PAROLES DE potiers
ILS PRÉLÈVENT DE LA TERRE, DES MINERAUX ET LES TRANSFORMENT EN OBJETS DE THÉ
Localisation : Rocles, Ardèche Objets de thé créés : Chawan, Yunomi, Théières, Cha-ire, Mizusashi,... Terre utilisée : Terres de récolte locales (Drôme, Ardèche).
Mon rapport au thé est semblable à mon rapport au Zen, à ce qu'il signifie pour moi. J'ai longtemps admiré les premiers potiers japonais, ceux qui tournaient autour des grands maîtres de thé, surtout pendant l'époque de Muromachi.
Ma vision de la céramique est primitive dans son essence: fait avec ce que tu as sous la main, c'est comme ça que tu feras le mieux, et fais ce que tu es, c'est à dire ce que tu deviens. Les grandes cultures ont toujours opéré ainsi, c'est comme ça qu'on a inventé les céladons, les shino (premier émail blanc à haute-température au Japon), les tenmoku (émail japonais noir tacheté de brun dit « peau de chamois ») etc...
J'ai donc commencé et je continue d'opérer de cette manière : façonner avec la terre de chez moi, les minéraux qui m'entourent en m'imprégnant des formes, couleurs et textures dans lesquelles j'évolue: les Cévennes.
Je marche beaucoup dans la nature, j'inspecte en permanence lors de mes déplacements les bas-côtés, je pense toujours à la céramique, tout le temps. Dès que je repère un filon, un minéral, une couleur étrange, j'en prends, je teste et si ça me plaît j'y retourne. Les sangliers, le jonc, sont de bons indicateurs pour trouver de l'argile.
Ma terre, mes formes, mes émaux sont en recherche permanente, ça vit et moi aussi. La mort c'est pour plus tard...
Le bol en céramique c'est la base, c'est comme apprendre le blues quand on commence la musique. On y revient toujours. Il suffit de condenser, condenser et tout peut rentrer dans un bol à thé.
Les théières c'est un peu long, le plus long à vrai dire des objets de thé. Ma façon de procéder est très différente des techniques habituelles. Toutes mes pièces sont fabriquées en kurinuki : dans la masse puis évidées, y compris les pièces de 1,3m, c'est comme ça que je travaille. Je façonne dans la masse ma théière entièrement: son ventre, son bec, sa anse en une seule pièce de terre et son couvercle séparément.
On termine avec la cuisson. Mon travail tourne autour de cuissons à hautes températures (1280-1400°C). J'ai l'impression étrange que plus on cuit haut et plus on peut faire les choses naturellement, avec ce qu'on ramasse sous nos pieds. C'est beaucoup plus difficile aux basses températures, il y a énormément de limites, de contraintes et de dépendances et le résultat me semble comme moins profond.
La terre elle te dit : Là, Ici, Ceci ! Non ça là. Toi tu écoutes et tu fais, il n'y a aucun bruit de tour là-dedans. La terre, moi, le monde, plus rien. C'est suffisant.
Je ne choisis pas mes formes, elles évoluent en permanence et ne cesseront d'évoluer.
Les théières, c'est très pratique: poids, préhension, verse. Tout ça c'est ce qu'il faut maîtriser, c'est-à-dire travailler travailler travailler jusqu'à l'oublier. Une fois qu'on l'a oublié on peut commencer à faire autre chose qu'une théière et c'est là que ça m'intéresse.
Faire des chawans est une activité qui n'a pas de fin. C'est l'objet le plus simple qu'on puisse façonner, donc le premier à faire, donc le dernier à étudier.
Je ne fais pas de grosses théières bien européennes dans lesquelles on laisse infuser un mélange étrange de poussières de feuilles inconnues. J'aime beaucoup les petites théières, les infusions courtes et nombreuses quitte à verser plusieurs infusions dans une bouteille si l'on reçoit plusieurs invités.
Un émail pour moi ce n'est rien d'autre que de l'argile, du grès et du calcaire. Je les mélange et ça fonctionne: c'est ça un émail.