Technologies
Une (R)évolution technologique nommée HANA
+ TERRA COMPUTER, SYNOLOGY, XYMOX System, ADDUNA, Content Square,
Stragis, Faveod, Nerim, Quadria.
Non, derrière ce nom aux consonances alémaniques ou slaves ne se profile pas une altière
Pasionaria de roman, mais un nouveau concept. Lequel concept s’appuie sur ce que dans le jargon
autorisé on appelle Technologie In-Memory. Aussi sophistiquée que révolutionnaire, cette plate-forme a pour objectif de rassembler à la vitesse de l’éclair des données utiles et en grande quantité afin de permettre aux entreprises de les exploiter de manière pertinente en temps réel. A l’origine de cette innovation, il faut chercher SAP. Si ce géant mondial de la réalisation et
de la vente de logiciels est loin d’être né de la dernière pluie en matière d’avancée du « Schmilblick »
sur le marché des logiciels de gestion d’entreprise, les spécialistes
s’accordent tout de même sur le fait qu’avec HANA, il réalise un sacré « coup de Trafalgar ». Décryptage …
Manhattan, 3 heures du matin. Hormis les néons des panneaux publicitaires et les éclats des bornes sur les toits des taxis formant comme autant de lucioles éblouies par la noirceur des ténèbres, les lumières semblent avoir comme été happées par cet univers de béton et d'acier. « The asphalte jungle » … « Quand la ville dort » pour reprendre le titre du film mythique du réalisateur John Huston. Même les bars et les boîtes de nuit paraissent en ces instants irrémédiablement assoupis. Pourtant, alors que dans les centaines de milliers d'appartements se profilant à l'horizon du plus cinématographique des quartiers de la « grosse pomme », le silence fait loi, une poignée d'hommes basés de l'autre côté de l'Atlantique s'agitent en d'expressionnistes chassés-croisés devant des écrans d'ordinateurs. Des rangées « d'étranges lucarnes » sur lesquelles défilent des milliards de données classées selon un code couleur défini en fonction de la consommation d'électricité des 700.000 foyers d'un Manhattan comme mis en télésurveillance. Des tonalités qui ne cessent de passer du jaune au rouge. Jaune pour une faible consommation d'énergie, rouge pour une consommation élevée … Sinatra a beau chanter que « tendre est la nuit », celle de New-York est jaune. Jusqu'à ce que l'aube et le retour à la vie ne fasse virer au rouge sang l'Upper Westside et le Rockefeller Center. New-York s'éveille avec, dans son
sillage, des flux et reflux de lumière et de bruit … On pourrait y voir là l'amorce d'un scénario du genre « C'est beau, une ville, la nuit » dont la voix enfumée de Richard Bohringer égrènerait les mots. Il ne s'agit pourtant en rien d'une fiction, mais de la manière ultra millimétrée avec laquelle la base de données HANA a pris le pouls de cette mégapole si (gl)amoureusement filmée par Martin Scorcese et Woody Allen. Le but ? Montrer le fonctionnement d'une cité en temps réel tout en indiquant l'heure à laquelle il est possible de basculer l'approvisionnement électrique d'une partie des foyers qu'elle abrite et de pouvoir ainsi réduire les dépenses en électricité et en gaz de 20%.
>> La simplification pour force
Une solution logicielle qui traite les données plus vite que l'ombre des développeurs ayant contribuée à sa naissance et dont la douce appellation d'HANA se révèle en fait un acronyme sous lequel il faut lire High-performance analytics appliance. Autrement dit, en langage décrypté, une plate-forme multifonctions donnant la possibilité aux entreprises tout comme aux administrations d'avoir à la fois une visibilité instantanée sur leurs opérations stratégiques et de les amener à pouvoir réagir rapidement à l'évolution de la conjoncture. Ainsi que le (re)mémorise fort à propos Didier Mamma, directeur de Database et Technologie chez
SAP France, cette
solution logicielle qui donne aujourd'hui un sacré coup de pied dans la fourmilière des éditeurs c'est Hasso Plattner, l'un des co-fondateurs de SAP AG, qui s'en avère le géniteur. « Il s'est basé sur son expérience de quarante ans au niveau des applications pour faire le constat qu'au regard de l'intensité avec laquelle les systèmes d'information étaient dorénavant utilisés, les technologies existantes devenaient un vrai frein à l'innovation et même à l'expérience utilisateur ». Et Didier Mamma de prendre l'exemple de la Business Intelligence pour souligner combien sa mise en oeuvre au seul motif de performance ne représentait plus aucune valeur tangible du côté de l'utilisateur. « On va y mettre en effet les données de ce que l'on appelle chez les anglo-saxons un DataWarehouse, autrement dit un entrepôt de données. Sauf qu'une fois cette opération effectuée, on s'aperçoit alors qu'il y en a une telle masse qu'au regard des technologies actuelles, il devient quasi impossible de les croiser. D'où la nécessité pour l'utilisateur de recourir d'abord à la réalisation de sous-segments que l'on appelle des Datamart avant d'avoir à refaire encore une autre sous-segmentation, Sésame indispensable pour procéder enfin à de l'analyse ». Bref, une architecture de mise en oeuvre de la Business Intelligence aussi complexe à appréhender pour le néophyte que l'alphabet chinois tout en induisant des coûts élevés. Une problématique de la complexité que cette tête chercheuse d'Hasso Plattner n'a eu de cesse de vouloir définitivement gommer. Une complexité accrue par le fait qu'il co-existait deux mondes à part entière au sein de l'entreprise : celui du transactionnel et celui de l'analytique. « Plattner s'est demandé de quelle manière il était possible de faire rejoindre ces deux mondes en simplifiant les process » poursuit Didier Mamma. « Surtout qu'avec l'avènement de la mobilité, nous consommons de plus en plus de la donnée en temps réel. C'est de ce constat qu'a surgi le concept d'HANA ». Une idée visionnaire dont les prémisses remontent en 2006 et voulue par son « père » comme une page blanche dont le principe consistait à repartir complètement de zéro par rapport aux technologies en application. Il faudra tout de même attendre jusqu'à 2011 pour que SAP mette réellement en orbite sur le marché sa plate-forme d'un nouveau type dans la mesure où, si Hasso Plattner nourrissait un florilège d'innovations autour de la base de données, il sentait bien qu'un lancement trop
précoce par rapport à une sphère des nouvelles technologies en mutation incessante priverait son « bébé » d'éléments essentiels à sa croissance. Des éléments alors encore embryonnaires comme la mobilité, le temps réel, le Big Data …
>> Le temps réel pour point d'orgue
Structurellement parlant, le concept HANA peut être symbolisé à la manière d'une hydre à trois têtes. La première a trait à une simplification afin d'accorder une place de choix à la performance. «La visibilité sur son business diminuant de plus en plus avec la crise, l'entreprise a un besoin vital de pouvoir réagir en temps réel » souligne Didier Mamma. Une nécessité faisant désormais loi et qui induit par là-même la mise en oeuvre d'outils qui ne soient plus seulement efficaces, mais également et surtout efficients. En clair, de simplifier avec la proposition d'une solution multifonctions capable de servir de réceptacle à la fois de données pour l'analytique, de données pour le transactionnel, de données structurées et non structurées. Une véritable planche de salut afin que les entreprises puissent se livrer dorénavant sans fausses notes à du croisement de données grâce à une administration centralisée et une plate-forme complètement intégrée. Le second axe se rapporte à une accélération afin d'une part, de réduire le temps d'accès aux données en pouvant tout mettre en mémoire rapidement, d'autre part en utilisant les nouvelles architectures des processeurs. La troisième facette d'HANA vise à l'expérience utilisateur proprement dite en mettant l'accent sur ce que les professionnels nomment la data ready, autrement dit la donnée toujours prête en temps réel et en mobilité. Trois têtes dont la conjugaison aboutit, assure notre expert, à une mise en oeuvre relativement simple de la très élaborée plateforme. « Du moins, elle s'avère relativement simple sur l'aspect analytique. En revanche, elle se montre plus complexe sur l'aspect transactionnel dans la mesure où il faut que les transactions se doivent d'être correctement programmées pour que la puissance de la plate-forme puisse exprimer tout son potentiel ». Un écueil que SAP commence progressivement à aplanir en portant HANA sur sa gamme d'applications de gestion intégrées destinées à aider les grandes et moyennes entreprises à déployer leurs stratégies informatiques et commerciales, connues dans le cénacle des initiés sous le nom de Business Suite. Evidemment, se posent encore des problématiques d'adaptation dans la manière dont le code Business Suite a été réalisé afin de pouvoir appeler les fonctionnalités et les données stockées dans HANA. Néanmoins, le process en lui-même fonctionne désormais sans ratés. Reste donc à patienter, le temps que SAP optimise les quelques milliers de process (pouvant être d'Oracle, d'IBM et, plus rarement, de Microsoft) sur lesquels nombre d'entreprises qui sont ses clientes s'appuient du point de vue base de données.
>> La France encore timorée à l'adopter …
Pour l'heure, au chapitre de l'implantation d'HANA dans les entreprises à l'international, celles des pays scandinaves culminent largement en tête. Loin d'être en reste, les Etats-Unis, l'Asie, l'Afrique du Sud et l'Asie plébiscitent largement ce souffle d'innovation amené par HANA. Viennent ensuite l'Angleterre, le Bénélux, l'Allemagne, les Pays-Bas et, bien endessous, l'Italie et l'Espagne. La France dans ce classement ? « Elle arrive pour l'instant en dernière position. Ce qui s'explique par une caractéristique bien hexagonale consistant en une non tolérance à l'échec. D'où des échanges difficiles, y compris avec de brillants esprits, sur le fait qu'innover signifie prendre des risques susceptibles de déboucher sur un échec. Je vois bien alors les réticences se profiler. Pourtant, toute la question est de savoir quel est le plus grand risque : ne rien faire ou prendre le risque d'échouer ? » analyse Didier Mamma. Et celui-ci d'aller plus avant dans son argumentaire : « Le problème en France tient au fait que nos élites considèrent les systèmes d'information comme un mal nécessaire sans voir que les technologies de communication s'avèrent un véritable avantage concurrentiel et un moyen d'inventer de nouveaux modèles économiques. En cela, HANA constitue une révolution dont la plus grande valeur ne réside pas dans l'aptitude à résoudre ce que l'on rencontre comme problème aujourd'hui, mais dans le champs des possibles que cette plate-forme ouvre ». Des réticences toutefois allègrement dépassées du côté de groupes tels que Vinci Energies qui s'appuie sur HANA pour renforcer sa Business Intelligence. Ou bien encore Faurecia qui a reformulé son pilotage ainsi que la gestion de sa production et de ses approvisionnements via la solution de SAP. Manière d'étendre son champs d'action auprès des entreprises de taille plus modeste, l'éditeur n'a pas hésité à lancer en septembre 2012 le programme « SAP Start-up Focus » par lequel il propose à une sélection de start-up françaises innovantes dans le but de tester gratuitement pendant un an sa plate-forme de développement In-Memory.
>> Des perspectives infinies
Quant à la question portant sur la sécurisation des données et la fiabilité d'HANA par rapport à celle-ci, Didier Mamma estime que la plateforme SAP ne présente pas davantage de risques de failles que les autres systèmes existants, même si sa dimension In Memory fait que les données persistent avec le risque de pouvoir les copier sur des supports disque dur. « Néanmoins, comme avec HANA il existe une intimité renforcée entre le processeur et la donnée, je pense que dans l'avenir, nous aurons une meilleure sécurisation des données que dans les approches classiques. Mais à dire vrai, il ne s'agit pas là du point qui préoccupe le plus les entreprises françaises. En fait, ce sont essentiellement l'accroissement de la donnée et le coût que sa gestion occasionne qui constituent leurs préoccupations majeures. C'est la raison pour laquelle SAP a inventé la real time date plateform qui permet d'approvisionner les données lorsque l'entreprise va les consommer, si j'ose dire, en temps réel ». Justement, sur le plan de son coût, si HANA représente au départ pour l'entreprise un investissement plus élevé que les technologies aujourd'hui banalisées en raison de son caractère d'appliance In Memory, la compression que cet outil permet aboutit, au final, à de sacrées économies tant en termes de matériels que de temps. Et comme tout entrepreneur avisé le sait parfaitement, « le temps c'est de l'argent » …