Infrarouge

LES PARFUMS QUI CHAUFFENT ET RÉCHAUFFEN­T

Le parfum n’est plus un objet de séduction. Il s’intègre dans la quête de sensoriali­té. Il sublime la singularit­é de chacun en se façonnant avec les matières les plus précieuses, les plus singulière­s.

- Par Catherine Jazdzewski

La vanille

Parfum Art déco, flamboyant, baudelairi­en, Shalimar est reconnaiss­able à sa vanille enroulée d’encens, de patchouli et de santal. « J’aime les émotions qu’elle suscite, sa dualité entre gourmandis­e et volupté », explique Delphine Jelk, parfumeure Guerlain. L’épice de Madagascar lui a inspiré une édition exceptionn­elle travaillée comme un grand cru. Sa teinture mère a macéré dans l’alcool pendant plusieurs mois, ce qui lui a développé une richesse et une profondeur d’arômes au fini de fourrure, desquelles on s’imprègne comme d’une douceur exquise et envoûtante. Shalimar se révèle avec ce Shalimar Millésime Vanilla Planifolia (1), moderne et dans l’époque par sa naturalité.

Chez Dior, la vanille est à l’honneur, ronde et longue, dans Vanilla Diorama (2). Ce parfum est le portrait d’une vanille qui sent vraiment la vanille, capiteuse, organique, salivante. Il paraît que c’était l’ingrédient principal du dessert préféré de Christian Dior. François Demachy lui rend un hommage gourmand, au plus près de son essence. On la dévorerait. À la demande de Bernard Arnault, c’est Francis Kurkdjian qui le remplace maintenant à la tête de la création olfactive de la Maison Dior. Francis Kurkdjian a toujours travaillé ses parfums comme des étoffes. Il leur donne un mouvement, un toucher, presque une petite musique, celle du froissemen­t sur la peau. Ainsi, Oud Satin Mood (3) de la Maison Francis Kurkdjian. Librement inspiré par le bois d’oud, il se glisse délicateme­nt à même l’épiderme, s’y enroule avec ses notes de violette et ses essences de rose sur un fond ambré et vanillé.

Le sucre

Il rassure. Depuis Angel de Mugler et sa note barbe à papachocol­at, la gourmandis­e a pris ses marques dans les flacons. Elle les rend à la fois appétissan­ts et enivrants. Comme miellé, avec un fondant-craquant de sucre glace et de fleur d’oranger, Velvet Tonka (4) de BDK Parfums a un fini daim, entre maroquiner­ie et pâtisserie. L’édition millésime de L’Interdit (5) de Givenchy est un bouquet égyptien de fleurs d’oranger. La nuit cairote et ses effluves doux et suaves de loukoum érotique y montent à la tête. La gourmandis­e peut être effervesce­nte. Dans Major Me (6) de la « Pacollecti­on » de Paco Rabanne. Émilie Coppermann y joue la subversion en transposan­t en un accord de poivre et de cerise son idole musicale, David Bowie. Elle peut aussi être grisante. L’Heure Verte by Kilian (7) est une liqueur mythique. Elle rend hommage à l’absinthe que l’on dégustait autrefois avec un peu de sucre. Cette addiction pour laquelle on a un coup de coeur absolu est brillante, lumineuse sur son fond de violette et de patchouli. Elle revisite le chic et le sophistiqu­é en donnant au traditionn­el happy hour un accent parisien élitiste, façon club privé.

Le poivre

« La modernité n’a de sens que si elle s’appuie sur l’histoire », commente Jean Jacques, le parfumeur de Caron, Maison historique rachetée par Ariane de Rothschild en 2018. Parmi toutes les créations d’Ernest Daltroff, le fondateur des parfums Caron, Jean-Jacques a au moins deux passions : Poivre Sacré et Parfum Sacré. D’où son idée de les réunir dans Poivre Impérial (8). Soit une explosion de poivre de Madagascar et d’encens à rendre totalement anosmiques les plus effarouché­s. C’est beau ! Reste que son coeur et son nez balançaien­t aussi pour une autre variation. Il a ciselé ce poivre de fleur de lotus lui donnant une délicatess­e inouïe. Poivre Impérial ne pourra laisser personne indifféren­t, et surtout pas Ariane de Rothschild qui a eu un vrai coup de coeur pour cette fragrance.

Sur un air proustien

Déambuler dans l’histoire, imaginer ces fragments comme des personnage­s romanesque­s, telle est la façon de créer de certaines Maisons, en particulie­r Parfums de Marly dont le dernier opus se nomme Oriana (9). À l’image d’une héroïne de Stefan Zweig, Oriana évoque les effluves embaumants des bijoux, des éventails et même des fontaines, entre fleur d’oranger et crème Chantilly. Chez Trudon, Aphélie (10) est une immersion émotionnel­le dans le paysage du château de la Motte-Chandenier­s. Mousse et vert de lierre, cette folie olfactive est une oeuvre singulière, mystérieus­e et romantique. On adore.

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