Infrarouge

Les femmes de Guerlain

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Le printemps de Guerlain aura lieu sur les ChampsÉlys­ées, et plus particuliè­rement au n° 68, adresse du mythique institut de beauté ouvert par Jacques Guerlain en 1939. Guerlain et les femmes, c’est bien sûr toute une histoire, elles en sont même l’essence, mais c’est surtout un lien avec les femmes artistes noué depuis des lustres. Participan­te régulière au Parcours Privé de la FIAC depuis une quinzaine d’années, la maison s’est aussi distinguée avec l’exposition « Révélation­s, les femmes vues par les femmes » en 2017. Cette année, elle convie donc quatorze femmes photograph­es à livrer leur regard sur leurs congénères, d’où le titre : « Femmes en regard ». « Affaire de sensibilit­é, sans doute, mais aussi illustrati­on d’un combat : celui mené par des femmes pour acquérir dans un monde d’hommes un statut de photograph­e reconnue et respectée », explique Jean-Luc Monterosso, fondateur de la MEP, l’un des deux hommes à assurer le commissari­at de l’exposition avec Benoît Baume du magazine Fisheye.

Dans ces quatorze clichés, qui n’ont rien du calendrier Pirelli – et c’est tant mieux –, se croisent autant de sensibilit­és et de points de vue sur la photograph­ie. « Les regards des femmes photograph­es ont en commun d’avoir été moins pris en compte et moins exposés que ceux des hommes, précise Luce Lebart, historienn­e de la photograph­ie et signataire du texte de l’exposition. Leurs images et leurs oeuvres ont rarement atteint la postérité. À quelques exceptions près, le Panthéon des photograph­es est

masculin. » Certaines exceptions font partie de l’exposition, comme Alice Springs, Sarah Moon, Dominique Issermann, Bettina Rheims ou Cindy Sherman, qui ont su imposer leur vision dans une époque qui ignorait que #MeeToo accélèrera­it à ce point le mouvement féministe initié dans les années 1960. Martine Franck, Sabine Weiss ou Christine Spengler ont, elles, une démarche plus « journalist­ique », traquant les ravages du temps sur les visages pour la première, des regards furtifs d’enfants du tiers-monde pour la deuxième ou les survivants de conflits (Vietnam, Tchad, Cambodge…) pour la troisième. La démarche peut être aussi plus artistique comme le montre de manière magistrale Carolle Bénitah, qui extrait des vieux albums photograph­iques des images qu’elle enrichit de broderies, de mouchoirs et de mousseline. « Tous les petits accessoire­s qui constituen­t l’univers domestique de la parfaite épouse », précise avec ironie Jean-Luc Monterosso. Guerlain fait aussi la part belle à la jeune génération avec des photograph­es comme Charlotte Abramow – elle a réalisé le clip Balance ton quoi d’Angèle – ou Marie Rouge, dont les clichés sur la communauté LGBTQI+ se retrouvent régulièrem­ent dans les pages de Libé, Télérama ou Causette. La photo qui résumerait le mieux l’état d’esprit de « Femmes en regard » ? Cette fan de K-pop portraitis­ée par Françoise Huguier à Kuala Lumpur : une perruque violette, d’immenses lunettes jaunes, un regard espiègle et un inouï sentiment de jeunesse et de liberté.

Femmes en regard, jusqu’au 30 juin, 68, avenue des Champs-Élysées, 75008 Paris.

Un cycle de conférence­s gratuit avec les photograph­es est également organisé : programme et inscriptio­ns sur guerlain.com

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