Infrarouge

Bourse de Commerce : François Pinault is back !

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Il avait tourné les talons, lassé – et vexé – par les obstacles que rencontrai­t son projet sur l’île Seguin à Boulogne. Parti installer sa collection au Palazzo Grassi et à la Punta della Dogana à Venise, François Pinault, en Breton têtu, revient à Paris par la grande porte. « Venise n’était qu’une première

étape, explique aujourd’hui l’homme d’affaires et grand collection­neur. Lorsque la maire de Paris, Anne Hidalgo, m’a proposé en 2015 de m’intéresser à la Bourse de Commerce, je n’ai pas hésité une seconde. Non seulement ma collection trouvait un écrin admirablem­ent situé au coeur de la capitale, mais son installati­on à Paris donnait une nouvelle destinatio­n à un bâtiment emblématiq­ue, témoin de plusieurs siècles

d’architectu­re parisienne. » Ce bâtiment, c’est la Bourse de Commerce, édifice circulaire, halle aux blés à la fin du XVIIIe siècle puis, après un violent incendie en 1854, chambre de commerce puis bourse de commerce et enfin chambre de commerce et d’industrie de Paris. Tout cela manque un peu de glam ? C’est du moins ce que pensent les Parisiens qui passent depuis des années devant ce cylindre sans vraiment le remarquer malgré ses courbes majestueus­es, sa colonne, édifiée au XVIe siècle pour l’hôtel de Catherine de Médicis, et son impression­nante coupole de métal et de verre (1812). La suite devrait réparer cette injustice : malgré une programmat­ion encore tenue secrète, la Bourse de Commerce - Pinault collection affole déjà les compteurs. D’abord par l’ampleur des travaux effectués. En plus d’être têtu, le Breton est fidèle : l’architecte Tadao Ando, déjà à l’oeuvre pour les bâtiments vénitiens, s’est chargé de la rénovation et de la transforma­tion du bâtiment. L’agence NeM, conceptric­e de la résidence d’artistes de la Collection Pinault à Lens, est également venue apporter son talent. Jean-Jacques Aillagon, au pilotage du réaménagem­ent du Palazzo Grassi puis de la Punta della Dogana, a remis le couvert pour le bâtiment parisien. Martin Bethenod, commissair­e de trois exposition­s hors les murs de la Collection Pinault, apportera son savoirfair­e à la programmat­ion. Les designers Ronan et Erwan Bouroullec ont conçu le mobilier du bâtiment. Quant au restaurant, baptisé la Halle aux Grains, il a été confié aux chefs aveyronnai­s Michel et Sébastien Bras.

Tadao Ando explique l’idée de départ : « Il s’agissait de régénérer le monument historique : honorer la mémoire de la ville inscrite dans ses murs et, à l’intérieur, placer une autre structure, sur le modèle d’un emboîtemen­t gigogne. Une compositio­n instaurant un dialogue vivant entre le nouveau et l’ancien, créant un espace plein de vie comme doit l’être un lieu dédié à l’art contempora­in. » Impression­nant, le résultat va plonger le visiteur dans un cylindre de béton, du rez-de-chaussée au deuxième étage, de neuf mètres de haut et trente mètres de diamètre, baigné par la lumière zénithale. Entre le mur extérieur du cylindre et le mur intérieur, les escaliers desservent les différents niveaux, dont le deuxième étage où une coursive offre un point de vue sur la verrière et le décor, peint en 1889 par cinq artistes et représenta­nt le commerce français à travers les continents. À couper le souffle.

On en oublierait presque que la nouvelle Bourse de Commerce est un musée d’art contempora­in, riche de la collection de François Pinault, soit 10 000 oeuvres couvrant la période des années 1960 à aujourd’hui. Notre boule de cristal nous dit que l’exposition inaugurale, intitulée « Ouverture », regroupera les artistes majeurs que le magnat breton collection­ne depuis une quarantain­e d’années. En attendant l’ouverture des portes, dont la date dépendra du bon vouloir du virus, les impatients auront pu se rendre à la toute proche église saint-Eustache où Passage into Night, une installati­on vidéo de Bill Viola prêtée par la Collection Pinault, a été exposée jusqu’à début avril. Elle fait référence aux quarante jours de jeûne et de tentation du Christ dans le désert de Judée. En espérant que le carême culturel qui nous est imposé ne dure pas toute l’année 2021.

2, rue de Viarmes, 75001 Paris.

 ??  ?? Ronan et Erwan Bouroullec, ameublemen­t intérieur du salon, tapis et banquette, 2020. Bourse de Commerce - Pinault Collection
Ronan et Erwan Bouroullec, ameublemen­t intérieur du salon, tapis et banquette, 2020. Bourse de Commerce - Pinault Collection
 ??  ?? La rotonde Bourse de Commerce - Pinault Collection © Tadao Ando Architect & Associates, Niney et Marca Architecte­s, Agence Pierre-Antoine Gatier
La rotonde Bourse de Commerce - Pinault Collection © Tadao Ando Architect & Associates, Niney et Marca Architecte­s, Agence Pierre-Antoine Gatier

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