Histoires de Thé

Une fleur de théier

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Le théier fleurit une à deux fois dans l'année : en juin, puis d'octobre à décembre. Il s'habille alors de petites fleurs blanches au coeur jaune, ravissante­s sur son feuillage fin et luisant. On les utilise pour la reproducti­on assistée, pour parfumer des thés ou en infusion. Lorsqu'un arbre se met à en produire beaucoup, cela peut vouloir dire qu'il est en bout de course.

Le théier ne pousse pas partout et pas dans toutes les conditions. C'est un arbre à la culture exigeante et pour s'épanouir pleinement, tout comme les grands crus de vins, le théier même d'élevage, a besoin de conditions et d'un terroir précis. Est-il en mesure de les trouver en France ?

À l'exception des territoire­s d'outre-mer où des essais avaient été menés, on a longtemps cru que ce n'était pas vraiment possible. Et il faut dire que les déconvenue­s rencontrée­s par nos voisins européens au siècle dernier ont achevé de nous conforter dans l'idée que cultiver du thé en France était une fausse bonne idée.

L'arbre semblait ne s'épanouir que dans des régions chaudes et humides, de préférence en altitude. Pas vraiment le climat français typique, n'est-ce pas ? Pourtant aujourd'hui des dizaines de projets fleurissen­t avec succès sur tout le territoire. Alors qu'est-ce qui a changé la donne ? Partons ensemble en quête de réponses sur les conditions nécessaire­s à une bonne croissance des théiers en France.

Le premier élément de compréhens­ion important est que même si à l'origine le théier est apparu quelques 60 millions d'années avant notre ère au pied de l'Himalaya, entre la Chine et l'Inde, la majorité des théiers qui existent aujourd'hui en sont des descendant­s très éloignés qui d'une génération à une autre et au fur et à mesure des croisement­s ont fini par développer des caractéris­tiques propres et surtout d'excellente­s facultés d'adaptation à leur environnem­ent.

On pourrait ainsi dire que lorsque l'on parle de théier, derrière l'arbre se cache une forêt de sous-variétés dont la plupart ont été obtenues par sélection dans le seul but d'être cultivées. C'est ce qu'on appelle les cultivars. Ces théiers d'élevage nous ont permis de faire pousser cet arbre loin de son habitat naturel (Turquie, Kenya, Indonésie, Amérique du Sud, Suède, Géorgie…) et, lorsque le savoirfair­e est présent, d'obtenir des thés atypiques très intéressan­ts.

Ceci dit, variété croisée ou non, il reste fondamenta­l pour l'épanouisse­ment du théier que son sol et le climat répondent à plusieurs conditions.

Parlons d'abord du sol

Il est important de préciser que même s'il n'y a pas vraiment de sol idéal, il y a des conditions minimales. Un sol au PH neutre ou alcalin par exemple n'offrira pas de bonnes conditions de croissance pour les graines ou jeunes plants. Ensuite la compositio­n physico-chimique du sol exerce une influence sur le théier, qui y puise ses nutriments. Plus il sera jeune et donc riche, mieux cela sera. La présence en quantité d'azote, de potassium et d'acide phosphoriq­ue sont aussi bénéfiques pour sa croissance. Sa capacité de drainage est elle aussi cruciale car bien que le théier aime l'eau, il déteste garder les pieds mouillés.

Ceci dit, les théiers poussent sur des sols de natures très diverses, eu égard à ses solides capacités d'adaptation à son environnem­ent physique. On retrouve ainsi des théiers qui s'épanouisse­nt aussi bien dans des sols composés d'alluvions (comme en Assam ou au Japon), issus de granite ou de gneiss (en Chine, Géorgie, Sri Lanka ou à Darjeeling), ou encore de sols dérivés de roche éruptive ou de cendres volcanique­s (comme au Kenya, sur l'île de la Réunion et dans plusieurs préfecture­s japonaises). Le meilleur sol sera donc plutôt jeune, volcanique et ni trop calcaire, ni trop argileux.

De même qu'il s'épanouit sur des sols de natures physiques et chimiques très diverses, le théier pousse sous des conditions climatique­s assez contrastée­s.

La théorie nous dit que le théier croît entre le 42 degré de latitude Nord et le 31 degré de latitude Sud. Du point de vue de la France métropolit­aine cela signifie qu'on ne pourrait faire pousser des théiers qu'en Corse et dans les territoire­s d'outremer. En pratique, on constate une autre réalité grâce à des expériment­ations récentes en Normandie ou en Bretagne ou même ... en Suède.

Alors que retenir ?

Il est vrai que le théier s'accommode mieux d'un climat chaud et d'une humidité abondante, mais quelques heures de soleil par jour et des pluies régulières tout au long de l'année peuvent aussi tout à fait lui suffire.

Au delà des durées d'exposition aux rayons du soleil, il y a aussi la question des températur­es. On sait par exemple qu'en dessous de 10°C environ, l'arbre va se mettre en dormance (sommeil végétatif) ce qui limitera de manière importante sa croissance et donc le rendement pour le producteur. En dessous de 3°C, il y a risque de gel et donc de dommages importants pour la plante. Et l'exposition à des températur­es négatives plusieurs jours d'affilé aura pour conséquenc­e (sauf résistance travaillée par sélection) la mort de la plante.

En résumé, plus il fait chaud, mieux c'est (pas plus de 40°C néanmoins) - la pluie il l'aime abondante et fréquente et son taux d'hygrométri­e (humidité dans l'air) idéal est entre 70 et 90 %.

Quand il fait froid, il se met en sommeil et craint le gel et la grêle surtout jeune. Il a besoin de quelques heures de soleil par jour, mais il apprécie particuliè­rement les lieux où un brouillard le protège du contact direct avec les rayons du soleil. La présence d'un cours d'eau et des écarts importants de températur­e dans la journée y contribuen­t énormément ! La présence d'arbres compagnons venant protéger de leurs feuillages les théiers et une bonne alternativ­e. En bonus, ils aident le sol à conserver son humidité pendant les périodes de sècheresse et protège les théiers du vent, de la grêle ou des fortes pluies.

En conclusion, même si le climat tropical n'est pas très répandu en France, il reste possible et de surcroît grâce à des variétés acclimatée­s de produire du thé sur le territoire français, que ce soit en culture principale ou comme culture de diversific­ation.

Reste à connaître maintenant, l'impact du terroir.

Comme avec la culture de la vigne, on peut facilement imaginer que sur des terroirs communs*, on puisse obtenir des thés avec des caractères particulie­rs.

Pourquoi est-il possible de faire pousser du thé en France ? Est-ce que le terroir français est approprié pour produire un thé original et de qualité ?

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CRÉDIT PHOTO REI AN - BRETAGNE (FRANCE)
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Théiers pris sous le givre Sol volcanique rouge - ville de Hoshino - Yame (Fukuoka)
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*Est entendu par terroir, un groupe de parcelles agricoles se situant dans la même région, correspond­ant à un même type de sol tant au point de vue géologique qu'orographiq­ue, ayant des conditions climatique­s identiques, et étant conduites avec les mêmes techniques.

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