Infrarouge

Les glaciers gastronomi­ques, la nouvelle toquade 2019

Après la reconnaiss­ance bien méritée des pâtissiers, la foodosphèr­e a jeté son dévolu sur les glaciers. Peu sensibles jusqu’alors à ce savoir-faire, les citadins en ont fait le top du snobisme gastronomi­que.

- Par Laurence Gounel

Longtemps resté un rituel de vacances ou d’Américains en short, le cornet (re)prend du galon sur le bitume français. Et, canicule oblige, le phénomène promet d’être à la hauteur des températur­es… L’année dernière déjà, David Wesmaël de La Glacerie Paris, Meilleur Ouvrier de France dans la catégorie, avait rallié à sa cause la crème des becs sucrés. Un MOF glacier ? On n’y avait même pas pensé. Résultat, La Maison du Chocolat lui a demandé cette année de rafraîchir le label et de traduire le plus fidèlement possible son savoir-faire tout chocolat…

L’amour de l’art

En la matière, la culture de monsieur Tout-le-Monde avoisinait jusqu’ici le zéro, avec pour référence les sorbets Berthillon quand il s’agissait d’épater la galerie au plus fort de l’été, les glaces italiennes de la chaîne Amorino pour le quotidien, avec ses parfums originaux et parce que ce fut l’une des premières du genre à travailler des produits naturels, sans arômes artificiel­s ni colorants. Bref, c’est à peine si les puristes poussaient la balade jusque chez Pozzeto (39, rue du Roi de Sicile,

75004 Paris), seul vrai glacier italien digne de ce nom au goût des palais transalpin­s. Douze parfums fabriqués chaque jour dans les règles de l’art, dont la Gianduia Torinese aux noisettes du Piémont et la Fior di Latte. À base de fruits de saison, de lait frais et conservés dans les fameux pozzetti en alu, qui garantisse­nt une températur­e et une texture idéales. Itinéraire bis : Martine Lambert, autre école très respectabl­e made in Normandie, avec des fruits de saison, des sorbets 100 % terroir issus des vergers de la maison et garantis sans pasteurisa­tion. « Le marché des glaces est en croissance constante, mais c’est vrai qu’il n’est pas à maturité, il y a encore peu de références », confie Stéphane Raymond-Bernardé, tout dernier arrivé sur le mercato givré avec Glacier 1891 (59, rue du Faubourg-Poissonniè­re, 75009 Paris). Un concept original initié par cet enfant du sérail (la famille Gavillon oeuvre dans la gastronomi­e depuis 1891, avec la maison Dalloyau notamment), qui a carrément ouvert son appartemen­t à la dégustatio­n. Au-dessus de la boutique, on s’installe confortabl­ement comme dans son propre salon, sur le canapé en velours et face à la cheminée, pour déguster l’une de ses monakas qu’il fait venir du Japon (petites gaufrettes entre lesquelles on glisse de la glace pour déguster le tout comme un sandwich) aux parfums inédits, poivre Sanshō-citron, avocat, café au lait – et turbinés chaque jour pour conserver la part d’eau indispensa­ble à l’onctuosité d’une bonne glace. Stéphane Raymond-Bernardé nous l’explique : « J’avais envie de faire du bon, et pas seulement pour trois mois. En développan­t les desserts glacés, en part individuel­le (pavlova, chou à la fraise, etc.), je voulais satisfaire tous ceux – de plus en plus nombreux, moi compris – qui n’ont plus forcément envie d’un gâteau en fin de repas, quelle que soit la période de l’année. J’avais aussi envie d’associer définitive­ment la glace à l’élégance, et pas forcément à quelque chose de régressif. En travaillan­t des matières premières d’exception et en mettant à dispositio­n ma propre salle à manger : fraîche, ultradéco, dans laquelle on a envie de se poser pour profiter pleinement d’un moment de gourmandis­e. »

Parfums de saison et créations insolites

Effet boule de glace, Zéro Degré débarque lui aussi sur le marché (13, rue de l’Ancienne Comédie, 75006 Paris) avec des glaces ultragastr­onomiques, turbinées à la minute avec une machine innovante garantissa­nt une texture au fondant incroyable, et avec des recettes signées pour cette première année par le chef étoilé William Ledeuil. Même Verlet – le plus vieux torréfacte­ur de Paris – lance en grande pompe trois recettes glacées créées à partir de ses propres cafés d’exception (dont le fameux Kopi Luwak) avec le MOF Emmanuel Ryon pour Une Glace à Paris. Tout aussi gastronomi­que et exclusive : sa Plombière avec les fruits confits de la Maison Lilamand. Même initiative fraîcheur chez Jacques Genin, chocolatie­r star du haut Marais, qui inaugure ses « plaisirs en série » avec des glaces à la minute. À la clé ? Des parfums de saison et des créations insolites, comme le poivre de Sichuan ou le pamplemous­se aux baies de genièvre (en attendant la barbe à papa et la pomme d’amour), le tout travaillé artisanale­ment et avec minutie dans son laboratoir­e situé juste au-dessus. Au point d’apporter un même soin de gastronome averti aux cornets, qui alterneron­t les croustilla­nts au fil des jours. L’institutio­n À la Mère de Famille, qui met tout son savoir-faire de chocolatie­r au service d’esquimaux totalement addictifs, n’en demeure pas moins puriste quand il s’agit de fabriquer dans ses ateliers ses « esquimaux pur jus », aux fruits sélectionn­és par un primeur MOF et travaillés sans colorants, sans conservate­urs ni arômes… juste avec de gros morceaux de pâte de fruits naturelle. Kiffomètre au max. L’été 2019 ? Le feu sous la glace.

 ??  ?? Maison du Chocolat
Maison du Chocolat
 ??  ?? Verlet
Verlet
 ??  ?? À La Mère de Famille
À La Mère de Famille
 ??  ?? Glacier 1891
Glacier 1891
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France