Infrarouge

RENAUD FILLIOUX DE GIRONDE, LA QUÊTE DE LA QUALITÉ

- Par Judith Spinoza

Depuis 2017, Renaud Fillioux de Gironde est le huitième membre de sa famille à officier comme maître assembleur Hennessy. Chargé de défendre la « constance et la continuité » du leadeur mondial des eaux-de-vie de Cognac, il nous explique cette fonction essentiell­e.

Quel est votre rôle par rapport à un sommelier ? Mon métier consiste à sélectionn­er des eaux-de-vie à la base, à les faire vieillir et puis d’un autre côté, à savoir choisir et assembler les eauxde-vie que moi ou mes prédécesse­urs auraient fait vieillir. Un sommelier va chercher à mémoriser des vins, moi, je lis des eaux-de vie. J’ai comme une grille dans la tête pour pouvoir les retrouver et les associer. Vous avez été nommé assembleur en 2017. Vous incarnez la huitième génération de maîtres assembleur­s chez Hennessy. Une seule et même famille qui se transmet ce flambeau depuis plus de deux siècles. Qu’est ce qui a changé dans votre mission par rapport aux aïeux ? Il y a d’abord ce qui n’a pas changé : la quête de qualité ! Ce qui a changé, c’est la taille de l’entreprise et la possibilit­é de capitalise­r sur plus de choses. Il y a 100 ans, il n’y avait pas de comité de dégustatio­n, ni la technologi­e qui nous permet d’avoir des bases de données, de suivre les stocks et des volumétrie­s très précises. Hennessy, c’est plus de 500 000 barriques et des cognacs vieux de plus de 200 ans. Combien d’échantillo­ns goûtez-vous par an ? Un minimum de 10 000 ou plus, l’important c’est tout ce qu’on goûte derrière. On va goûter toutes les eaux-de-vie de nos partenaire­s viticulteu­rs ; on goûte et regoûte au moins une fois par an les lots des stocks de la maison Hennessy. Je goûte aussi les coupes que je réalise au fur et à mesure de l’année. Et puis, il y a toutes les dégustatio­ns liées aux matériaux en contact avec le produit, comme le verre, les bouchons. C’est une partie moins connue, mais très importante. « Pas de place pour la chance », avez-vous dit au sujet des dégustatio­ns... La dégustatio­n, c’est avant tout de la rigueur et de l’expérience. Pour être un bon dégustateu­r Hennessy, se faire son palais, construire son référentie­l, il faut 10 ans de pratique quotidienn­e, à l’écoute des membres du comité de dégustatio­n plus expériment­és. Donc en effet, quand on crée un cognac après 2,5, 10, 15, 20 ou 50 ans de vieillisse­ment, ce n’est pas de la chance. C’est parce qu’il y a eu un travail de fait au fur et à mesure de travail de sélection, de précision. Et on peut mettre tout cela ensemble pour créer un cognac à la fin. Quel est le déroulé d’une dégustatio­n ? Qu’il s’agisse des eaux-de-vie que l’on achète ou que l’on a en stock, le déroulé est identique : déguster 50 ou 60 échantillo­ns par jour de 11h à 12h30. L’important est d’aller à l’essentiel et de façon assez précise. Puis de se faire une opinion en laissant une trace que je pourrai utiliser soit dans un assemblage ou pour préparer la suite du vieillisse­ment. Parlez-nous de l’assemblage unique, la partie très créative de votre métier… Une part de mon métier consiste à recréer le coeur de nos cognacs (Hennessy VS, Hennessy VSOP, Hennessy X.O, Hennessy Paradis ou Richard Hennessy etc). L’autre exercice, c’est l’assemblage unique. Un one shoot dans lequel on va chercher quelques eaux-de-vie pour les mettre ensemble. Cela vient ponctuer la vie de la maison et moi, ma vie de créateur qui va chercher quelque chose d’un peu différent ! Qu’est-ce qu’un bon cognac ? C’est un cognac que vous aimez. C’est aussi simple que ça. Avec Hennessy et l’équipe de dégustatio­n, je travaille à sélectionn­er, à faire vieillir dans les meilleures conditions, à révéler tous les potentiels de ce que l’on va pouvoir goûter, de ce que l’on va pouvoir assembler. À l’arrivée, la vraie question, c’est de savoir si la personne qui le boit l’apprécie. C’est elle qui juge. A mon sens, un bon cognac est une expérience, une dégustatio­n.

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