Infrarouge

Akrame, c’est champagne !

- Par Judith Spinoza

C’est armé de son seul prénom, signifiant « plus que généreux » en arabe, qu’Akrame, 37 ans, deux étoiles au Michelin, offre à la gastronomi­e le goût de la tradition panaché de concepts créatifs puissants. Pour Infrarouge, il dévoile une recette et raconte sa vie.

Noire. Profonde. Brute et animale. C’est la signature d’Akrame Benallal. Une force et une densité très masculines que l’on retrouve dans ses plats signatures aux goûts marqués – ananas au charbon, homard cuit dans un tube –, dans la décoration sombre de son restaurant gastronomi­que de la rue Tronchet, près de la Madeleine, et dans son tempéramen­t. À 24 ans, il postule pour travailler auprès de Ferran Adrià (El Bulli). « J’ai juste envoyé un mail, parmi 4 000 autres candidats. Quand j’ai reçu une réponse favorable, je ne me suis pas posé de questions : je suis parti avec mon sac à dos et j’ai dormi sur la plage, en Espagne. » Comme tout chef, ce Franco-Algérien va droit au but.

Façon torero, il mâte la bête, tord la cuisine traditionn­elle, pour la recracher à sa sauce, entre expérience­s et créations culinaires : ris de veau au Campari ou SaintJacqu­es accompagné­e de champagne. « Le champagne n’est pas qu’un esprit de fête, c’est un accord qui peut se faire autour d’un plat, à condition que l’expérience surprenant­e se double de cohérence. » Son ivresse, c’est la créativité, et il l’a baptisée « tradinnova­tion ». « Je n’ai jamais copié. Créer n’est pas copier. Ici, nous sommes dans un atelier de création de cuisine, avec nos bases bien à nous – classiques –, sur lesquelles j’interprète. »

Haute couture et prêt-à-porter culinaires

Résultat ? Celui qui affirmait « avoir de grands rêves » les a en partie réalisés. Après son passage chez Adrià en 2004, il enchaîne avec Gagnaire. En 2011, après l’ouverture de l’Atelier d’Akrame, à Tours, il s’installe à Paris en reprenant l’un des bistrots de Guy Savoy, rue Lauriston. Consacré « Grand de demain 2011 » par le Gault et Millau, le jeune chef gagne sa première étoile Michelin un an plus tard, puis une seconde en 2014. Hong Kong en 2013, Bakou en 2014, Shanghai en 2017, et toujours Paris, bien sûr, avec le Shirvan, autour du thème de la Route de la Soie, et Akrame, son premier restaurant gastronomi­que. Le voilà aujourd’hui à la tête de huit établissem­ents, dont trois corners au dernier étage du Printemps du Goût.

Le résumé est rapide pour vingt-deux années de carrière, durant lesquelles cette machine à concepts n’a cessé de mêler haute couture et prêt-à-porter culinaires. « Quand tu es chef, il faut savoir faire les deux – des tartines comme du trois étoiles. Être capable de mettre son savoirfair­e au service de tout le monde, donc défendre le goût et des prix justes, en rapport avec ce que tu as dans ton assiette. » C’est ce concept qu’il porte avec les Ateliers Vivanda (bistrots à viande). « On me traitait de fou, mais faire des restos en gardant les pieds sur terre, en faisant moins de marge mais plus de volume, c’est important. » C’est d’ailleurs cette intelligen­ce culinaire qu’Akrame transmet à sa brigade. « Je leur dis d’être justes, de cuisiner avec le coeur et avec les bons prix. Après, c’est facile de réussir », explique-t-il avant de poursuivre : « J’aime être le sage, celui qui apporte du recul. On n’est pas plus performant si on stresse. Dali disait : “Ne cherchez pas la perfection, elle n’existe pas.” » Sauf chez Akrame, qui la touche du doigt.

Akrame, 7, rue Tronchet, 75008 Paris. Tél. : 01 40 67 11 16. akrame.com

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