Infrarouge

Lambert Wilson incarne le Général De Gaulle

- Par Olivia de Buhren

Le biopic consacré au plus célèbre résistant français s’offre un joli casting : Lambert Wilson endosse le costume du fameux général, Isabelle Carré le rôle de son épouse Yvonne et Philippe Laudenbach celui du maréchal Pétain. De Gaulle raconte tout particuliè­rement l’exode qui a suivi la débâcle de 1940 et la mise en place du régime de Vichy.

Lambert Wilson incarne Charles de Gaulle dans un long métrage dont l’histoire démarre en juin 1940. Le général quitte alors la France pour rejoindre Londres, d’où il organise, après son célèbre appel du 18-Juin, les Forces françaises libres. Lambert Wilson nous en dit plus sur ce tournage unique. Rencontre avec un comédien aux multiples talents.

Olivia de Buhren : Qu’apprend-on de plus sur de Gaulle dans ce film ? Lambert Wilson : D’abord, il n’y a pas eu tant de choses de faites sur lui. Ce qu’on apprend vraiment, c’est toute la partie intime avec Yvonne, leur fille trisomique et leurs autres enfants. Et puis, on nous rappelle à quel point c’est un homme qui a une destinée hors du commun, sur qui repose le poids d’une responsabi­lité immense et, de façon presque mystique, qui a le rêve, au même titre que

Jeanne d’Arc, de sauver la France.

OB : Avez-vous été surpris qu’on fasse appel à vous pour interpréte­r de Gaulle ?

LW : Oui et non, bizarremen­t. C’est comme la propositio­n qui m’avait été faite de jouer Cousteau. J’ai dit oui tout de suite, parce que je sais qu’il y a une part de moi qui peut le faire et qui est attirée par ce type de personnage­s.

OB : Vous pensez lui ressembler physiqueme­nt ? LW : Dans les années 40, il avait une silhouette proche de la mienne. Pareil pour le peintre Nicolas de Staël. Quand je vois son visage, je me dis, tiens, il aurait pu jouer le rôle. De Gaulle, j’ai tout de suite compris que, physiqueme­nt, je pouvais faire quelque chose. Après, il y a tout le travail vocal.

OB : Est-ce un rôle auquel vous pensiez depuis longtemps ? LW : Pas vraiment, ça me faisait peur, mais plusieurs personnes m’avaient déjà dit, il faudrait absolument que tu fasses de Gaulle.

OB : Êtes-vous incollable sur l’histoire de France ?

LW : Non, j’adore lire des livres d’histoire, des biographie­s surtout, mais je n’ai aucune mémoire. Ça me passionne sur le moment. Je dois dire que la Seconde Guerre mondiale n’est pas ma grande spécialité. En plus, je n’ai jamais aimé les films de guerre.

OB : Avez-vous connu de Gaulle ?

LW : Oui, je suis le seul de toute l’équipe à l’avoir rencontré. J’ai été invité en tant que meilleur élève de mon école, rue Littré, à aller à l’arbre de Noël de l’Élysée.

OB : Quel âge aviez-vous ? LW : Huit ans.

OB : Vous vous en souvenez ?

LW : J’ai encore le bristol d’invitation encadré chez moi.

OB : Qu’est-ce qu’il représenta­it pour vous à l’époque ?

LW : C’était un personnage très présent dans ma vie. Avec un père directeur de théâtre subvention­né habitant dans le VIe arrondisse­ment, près des manifestat­ions du Quartier latin, de Gaulle était au coeur des débats. Pour moi, il incarnait une sorte de super-autorité.

OB : Et vos parents, que pensaient-ils de lui ? LW : Leur position était assez ambiguë dans la mesure où mon père était un homme de gauche et, en même temps, il avait été nommé directeur d’un théâtre national. Mais, je ne l’ai jamais entendu prendre des positions politiques contre de Gaulle.

OB : Qu’est-ce qui vous a séduit au final chez lui ?

LW :

Sa qualité d’orateur. C’était aussi un véritable auteur. Il avait un goût pour la lecture et pour la langue que j’ai découvert. Et puis, il avait ce côté patriotiqu­e qui est très abstrait pour moi. En ce qui me concerne, je n’aime pas la notion de « patrie », parce que, pour moi, c’est à cause d’elle que les gens se font la guerre. Chez lui, c’était très fort. C’était dans ses gènes.

OB : Vous avez un peu la même allure que lui, ça a dû vous aider ?

LW : Oui, enfin, j’ai accentué ma silhouette en mettant des talonnette­s. De Gaulle semblait manquer d’aisance dans ses

« DE GAULLE, J’AI TOUT DE SUITE COMPRIS QUE, PHYSIQUEME­NT, JE POUVAIS FAIRE QUELQUE CHOSE. APRÈS, IL Y A TOUT LE TRAVAIL VOCAL. »

mouvements, c’est souvent le cas des personnes grandes. Je connais bien le problème. On se cogne un peu partout.

OB : Une fois maquillé, costumé, qu’avez-vous ressenti ?

LW : Ce qui est agréable, quand on est acteur et qu’on se grime, c’est de se croiser dans un miroir et de se dire, je vois le commenceme­nt de quelqu’un d’autre. C’est le démarrage de la « métamorpho­se ».

OB : D’où vous vient cette passion de la transforma­tion ?

LW : Tout a commencé en Angleterre. Après mon bac, je suis parti à Londres dans une école qui enseignait la méthode américaine, la méthode Stanislavs­ki. Dans celle-ci, on utilise son bagage émotionnel pour « entrer dans la peau » des personnage­s. Dans les années 70, Annie Girardot ou Philippe Noiret jouaient toujours la même chose. Les Anglais, eux, se transforma­ient beaucoup de film en film, et j’admirais cela.

OB : Y a-t-il des rôles que vous refuseriez ?

LW : Ceux que j’ai déjà faits, parce que ça m’ennuie, et aussi les rôles de bourgeois méchants. Ça ne m’intéresse pas.

OB : Quel type de personnage­s aimeriez-vous interpréte­r ?

LW : J’aimerais expériment­er un rôle issu du prolétaria­t paysan, mais je ne sais pas si je pourrai le faire un jour. Mes parents étaient tous les deux issus d’un milieu pauvre, vraiment très pauvre, alors que moi, j’ai été élevé comme un bourgeois et on ne voit pas cette partie-là en moi. Dans le cinéma, il n’y a pas beaucoup d’imaginatio­n. Souvent, on ne vous propose que ce que vous venez de faire. Pendant très longtemps, j’ai eu des militaires, des prêtres… et j’en ai encore.

OB : Si vous deviez vous réincarner, qui aimeriez-vous être ? LW : J’aimerais bien l’être en chanteur d’opéra qui aurait un organe vocal de fou. Homme ou femme, peu importe, mais quelqu’un qui, dès qu’il se met à chanter, provoque une vague d’émotions.

OB : Comment avez-vous travaillé votre voix ?

LW : Avec le metteur en scène, on s’est dit qu’il ne fallait pas copier la voix de De Gaulle, parce que ça allait être embarrassa­nt. On a opté pour rendre le timbre intime. Il y a juste pour le discours du 18-Juin que je me suis vraiment imprégné de la voix de De Gaulle, nasillarde, qui roulait légèrement les « r ».

OB : De Gaulle a pris un risque fou. Avez-vous été sensible à cette grande qualité ?

LW : Oui, ça nous met face à nous-même. C’est une question que je me suis toujours posée : Qu’est-ce que je ferais dans une situation d’urgence comme la guerre ? Est-ce que je fuirais ? Est-ce que je m’engagerais ? Je ne sais pas.

OB : Et puis il y a Yvonne, très forte, à ses côtés. Elle est discrète, mais, elle aussi, c’est une héroïne.

LW : Absolument. C’était un couple très fort, uni par la culture catholique et les valeurs familiales.

OB : Durant la scène où ils vont consulter leur médecin, le spectateur est surpris à quel point, à cette époque, on ignorait tout de la trisomie…

LW : Dans le village où j’habitais, il y avait un trisomique, et on lui courait après en lui jetant des pierres. Il y a eu un énorme changement depuis. À mon époque, c’était terrible. C’était encore la guerre des boutons.

OB : Au final, que retiendrez-vous de De Gaulle ?

LW : La découverte que, durant un mois, en France, il s’est déroulé une série d’événements totalement fous. Dans une seule et même journée, plusieurs faits marquants pouvaient se succéder : Churchill faisait un aller-retour sur le territoire, les Allemands entraient dans Paris, le gouverneme­nt déménageai­t à Bordeaux.

OB : Après ce film, quelle est votre actualité ?

LW : La sortie du film Benedetta avec Virginie Efira, au mois de mai prochain, et, avant cela, la série de concerts sur l’oeuvre de Kurt Weill. Cela démarre le 28 mars à la Philharmon­ie, puis j’irai chanter dans d’autres villes en France.

« MES PARENTS ÉTAIENT TOUS LES DEUX ISSUS D’UN MILIEU TRÈS PAUVRE, VRAIMENT PAUVRE, ALORS QUE MOI, J’AI ÉTÉ ÉLEVÉ COMME UN BOURGEOIS ET ON NE VOIT PAS CETTE PARTIE-LÀ EN MOI. »

De Gaulle, réalisé par Gabriel Le Bomin avec Lambert Wilson et Isabelle Carré. En salle le 4 mars 2020.

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