Infrarouge

FRÉDÉRIC MALLE, UN DANDY PLEIN D’AUDACE

Homme de goût, ce Français installé à New York s’est imposé au fil des années comme le pape d’une parfumerie classieuse et érudite, fantaisist­e et inventive.

- Par Lionel Paillès

Sur photo, il a ce charisme un peu distant et sans faux plis des gens bien nés. Au naturel, courtois et élégamment timide, il charme d’emblée par son maintien dandy et cette façon qu’il a de se rapprocher tout doucement sans s’imposer, de vous questionne­r avant de parler de lui. Plus que créer une marque (c’était en 2000), Frédéric Malle a d’abord inventé un métier : éditeur de parfums. Il redonne au parfumeur – le vrai créateur – tout son lustre, jusqu’à apposer son nom sur le flacon. « Dans mes boutiques, il y a partout le visage des compositeu­rs, pas le mien. C’est lui, la star ! » Mais une star qui n’est pas seule à bord. Par une sorte de ping-pong plein d’agilité, il construit pas à pas le parfum avec le compositeu­r, donnant la direction du développem­ent, rectifiant parfois les sorties de piste, participan­t assidûment aux réglages de la formule. La parfumerie selon Frédéric Malle est un art de dentellièr­e. À l’image d’un éditeur de romans, il cherche surtout à libérer l’énergie du créateur. « Je suis une espèce de sparring-partner », s’amuse-t-il.

Question de style

Il y a chez lui une hauteur de vue, une profondeur de champ érudite qui lui permet de marier dans une même conversati­on (ou dans un même projet) littératur­e, architectu­re, musique et parfum, sans qu’on sente ni le snobisme ni la citation. Son appétence pour le beau lui a finalement permis de créer un style, ce qui est assez rare. « Lorsque je suis arrivé, mes concurrent­s [Serge Lutens et l’Artisan Parfumeur, NDLR] se référaient au passé, sorte d’âge d’or de la parfumerie : pas moi ! J’ai voulu proposer une parfumerie moderne de qualité », s’enthousias­me ce Parisien à fleur de peau, qui vit la moitié de son temps à New York. D’emblée, son ambition a été d’enfanter de « beaux parfums, pas gadgets », belles armures contre la vulgarité, sortes de classiques de demain aux noms toujours bien choisis : Portrait of a Lady, Cologne Indélébile, Musc Ravageur, Angéliques sous la Pluie, En Passant. Le grand Jean-Claude Ellena signe Rose & Cuir, dernier opus de la collection, qui s’amuse de l’illusion d’une rose. Un nouveau classique, déluré juste ce qu’il faut.

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