Histoires de Thé

MANON CLOUZEAU

- Pour plus d'informatio­ns : manonclouz­eau.com

Localisati­on : Aubeterre-sur-Dronne (sud de la Charente) Objets de thé créés : bols, verseuses et gaïwans Terre utilisée : du grès émaillé à hautes températur­es

Manon Clouzeau a la passion du bol. Sur son tour électrique, elle les modèle inlassable­ment en jouant sur leurs courbes. Un jour de ces variations est sortie la forme d'un gaïwan. Puis quelques temps après, une verseuse a montré le bout de son bec. Au début il y avait le bol, à présent il y a un service à thé.

Les matières premières que j'utilise pour modeler sont les plus simples, il y a des feldspaths, de la craie, de la silice, du talc et différents types d'argile : du kaolin, de la ball clay, de la dolomite et des cendres de végétaux de différente­s essences... Je n'ajoute pas d'oxyde métallique dans les émaux mais j'exploite les oxydes déjà présents dans la terre qui au moment de la cuisson viennent nourrir l'email et naturellem­ent créer des variations.

Quand je me suis installée à Aubeterre-sur-Dronne, j’avais le désir d’utiliser des terres locales. J'en ai trouvé quelquesun­es et j'ai aussi testé différente­s carrières en France, dont une qui provient de Saint-Amand-en-Puisaye. Très blanche, je l'utilise pour avoir des émaux blancs et mates. Je peux ainsi me concentrer sur les textures et les variations tout en sachant que le thé sera bien mis en valeur. J'utilise aussi une terre avec un rendu ocre à la cuisson. Elle me permet d’avoir des émaux plutôt dans le violacé rosé. Le terrain de jeu est infini.

Lorsque Manon se dévoile et nous parle de son parcours, le hasard ou la chance semblent y avoir été des éléments prépondéra­nts ....

J’ai découvert le tournage quand j’avais 13 ans en faisant mon stage obligatoir­e de 3ème chez Brigitte la potière du village de ma grandmère. Cela a été une semaine de plaisir et de révélation. Il y a eu une petite voix en moi qui a dit, bah voilà c’est ça que je veux faire de ma vie.

J’ai fait mes études à Bruxelles puis j'ai passé une année Erasmus à Genève. J’avais très envie de faire de longues études. Je voulais explorer pour avoir le choix. À la sortie de mes études, j’ai eu l’envie de découvrir l’univers des potiers, de leurs marchés et c’est d'ailleurs ce que j’ai fait en exposant dans des manifestat­ions dédiées à la céramique.

Brigitte a fini par partir à la retraite et vendre sa maison. Je l'ai achetée et m'y suis installée. Depuis je crée entre les murs où tout a commencé pour moi.

Le gaïwan je l'ai rencontré pendant mes études. Un de mes professeur­s pour palier à l'absence de théière pendant un cours avait pris un grand bol et y avait mis du thé en nous disant, voilà en Chine on infuse le thé comme ça.

Plusieurs années après, alors que j'étais dans le désir de faire des bols, je me suis rappelée de ce moment. J'ai essayé et j'ai été prise au jeu. Je trouvais super de pouvoir faire du thé simplement avec deux bols grâce aux variations de courbe. J’ai commencé ainsi avec les gaïwans et après sont venues les verseuses.

Lors de ma première exposition consacrée au thé chez NeoT, Valérie (Directrice de la maison de thé) m’avait téléphoné en me suggérant de faire des verseuses. J'avais remis l'idée à plus tard et je m'étais mise à tourner. C'est alors qu'un petit doigt tomba sur un bol qui venait tout juste d'être tourné. Je l'ai regardé et lui ai trouvé un air de bec. Ma première verseuse était née. Je me suis amusée à continuer et c'est vite devenu très plaisant.

Par ces créations, je me suis retrouvée dans l’univers du thé. Un univers qui me touche énormément. Les personnes qui utilisent la céramique pour préparer et boire leur thé ont souvent un intérêt sincère et profond pour le travail du céramiste. C’est très enrichissa­nt. J’ai fait grâce à cela plein de très belles rencontres. Je pratique aussi beaucoup le thé dans mon quotidien. C’est comme une méditation pour moi mais elle est olfactive. J’adore observer les variations de mon corps en fonction des thés bus. Avant de rencontrer le thé, j’étais très attentive aux couleurs, aux matières, aux textures, aux formes mais pas à l’olfaction, aux odeurs.

Boire du thé c’est une façon de se rencontrer et de partager un temps qui est très beau.

Je n’arrive pas à tourner si je ne suis pas déjà en paix et dans une certaine forme de joie. Il faut déjà que je sois bien avec moi-même. Je pense que l’on a tous des formes inconscien­tes. Elles sont à l'intérieur de nous, il suffit de se brancher et la forme sort. J’ai tendance à faire des formes assez petites, fines et ouvertes.

Mon plaisir c’est de créer des variations. Je m'amuse à décliner énormément de matières et de couleurs. Je travaille par saison, en fonction de l’environnem­ent dans lequel je tourne.

La recherche d'émaux me prend beaucoup de temps et me passionne. Il faut trouver la recette. L'émail c’est tout un jeu et j’adore chercher mes émaux. Avant la cuisson tout est blanc, les couleurs ne se révèlent qu'une fois que la pièce a cuit. Pour trouver mes recettes, j'ai créé une méthodolog­ie. Tous mes bols sont numérotés et chaque bol est comme un test. J’ai une grande feuille sur laquelle je note à chaque cuisson tous mes bols et mes essais.

Un objet de thé artisanal apporte du jeu, du plaisir, de la finesse. Lorsqu'il est bien conçu, il permet d'infuser avec précision son thé

 ??  ??
 ??  ??
 ??  ?? Photograph­ies haut et bas © Brice Orjebin
Photograph­ies haut et bas © Brice Orjebin
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ?? Photograph­ie © Jeremie Logeay
Photograph­ie © Jeremie Logeay

Newspapers in French

Newspapers from France