Fan de... bleu
Pour ce numéro, l’inspiration m’est venue alors que j’étais en train de poncer mon parquet. Non, ce n’est pas la ponceuse qui a attiré mon intérêt, mais mon « bleu ». Ce bon vieux bleu de travail, ou bleu de chauffe, qui rhabille aujourd’hui les filles co
S’il a connu son heure de gloire avec la révolution industrielle, colorisant en bleu de Prusse les travailleurs des usines et des ateliers, c’est devenu une chasse au trésor de trouver le sien. Les jours de chance, on en déniche en friperie, au choix en version veste, salopette (les pros disent « cotte ») ou combinaison. Certes, ils peuvent être délavés ou rapiécés, ce sont des vêtements qui ont vécu, et c’est justement leur beauté. Il n’y a pas que moi qui le dis, la preuve : le « bleu » est devenu une source d’inspiration pour les stylistes.
Le mois dernier, Louis-Marie de Castelbajac exposait une collaboration unique en son genre avec la marque Lafont, le fabricant historique de vêtements de travail. En 1844, 50 ans avant Levi Strauss & Co. et l’uniforme denim des travailleurs américains, Lafont lançait la veste de charpentier bleue, la Coltin (celle que porte Pharrell Williams dans son clip Freedom). Avec sa collection « Lafont 1844 », Louis-Marie propose quinze modèles de bleus d’époque revisités – vestes, chemises ou combinaisons, pour homme et femme, de différentes couleurs (oui, le « bleu » n’est plus toujours bleu) – et intégralement fabriqués en France.
Au concept-store Front de Mode, faites la rencontre d’une pionnière de la mode éthique : Sakina M’Sa. En réponse à notre société de consommation qui jette à tout-va, ses créations sont toutes réalisées à partir de tissus récupérés, notamment auprès de maisons de couture. Mais son matériau préféré – si vous avez compris le thème de cet article – c’est bien sûr… le bleu de travail. En 2010, elle recycle d’anciens bleus récupérés chez Emmaüs pour son exposition « Bleutotype » au Centquatre, une manière pour elle de rendre hommage à ces gens de l’ombre qui travaillaient en ce lieu (le Centquatre abritait jusqu’en 1997 les pompes funèbres de Paris). En 2015, elle lance sa collection « Blue Line », toujours à base de bleus recyclés : doudounes et vestes mixtes, robes et pantalons arborant ce bleu si reconnaissable et si chargé de sens.
Petit détail qui a son importance : ce n’est pas parce que vous portez un « bleu » que vous maîtrisez une ponceuse. Personnellement, j’ai tellement réfléchi à cet article que j’ai fait un trou dans mon parquet…