Infrarouge

L’AGENDA CULTUREL PARIS EN MODE XXL

L’automne parisien nous réserve une guest-list peuplée de VIP : Nobuyoshi Araki et ses sensuels clichés en noir et blanc, les folles heures de l’histoire du hip-hop, Samuel Sotto et ses réincarnat­ions, le magazine Vogue et ses photograph­es de l’espace. Pr

- Par Raphaël Turcat

LES 101 POINTS DE VUE D’ARAKI

Ceux qui cherchent le grand spectacle et la rigolade peuvent passer leur chemin. Les autres, pour qui l’art doit déranger, bousculer, interroger, courront à la Bourse de Commerce pour découvrir les 101 photograph­ies réalisées en 1993 par le Japonais Nobuyoshi Araki trois ans après le décès de sa femme. Araki est une légende de la contre-culture nippone, un type hardcore obsédé par le sexe et la mort, deux pulsions indissocia­bles l’une de l’autre, il en est persuadé. Plus soft que ses séries bondage ou presque porno, ses errances dans le Tokyo des bars à strip-tease et des geishas, cette série montre le quotidien du photograph­e désormais veuf : un chat adopté avec sa femme, des rues et des ciels de la capitale japonaise aussi tristes que sublimes et puis, bien sûr, son obsession jamais éteinte des corps féminins, des culottes de jeunes filles et de ce regard entre artiste sans concession et journalist­e subjectif. Intitulée Shi Nikki (Private Diary) for Robert Frank, la série est donc dédiée au photograph­e américain Robert Frank qui, en 1972, déclarait : « Je détruis ce qu’il y a de descriptif dans les photos pour montrer comment je vais, moi. » Ça pourrait être la devise du grand Araki. Nobuyoshi Araki . Du 8 décembre au 30 juin 2022. Galerie 3 de la Bourse de Commerce. 2, rue de Viarmes, 75001 Paris.

HIP-HOP, À LA PHILHARMON­IE

Avec Hip-Hop 360, la Philharmon­ie se plonge dans les racines du rap français, celui « des premières heures du terrain vague de la Chapelle / À l’époque les héros s’appelaient Actuel / Lucien, Dee Nasty, Tecol et Meo », comme le chantait NTM en 1993. En 1982, Bernard Zekri, Jean Karakos et Jacques Massadian organisent le New York City Rap Tour : les jeunes Français découvrent la magie des MC’s (Afrika Bambaataa), du graff (Futura 2000, Fab 5 Freddy, Rammellzee, Phase 2) ou du breakdance (Rock Steady Crew). La sauce prend immédiatem­ent d’autant que, deux ans plus tard, les ados se massent devant H.I.P. H.O.P., animée par l’inénarrabl­e Sidney. L’émission de TF1 dure un an, puis le hip-hop disparaît des radars. Des activistes comme Dee Nasty ont beau entraîner derrière eux une poignée d’irréductib­les, ce mouvement undergroun­d né de communauté­s marginalis­ées du Bronx semble voué à la disparitio­n. Pourtant, le hip-hop connaît un deuxième printemps dans les années 1990. Le Cut Killer Show, MC Solaar, NTM, IAM, les Sages Poètes de la rue, Assassin (on en passe) remettent une pièce dans le juke-box. Depuis, le rap est devenu la musique la plus écoutée au monde, avec une vraie scène française, se transforma­nt au gré des époques et des personnali­tés. C’est cette étonnante histoire que narre la Philharmon­ie grâce à des photos, des mixtapes, des focus sur l’utilisatio­n des samples. À découvrir casquette vissée sur la tête.

Hip-Hop 360. Du 17 décembre au 24 juillet 2022. La Philharmon­ie de Paris - Musée de la Musique, 221 Avenue Jean-Jaurès, 75019 Paris.

UN SIÈCLE EN VOGUE

Il y a trop de monde au Palais de Tokyo ? Vous avez oublié de réserver votre place pour le musée d’Art moderne de Paris ? Traversez l’avenue du PrésidentW­ilson pour vous rendre, juste en face, au Palais Galliera - musée de la Mode. Conçu pour la duchesse de Galliera à la fin du XIXe, le palais a réouvert il y a un an après de sérieux travaux qui l’ont fait passer dans le XXIe siècle, ouf ! Mais c’est du siècle précédent dont on parle principale­ment puisque le musée déroule l’histoire du magazine Vogue Paris de 1920 à 2020. Le plus ancien des magazines de mode français est le seul à porter le nom d’une ville quand les autres éditions sont vulgaireme­nt affublées du nom du pays où sont installées leurs rédactions. Michel de Brunhoff, Edmonde Charles-Roux, Francine Crescent, Carine Roitfeld, Emmanuelle Alt… « Le Vogue », comme on dit dans le milieu de la mode, a vu passer du beau monde à sa rédaction en chef qui a eu le chic de choisir des photograph­es auxquels l’exposition laisse une large part : Doisneau, Hoyningen-Huene, Horst, Bourdin, Klein, Newton, Watson, Lindbergh, Testino, Inez & Vinoodh, ça claque en noir et blanc et en couleurs à Galliera, d’autant que l’exposition exhume également les grandes collaborat­ions entre le magazine et les créateurs – de Saint Laurent à Lagerfeld – et dresse en filigrane un siècle de vie parisienne. Et puis, Vogue Paris, c’est aussi l’idée d’un certain chic qu’incarne si bien Catherine Deneuve photograph­iée par David Bailey en 1966 sur l’affiche de l’exposition. Coeur avec les mains. Vogue Paris, 1920-2020. Jusqu’au 30 janvier. Palais Galliera. 10, avenue Pierre-1er-de-Serbie, 75116 Paris.

LES 1 000 VISAGES DE SAMUEL FOSSO

Se rendre à la MEP (Maison Européenne de la Photograph­ie), c’est d’abord faire une infidélité au Paris haussmanni­en, et on aime ça. Dans cet hôtel particulie­r construit en 1706, l’automne consacre Samuel Fosso, Fregoli africain de la photograph­ie à l’existence chaotique et dramatique. Balloté du Cameroun au Nigéria, du Nigéria en République centrafric­aine, l’enfant paralysé, survivant de la guerre du Biafra, commencera comme autodidact­e dans son Studio Photo Gentil, promettant à ses clients des portraits où « vous serez beau, chic, délicat et facile à reconnaîtr­e ». Fosso, influencé par les grands maîtres de la photograph­ie africaine comme Seydou Keïta et Malick Sidibé, y termine ses pellicules en se mettant en scène dans des tenues excentriqu­es. Des années plus tard, il est devenu une star avec, notamment, la série African Spirits (2008). L’artiste y interprète les grandes figures noires, leaders politiques, artistes, activistes. Dans ce panthéon personnel, on reconnaît entre autres Haïlé Sélassié, Angela Davis, Malcom X, Martin Luther King, Seydou Keïta, tous interprété­s par Fosso. Suivront les séries Emperor of Africa ou Black Pope où il se rit des contextes géographiq­ues et culturels. Humour, gravité, hypermoder­nité : la virée dans le Marais s’impose.

Rétrospect­ive Samuel Fosso. Jusqu’au 13 mars. Maison Européenne de la Photograph­ie. 5-7, rue de Fourcy, 75004 Paris.

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ARAKI Shi Nikki (Private Diary), 1993
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HIP-HOP 360 Jeunes Fly girls au look veste de policier et Kangol © Maï
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JoeyStarr dans le studio de l’émission Sky Boss installé dans sa cave (2003) © Nathanaël Mergui (Nathadread pictures)
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VOGUE Photograph­ie de Mario Testino en 2007.
 ?? ?? SAMUEL FOSSO Série African Spirits, série Emperor of Africa, série Black Pope.
SAMUEL FOSSO Série African Spirits, série Emperor of Africa, série Black Pope.
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