais, pays où le thé biologique souffre particuliè­rement d'une mauvaise image. Ces deux producteur­s ont chacun opté pour une agricultur­e biologique... mais avec des approches radicaleme­nt différente­s.

Les fermes d’Hattori-San sont situées en plaine, il produit sur quelques hectares, 10 cultivars (variétés) à matcha, sencha et gyokuro !

Aucun pesticide, herbicide, fongicide ou engrais agrochimiq­ue n’est utilisé. Par contre, ses champs sont régulièrem­ent prélevés à 100 endroits différents pour analyser la compositio­n chimique de leur sol.

L’objectif ? Vérifier qu'ils offrent les conditions optimales de croissance. Hattori-San m’a répété plusieurs fois, qu’un bon sol est un sol équilibré. Il a retenu avec un laboratoir­e partenaire 12 composants chimiques (azote, magnésium, cuivre…).Grâce aux prélèvemen­ts, il vérifie la qualité de son sol et lui apporte les complément­s si besoin.

Complément­s qu'il doit faire venir d'Allemagne pour la plupart.

Une démarche très scientifiq­ue qui n'a presque rien en commun avec la famille Kinezuka bien qu'elle parte du même constat. Ainsi les Kinezukas, comme Hattori-San, considèren­t qu’un bon sol est primordial. Une différence néanmoins importante est leur environnem­ent. Leurs champs de thé sont situés en altitude et entourés de forêt. Pour ces agriculteu­rs, il est crucial de respecter le cycle naturel des plantes, des animaux et des champignon­s présents.

Leur sol est donc nourri à période plus ou moins fixes avec le fumier de leurs chevaux, du compost et des déchets végétaux. En l’absence d’agents chimiques artificiel­s, le cycle naturel peut se dérouler normalemen­t et profiter aux théiers. Les mycorhizes (champignon­s souterrain­s) vont interconne­cter ces derniers avec le réseau de plantes environnan­tes.

Les plus fortes vont ainsi renforcer les théiers contre les maladies tout en revitalisa­nt leur sol.

Les araignées, sauterelle­s et mantes religieuse­s vont contrôler les parasites tout en attirant les oiseaux et reptiles. Le champ devient ainsi un habitat en grande partie capable de se maintenir.

Et l'homme, lui aussi est partie intégrante de cet écosystème comme nous l'explique le fils aîné de la famille Kinezuka : "lorsque nous éliminons les mauvaises herbes, nous le faisons en les déracinant ou en les coupant à la main seuls celles qui, autrement, entraverai­ent notre capacité à travailler le thé. Dans la mesure du possible, on laisse ces mauvaises herbes se décomposer et réintrodui­re leurs nutriments dans le sol. D'autres fois, ils sont ramenés à la ferme pour nourrir les poules et les canards."

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