LE ROUGE, CLASSE TOUS RISQUES
Il célèbre le pouvoir, la passion et l’amour tout autant que la violence, le péché et l’interdit. Hautement inflammable, le rouge est une couleur augmentée. La teinte parfaite pour commencer l’année.
Robe rouge pour tapis rouge. Le 13 novembre 2021, Lady Gaga arrive en robe corset incarnat Versace, fendue et ultra moulante, à l’avant-première du film House of Gucci. Auparavant, en janvier 2020, c’est la chanteuse Beyoncé qui apparaît, sculpturale, en robe de satin carmin dont le cliché récolte 4,7 millions de likes en moins de 24 heures sur les réseaux sociaux. Pour frapper fort, il faut frapper rouge, et c’est exactement cette force incantatoire sexuelle qu’ont saisi, chacun en leur temps, les créateurs Valentino ou Louboutin pour en faire le fil… rouge de leurs signatures. Si les couleurs influencent les processus créatifs, elles impactent tout autant les comportements des consommateurs. Porter du rouge, c’est voyager en classe tous risques, s’afficher en mode superlatif, devenir sa propre héroïne, se muer en femme augmentée. C’est révéler son magnétisme sexuel de femme fatale de la tête au pied, utilisant à l’envi le choc d’un tissu, le coup de semelle vermillon ou l’effet catch eye d’un insolent stick à lèvres, selon la jolie formule de Mademoiselle : « Si vous êtes triste, ajoutez plus de rouge à lèvres et attaquez ! »
Matière brute éloignée de ses consoeurs – les autres couleurs primaires –, le rouge prête, à travers les âges, ses bonnes grâces à la célébration de la gloire, de la fête, de la beauté et de l’amour, tout autant qu’à celle du péché, de l’interdit, de la colère ou du crime de sang. Symbole de puissance, de richesse et de majesté dans l’Antiquité, il représente le sang du Christ et des flammes de l’enfer au Moyen Âge. Et si, au XVIe siècle, Luther tente de proscrire cette couleur adulée de l’Occident, les Lumières en font le symbole de la contestation dont la France frappe son drapeau à la Révolution, alliant à l’auguste blanc royal du monarque le rouge du peuple de Paris. Contestataire, bouleversante, la couleur écarlate incarne la menace communiste, le « péril rouge » dès la Révolution d’Octobre et durant la Guerre Froide. Les « Rouges » font peur, encore plus quand ils tiennent entre leurs mains le recueil du maoïsme, le fameux Petit Livre rouge, baptisé
« hongbaoshu » (le « livre-trésor rouge ») par les initiés. Oui, la constance du rouge c’est son caractère hautement inflammable. Sa violence infernale. Son explosion fatale. Sa capacité de passer d’un état à un autre, et vous de concert. Et tout simplement sa beauté. Car, dans les langues slaves, « rouge » et « beau » sont un seul et même mot.