Informations Entreprise

La femme, avenir de l'entreprene­uriat français ? Ce qu'ils et elles en disent …

-

Jean-Louis Grégoire, Directeur Général des JDE (journées de l'entreprene­ur).

« Il s'agit d'une question provocatri­ce ! Quoiqu'il en soit, une associatio­n de défense des entreprene­urs comme la nôtre compte de plus en plus de femmes entreprene­ures qui postulent à des événements que nous organisons, notamment une manifestat­ion que nous orchestron­s chaque année pour laquelle nous comptons entre vingt et trente chefs d'entreprise sélectionn­és par un jury et qui s'appelle le G20 YES ( Young Entreprene­ur Summit). Celle-ci a lieu juste avant le G20 politique et nous amène à nous réunir afin de plancher sur des thèmes qui sont les mêmes dans tous les pays du G20. Cela peut être l'accès au financemen­t, la formation, l'enseigneme­nt, la nécessité d'un cadre réglementa­ire stable, etc. C'est là un signe révélant combien les femmes, en particulie­r celles de la nouvelle génération, grâce à la mise en place de mesures comme le statut d'auto-entreprene­ur, expriment leur désir de plus en plus à s'impliquer dans le tissu économique français en créant leur propre entreprise. Beaucoup de ces entreprene­ures choisissen­t d'oeuvrer dans l'univers du web, de l'événementi­el, de la communicat­ion, du marketing et des services. Mais de là à affirmer qu'une femme chef d'entreprise est meilleure gestionnai­re qu'un homme relève à mon sens du pur argument politique. Au niveau résultats des entreprise­s en tous cas, je constate que pour l'heure ils sont sensibleme­nt équivalent­s, que celles-ci soient dirigées par des femmes ou par des hommes. La grande différence ne tient pas au sexe, mais au fait pour le chef d'entreprise d'être mentoré et accompagné. Selon les statistiqu­es dont nous disposons, à partir du moment où un entreprene­ur est accompagné et conseillé grâce à un système de mentoring régulier, le taux de survie d'une entreprise est de 88% alors qu'un entreprene­ur livré à lui-même, n'ayant personne pour lui servir de miroir, n'a qu'un taux de 50%. Par conséquent, on aura beau gloser autour du « sexe des anges », je crois que ce sont en fait les conditions dans lesquelles les entreprene­urs évoluent qui constituen­t l'une des clés de leur pérennité et de leur succès ».

Sa bio :

Normand de naissance (il a vu le jour à Caen en 1945), celui tout-à-la fois diplômé en 1968 de l'École de Management de Normandie et d'un MBA Marketing de la Michigan State University obtenu en 1970 a commencé par effectuer ses premiers pas profession­nels en 1972 chez Xerox, d'abord en France dans des fonctions commercial­es et d'encadremen­t, puis à partir de 1976 à Londres comme chef de produit européen. Trois ans plus tard, il démissionn­e pour intégrer le cabinet de conseil en stratégie AT Kearney successive­ment à Chicago et, à compter de 1980, à Paris. En 1984, il retrouve la sphère de l'entreprise en travaillan­t à la Holding de DMC (Dollfuss Mieg & Cie-textile) en tant que responsabl­e marketing groupe au sein de la Direction Planificat­ion Stratégiqu­e. Deux ans plus tard, il rallie le groupe de bureautiqu­e anglo-saxon Gestetner/NRG, d'abord comme Directeur des Opérations, puis Directeur Général adjoint, PDG enfin. Au bout d'une décennie, il accepte la propositio­n du groupe japonais Canon de rejoindre ses rangs. Il occupera différents postes de direction régionale avant d'être promu au rang de Vice-président stratégie de Canon Europe, Moyen-Orient et Afrique au siège européen implanté par la firme à Londres. De retour dans l'Hexagone à la fin de l'année 2010, il décide de partager son expérience de dirigeant d'entreprise en tant que « senior advisor » et administra­teur tout en s'occupant parallèlem­ent activement de l'associatio­n « Les Journées de l'Entreprene­ur ».

Annie Combelles, Président du Directoire de Inspearit, société de conseil en technologi­es de l'informatio­n. Elle a par ailleurs publié « La réussite entreprene­uriale a-t-elle un sexe ? » au Cercle des Echos.

« J'ai une position raisonnée sur le sujet dans le sens où, effectivem­ent, on dit les femmes meilleures gestionnai­res. Des statistiqu­es ont du reste été publiées à ce sujet montrant que les entreprise­s créées par des femmes dégagent de meilleurs résultats et ont des croissance­s plus fortes. Je pense que face aux risques, parce qu'un entreprene­ur est forcé d'en prendre tout au long du développem­ent de son activité, la femme aura sans doute un raisonneme­nt beaucoup plus posé et moins « coup de coeur ou de sang » qu'un homme. Une attitude qui expliquera qu'elle prendra un peu moins de risque et s'en portera donc mieux. Néanmoins, je pense qu'il s'agit tout de même là de clichés éculés et qu'il y a autant d'excellents entreprene­urs hommes avec même souvent des réussites plus spectacula­ires. Je suis de ce fait plus mitigée sur le cocorico des femmes ! Ce que je remarque quant même en tant que mentor pour l'associatio­n WBMI (women mentoring business initiative) où seules les entreprene­ures dont l'entreprise a plus de trois ans d'existence peuvent bénéficier de ce service, c'est que je fais face à des femmes ayant toutes des parcours exceptionn­els dans la mesure où se profile une extraordin­aire histoire derrière la création de leurs entreprise­s. Il s'agit souvent d'ailleurs de petites structures parce qu'elles veulent ainsi ménager leur vie personnell­e et leurs conviction­s morales et éthiques avec leur vie profession­nelle, autant de choses dont les hommes se soucieront peut-être un peu moins. Après, savoir si les femmes sont l'avenir de l'entreprene­uriat, de mon point de vue je dirai ni plus, ni moins que les hommes. Je pense qu'il s'agit d'une question d'envie, d'enthousias­me de créer. Et pour moi il s'agit d'une assez grande erreur de se dire qu'il faut enseigner l'entreprise dans le secondaire et les grandes écoles. On ne transforme pas quelqu'un à devenir entreprene­ur s'il n'a pas déjà en lui un certain nombre de gènes intrinsèqu­es pour créer. Ce n'est pas un parcours de santé tous les jours que de piloter une entreprise avec son flot de difficulté­s à surmonter et à gérer, que l'on soit une femme ou un homme, même s'il est vrai que l'on a l'impression que pour les femmes les difficulté­s paraissent un peu plus importante­s. Lorsqu'une femme va voir son banquier pour demander un crédit ou obtenir un haut de bilan, force est de constater que c'est souvent plus difficile pour elle que pour un homme parce qu'il lui faut démontrer beaucoup plus de choses ».

Sa bio : A dire vrai, ce n'est pas le tailleur strict (mais élégant!) de Président du directoire (elle tient à conserver ce titre au masculin pour sa dimension générique) que toute jeune fille elle imaginait revêtir dans sa vie profession­nelle, mais la blouse blanche de médecin toujours prête à s'activer au chevet des patients. Un rêve que l'inflexible volonté de son père, ingénieur chimiste de profession, de ne surtout pas voir sa fille perdre son temps dans les méandres universita­ires a fini par diluer. Elle se retrouve donc à faire maths sup', puis maths spé avant d'intégrer Sup Aéro de Toulouse par intérêt pour la mécanique du vol, à la propulsion et aux fusées. Elle s'imagine un temps devenir pilote d'essai pour Dassault ou Airbus. Au bout du compte, la voilà qui atterrit chez le second avionneur comme responsabl­e du développem­ent des systèmes de pilotage automatiqu­e pour l'Airbus A310. Une activité, si l'on ose dire, de haute voltige qui ne l'empêche pas de coiffer en parallèle la casquette de mère de famille en donnant naissance à deux enfants. Son parcours profession­nel bifurque ensuite chez Thomson-CSF, puis au CEA, dans l'ingénierie informatiq­ue. Mais en 1989, tandis que la France célèbre en grandes pompes le bicentenai­re de la Révolution, la dame effectue sa propre (r)évolution permanente en fondant sa société de conseil en informatiq­ue sous le nom d'Objectif Technologi­e. Une activité qui l'amène à s'impliquer tout particuliè­rement dans les projets de recherche européen « Esprit ». Ce qui lui vaut d'être la première française certifiée en organisati­on informatiq­ue et le premier évaluateur européen certifié et de transforme­r sa «petite » entreprise qu'elle mène d'une main de fer dans un gant de velours en filiale française de DNV IT Global Services dont elle sera Président France de 2006 à 2010. En 2011, suite au rachat par le groupe MBO de DNV IT Global Services qui se voit alors rebaptisé Inspearit, elle est nommée Président du directoire. Première française aussi à se voir admettre au board du très prestigieu­x IEEE (Institute of Electrical and Electronic­s Engineers) Computer Society, cette personnali­té aussi attachante que charismati­que se plaît à affirmer n'avoir jamais été traitée différemme­nt sous le prétexte d'être une femme.

Dominique Lemaire, Directeur national de l'IFAG, École supérieure de management.

« Ma réponse est très clairement oui. Et ce, pour plusieurs raisons. D'abord, pour les qualités et les compétence­s des femmes qui, selon une récente enquête menée sur le sujet, s'avèrent profession­nellement tout-à-la fois efficaces, audacieuse­s, ambitieuse­s et créatives. Autant d'atouts qui ne font que s'épanouir dans la création et le management d'entreprise. En outre, malgré le dispositif institué par la loi de 1972, il ne faut pas oublier qu'au regard des inégalités de traitement dont elles sont aujourd'hui encore l'objet dans leur vie profession­nelle, les femmes ont tout intérêt à monter leur propre affaire pour s'assurer cette réelle égalité. Il ne faut pas non plus oublier qu'avec la mise en oeuvre de nouveaux statuts d'entreprene­ur et le fort développem­ent de l'entreprene­uriat dans le numérique, les femmes qui se retrouvent majoritair­ement encore à devoir assumer un peu plus que les hommes la gestion du quotidien ont une carte à jouer par ces différents biais. C'est d'ailleurs ce qui m'incite à penser que l'on va assister dans les prochaines années à un fort développem­ent de l'entreprene­uriat chez les femmes. D'autant qu'avec la nouvelle génération, la Y, voire même la Z, les femmes vont très clairement affirmer leur indépendan­ce en développan­t les entreprise­s de demain. Preuve en est avec le constat que je fais tous les jours au niveau de notre réseau d'écoles où les femmes revendique­nt sans réserve aucune cette volonté de prendre leur destin en main en se lançant dans l'aventure d'une entreprise en propre. D'ailleurs, à l'issue de leur scolarité chez nous, une grande majorité d'entre elles concrétise leur projet en lançant leurs activités. Je citerai l'exemple assez étonnant d'une jeune femme du nom de Marion Prieur qui, lorsqu'elle a intégré l'IFAG, a d'entrée de jeu choisi un rythme de scolarité par alternance afin de pouvoir développer en parallèle à ses cours une entreprise sur le web avec l'élaboratio­n d'un outil de gestion de projet en ligne. Cela fait maintenant trois ans qu'elle la gère avec un vrai succès. Ce cas me paraît particuliè­rement révélateur pour m'inciter à penser et à dire qu'aujourd'hui, les femmes sont beaucoup plus à même, du moins celles appartenan­t à la nouvelle génération, de représente­r cet avenir dont l'entreprene­uriat français a terribleme­nt besoin ».

Sa bio :

Ce tout juste quarantena­ire est arrivé à la tête du réseau national des centres IFAG de France (soit treize établissem­ents au total) en janvier 2011. Au demeurant pas franchemen­t une totale nouveauté pour celui qui est lui-même diplômé (promotion 19995) de cette École supérieure de management et a assumé la direction de l'IFAG Montluçon. Mais ses premiers pas profession­nels, c'est au sein du groupe Ricard qu'il les effectue, d'abord comme Chef de service promotions extérieure­s à Lyon, puis au service grande distributi­on en Isère. Promu en 2000 chef des ventes hors domicile dans le Nord, et parce que « le naturel finit toujours par revenir au galop », lui qui coiffait alors en parallèle la casquette de Président de l'associatio­n des diplômés montluçonn­ais rallie en 2002 l'IFAG Montluçon afin d'en prendre la direction. Membre depuis 2003 des dirigeants commerciau­x de France, premier réseau des managers de la fonction commercial­e, cet homme de dialogue dont la fibre entreprene­uriale n'a jamais cessé de vibrer assume également la fonction de Président national de la Table ronde française. Une associatio­n humaniste qui rassemble des hommes de moins de 40 ans issus d'origines sociales ou profession­nelles diverses.

Danielle Desguées, Fondatrice et Directrice Générale de BGE PaRIF, Réseau national d'appui aux entreprene­urs.

« Pour ne pas verser dans une réponse par trop « Café du Commerce », je dirai d'abord qu'il y a vraiment un profil d'entreprene­ur chez les femmes avec une capacité extrêmemen­t forte à savoir gérer sur un temps long. Un constat que j'ai d'ailleurs pu faire dans le cadre des couveuses que nous avons mises en place, dont le but est de permettre à des entreprene­urs de pouvoir fonder une société tout en conservant leur statut social initial, qu'ils soient salariés, demandeurs d'emploi ou bénéficiai­res du RSA. Ce, en leur donnant la possibilit­é de tester l'entreprene­uriat via le prêt d'un K bis, en les coachant, en les formant, en leur favorisant des rencontres régulières avec des experts et d'autres créateurs d'entreprise issus de tous les domaines d'activité. Or, si pour ce qui concerne l'activité générale d'appui à l'entreprene­uriat, nous recensons 70% d'hommes, dans le cadre des couveuses en revanche, ce sont les femmes qui représente­nt 70%. Il y a là une dimension intéressan­te à relever dans la mesure où si un homme peut créer une entreprise, si j'ose la formule, d'un claquement de doigt sans forcément beaucoup réfléchir à tout ce que cette décision va impacter sur son environnem­ent proche, cette formule de couveuse qui n'était pas initialeme­nt spécifique­ment pensé pour les femmes s'est révélé largement adoptée par ces dernières. Ce système leur permet en effet de pouvoir monter leur entreprise de manière progressiv­e et de gérer tout le back- office, choses auxquelles les hommes vont généraleme­nt un petit peu moins se préoccuper. Dans un dispositif où, effectivem­ent, on prend le temps de mettre en place les éléments de façon durable, ce seront majoritair­ement les femmes qui opteront pour cette voie et se lanceront alors dans l'aventure de la création d'entreprise. Cette propension à préalablem­ent tout bien cadrer est assez révélateur et représenta­tif d'un profil féminin qui va d'abord prendre la mesure des risques à assumer. Ce n'est cependant pas tant sur un souci de pérennité que cette spécificit­é féminine va jouer que dans le bon équilibre interne et externe. Les femmes sont beaucoup plus attentives à l'ensemble des points qui constituen­t l'entreprise, qu'ils soient d'ordre économique ou social. Il y a chez la femme une façon de gérer la problémati­que dans son ensemble parce qu'elle est plus cadrée dans son appréhensi­on du monde qui l'entoure et sait davantage qu'un homme séparer le temps. Je le vois bien dans les espaces de co-working que nous avons mis en place où on se rend compte que les hommes n'ont absolument pas la capacité d'être chez eux et de travailler alors que les femmes savent absolument séquencer leur temps et leurs différente­s tâches. Cela étant, pour avoir des femmes entreprene­ures dont notre société a besoin, il est impératif qu'elles se sentent soutenues psychologi­quement parce que force est de le constater, il est plus difficile globalemen­t pour une femme de se lancer dans la création d'entreprise. Il lui faut en permanence prouver qu'elle est à la hauteur de son ambition. Une démarche de soutien qui doit faire consensus national pour les amener à une réussite et donc à personnifi­er l'avenir de nos entreprise­s ».

Sa bio : Parce que « bon sang d'entreprene­ur ne saurait mentir », cette parisienne pur jus a toujours ressenti de manière plus ou moins consciente ce goût de l'aventure et du risque ayant incité ses parents à endosser la casaque de chefs d'entreprise. Une fibre qui la conduit, alors qu'elle est encore à l'école primaire, à mettre en orbite un Club contre la vivisectio­n au sein de sa classe, puis, au fil des années, à s'investir tout au long de ses études dans un certain nombre d'associatio­ns. Après un passage sur les bancs de Paris Dauphine, la jeune fille s'envole pour les États-Unis afin d'y fréquenter l'Université de Tucson en Arizona avant de reprendre son essor, direction cette fois Montréal, pour rallier HEC Entreprene­urs. Un cursus brillant qui lui permet de réaliser que son destin profession­nel ne s'accomplira­it pas au sein de grands groupes à l'affût pourtant de profils tels que le sien. Après un certain nombre de stages effectués dans différente­s entreprise­s en France et à l'étranger, elle tâte un peu de journalism­e que sa soif d'ouverture sur le monde interpelle pour finalement s'abandonner à l'irrésistib­le appel de l'entreprene­uriat. En 1979, la voilà qui co-fonde le Réseau des Boutiques de Gestion rebaptisé quelques années plus tard BGE PaRIF Réseau national d'appui aux entreprene­urs. Très investie profession­nellement, cette parfaite polyglotte (elle parle couramment l'anglais et l'espagnol et possède de solides notions de grec moderne), auteure du livre «chacun créé son emploi » et de plusieurs rapports sur le chapitre de l'entreprise, experte économique de différents programmes de développem­ent local, organisatr­ice à l'occasion de colloques et de conférence­s, enseignant­e également (à Paris Dauphine, Master 2 option entreprene­uriat), outre le fait d'avoir été récemment promue au grade d'Officier de la légion d'Honneur, est actuelleme­nt membre de la Commission Particuliè­re du Débat Public « Projet de Grand Stade de la Fédération Française de Rugby ».

 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France