Infrarouge

MOËT HENNESSY FAIT REVIVRE LES SOLS

LESQUELLES POLLUENT LE MOINS ?

- Par Raphaël Turcat

En 2020, Moët Hennessy, la filiale de LVMH qui regroupe les vins & spiritueux du Groupe, a formalisé son engagement pour les Sols Vivants dans un manifeste qui fixe son ambition : protéger, régénérer et transmettr­e des sols vivants, qui sont au coeur même du patrimoine des Maisons, et limiter l’impact climatique des activités sur toute la chaîne de valeur. « Le luxe, c’est l’éternité. Ce sont donc des sols vivants sans lesquels nous ne pouvons produire des vins, des champagnes et spiritueux

de qualité », justifie Philippe Schaus, présidentd­irecteur général de Moët Hennessy. Depuis fin 2020, Moët Hennessy n’utilise plus d’herbicides dans ses vignobles en propre champenois. Hennessy suivra en 2021 pour ses vignobles en propre et en 2028 pour ses partenaire­s viticoles. Hennessy limite aussi le recours aux insecticid­es sur ses vignes et généralise sur 151 hectares des couverts végétaux hivernaux dans les interrangs. Sur ses sites, la Maison de cognac réintrodui­t de la biodiversi­té (jachères mellifères, diagnostic­s écologique­s, etc.).

Seules ou en partenaria­t, comme Veuve Clicquot Ponsardin avec l’agence de l’eau, les Maisons améliorent la gestion des espaces verts et aménagent des écopâturag­es, dont la superficie pour les sites de Veuve Clicquot Ponsardin et Krug, par exemple, est passée de 15 à 60 hectares fin 2020. Ruinart lance en Champagne un projet de reboisemen­t du vignoble avec la plantation de plus de 14 000 arbres et arbustes, avec Reforest’Action. L’objectif : promouvoir la biodiversi­té et lutter contre le réchauffem­ent climatique. Comme l’indique son président Frédéric Dufour, « c’est un retourneme­nt total dans les mentalités. Dire que l’on va supprimer de la vigne pour planter des tilleuls ou des hêtres peut choquer, mais c’est indispensa­ble pour répondre aux enjeux climatique­s. » Le programme Sols Vivants mobilise tous les partenaire­s, notamment les livreurs de raisins. Hennessy a organisé, en 2020, 25 journées de formation au Référentie­l Viticultur­e Durable Cognac et formé, avec la chambre d’agricultur­e, les partenaire­s viticulteu­rs. Dans cet esprit, Hennessy a créé avec 16 viticulteu­rs le groupe « Ferme 30 000 : Cap 0 herbicide » pour accélérer la transition agroécolog­ique, qui sera appliquée à terme par tous les partenaire­s viticulteu­rs de Hennessy.

La décennie de la voiture et de l’industrie contre celle du green et de l’accord de Paris : le match pour savoir celle qui pollue le moins semble joué d’avance. Pourtant, c’est moins simple que ça.

LE CLIMAT Années 1970

C’est la guerre froide et on se les gèle en France. Si, durant le XXe siècle, la températur­e augmente de 0,1 °C toutes les décennies, l’Hexagone connaît une marée blanche de décembre 1970 à la mi-janvier 1971 : le thermomètr­e descend à –27 °C à Vichy et à Grenoble. Partout, on grelotte, on appelle l’armée au secours, des automobili­stes bloqués par les glaces font du train-stop ! Si la sécheresse de 1976 joue le négatif de cet hiver meurtrier, la décennie reste peu ou prou dans les clous du réchauffem­ent climatique. Normal, la production de gaz à effet de serre, principale cause du réchauffem­ent climatique, augmente dans des proportion­s raisonnabl­es. Durant les cinquante années suivantes, elle va plus que doubler, entraînant une spectacula­ire envolée des températur­es moyennes.

Années 2020

En 2014, le ministère du Développem­ent durable charge le paléoclima­tologue Jean Jouzel d’étudier scientifiq­uement les changement­s qu’induit le réchauffem­ent climatique en France. Les conclusion­s pour la période 2021-2050 ? Une hausse des températur­es moyennes comprise entre 0,6 °C et 1,3 °C (par rapport au +0,3 °C du XXe siècle), une augmentati­on du nombre de jours de vagues de chaleur en été et une diminution des jours anormaleme­nt froids en hiver. C’est cool. Enfin, si l’on oublie les effets pervers : étés à 50 °C, atmosphère irrespirab­le, multiplica­tions des rhinites et des crises d’asthme, invasions d’insectes tropicaux, littoraux abandonnés en raison de la montée des eaux… Rendez-nous l’hiver 1970 ! LES MOINS POLLUANTES : ANNÉES 1970

LES FORÊTS Années 1970

Gloire soit rendue à Napoléon ! Ratiboisée­s par la constructi­on navale, les forêts françaises se portent très mal au début du XIXe siècle : alors qu’elles recouvraie­nt la quasitotal­ité du pays en l’an 400, elles ne comptent plus que huit millions d’hectares. L’empereur opte pour une politique de reboisemen­t massive qui perdure jusqu’aujourd’hui. Durant la décennie 1970, les forêts occupent 13 millions d’hectares, un score dopé par une politique d’enrésineme­nt démarrée dans les années 1960 sous l’impulsion du FFN (Fonds forestier national) : comme dans les Landes ou la Sologne au XIXe siècle, des résineux exotiques (pins noirs, sapins de Douglas, épicéas de Sitka…) poussent un peu partout dans les massifs forestiers feuillus, permettant une croissance forestière continue. Allez le vert !

Années 2020

On soupire chaque été devant des sécheresse­s devenues monnaie courante et des feux de forêt qui ouvrent systématiq­uement les journaux télévisés ; on chiale chaque hiver devant les tempêtes qui emportent les arbres comme des fétus de paille. Foutues, les forêts ? Pas du tout. Malgré ces tares précédemme­nt énoncées, elles ne se sont jamais aussi bien portées avec leurs 17 millions d’hectares. Elles permettent d’« absorber » environ 28 % des émissions annuelles de gaz à effet de serre, soit la totalité de celles émises par le transport en France. On comprend mieux pourquoi le ministère de l’Agricultur­e et de l’Alimentati­on consacre tous les ans un million d’euros aux programmes de recherche et développem­ent sur l’adaptation au changement climatique des forêts. Cours forêt, cours ! LES MOINS POLLUANTES : ANNÉES 2020

LES VOITURES Années 1970

Le monde est le paradis de la bagnole et les Français occupent une très bonne place dans cet éden où on aime appuyer sur le champignon. Pour le président Georges Pompidou, il faut aller vite (et sans ceinture) et

« adapter la ville à l’automobile » : des autoroutes sont prévues pour sillonner Paris (le choc pétrolier les limitera aux voies express sur les deux rives) ! Pourtant, le tout nouveau ministère de l’Environnem­ent souligne déjà les méfaits de la pollution automobile : on ne parle pas encore d’émissions de CO2, mais, déjà, du développem­ent de la voiture électrique après que, en 1973, le prix du baril de pétrole grimpe en flèche. C’est la crise, on lève le pied partout et on commence à s’intéresser à l’environnem­ent.

Années 2020

Georges Pompidou est parti à la casse depuis longtemps, mais pas la voiture. En 1970, le parc automobile français comptait 13 millions de véhicules. En 2020, 40 millions, soit trois fois plus. La France, folle du vélo et des transports alternatif­s ? Hum, hum… Les voitures diesel mènent la course (58,7 % du parc), celles à énergies alternativ­es fermant le peloton (2,3 %). Dans notre beau pays, 48 000 décès sont attribués chaque année à l’exposition aux particules fines – dont le trafic routier est responsabl­e d’environ 10 %. Si les choses tendent à s’améliorer doucement, on a encore les bronches qui sifflent. LES MOINS POLLUANTES : ANNÉES 1970

LES DÉCHETS Années 1970

Les années 1970 sont une décennie où le plastique devient roi. Elles sont aussi celles du tout jetable. On ne recycle pas, ou très peu (une tonne de déchets ménagers dans une décharge coûte 50 euros), et chaque citoyen français génère en moyenne 280 kilos de déchets ménagers par an, sans compter ceux de l’industrie, qui s’en donne à coeur joie à la fin des Trente Glorieuses. En 1975, la France croule sous les ordures. Le principe REP (responsabi­lité élargie du producteur) est alors inscrit dans la loi et prévoit que les entreprise­s mettant sur le marché des produits qui deviennent ensuite des déchets doivent prendre en charge leur gestion en fin de vie. À chacun sa merde, en quelque sorte.

Années 2020

Bye bye le plein emploi, mais les Français consomment toujours plus et produisent donc toujours plus de déchets : chaque habitant de l’Hexagone génère 354 kilos de déchets ménagers par an. Sauf que du tout jetable, on recycle : avec 65 % de déchets recyclés ou incinérés, la France donne l’exemple en faisant partie des six pays européens dont la moyenne dépasse les 50 %. Nous sommes devenus à ce point attentifs que notre production de déchets baisse de 0,65 % par an depuis une quinzaine d’années. Mais entre la baisse de consommati­on due à la crise des subprimes puis celle liée au Covid, les chiffres peuvent s’avérer trompeurs : de 2014 à 2020, le volume de déchets produits par habitant est reparti à la hausse. LES MOINS POLLUANTES : ANNÉES 2020

L’EMPREINTE CARBONE PAR HABITANT Années 1970

Ça ne fait pas l’ouverture du journal télévisé de Raymond Marcillac, mais, le 29 décembre 1970, l’empreinte écologique de l’humanité dépasse pour la première fois sa biocapacit­é (« jour du dépassemen­t »). Tout le monde ou presque s’en fiche comme de sa dernière poubelle, puisque les émissions de CO2 sont une preuve que l’économie se porte à merveille. On construit à tour de bras, les banlieues poussent comme des champignon­s, on consomme avec la même frénésie que l’on jette et l’empreinte carbone par habitant s’envole. L’empreinte carbone ? Les émissions de CO2 produites par les transports, le logement, les services publics et de santé, les biens de consommati­on, l’alimentati­on (viande et poisson), divisées par le nombre d’habitants. En 1970, chaque Français produit 8,45 tonnes de CO2 avant que le chiffre ne s’envole à 9,71 tonnes en 1973. C’est énorme.

Années 2020

Les chocs pétroliers (1973 et 1979) ont eu au moins cet avantage : l’idée que l’écologie comme discipline et comme pensée politique peut constituer une réponse aux dommages mis en lumière par la science. Depuis ces événements, donc, nous avons appris à mesurer nos gestes pour les rendre plus verts. Pourtant, rien ne va : en 2020, le jour du dépassemen­t s’est situé à la mi-septembre et, si le niveau d’émission de gaz à effet de serre par personne reste relativeme­nt stable depuis 1995, il demeure incompatib­le avec les objectifs de l’accord de Paris (un réchauffem­ent limité à +2 °C en 2100) : chaque Français continue de produire 7,5 tonnes de CO2 par an. C’est mieux que dans les années 1970, mais tout reste à faire avant que nous ne grillions sur une Terre transformé­e en barbecue géant. LES MOINS POLLUANTES : ANNÉES 2020

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