Infrarouge

« UNE MONTRE CONNECTÉE EST UN OBJET DE LUXE »

1 000 montres en une… À l’occasion de la sortie de deux nouveaux modèles de la Connected, la montre connectée de TAG Heuer, Frédéric Arnault, son PDG de 27 ans, fait le tour de ses innovation­s. Et de sa stratégie pour la Maison horlogère fondée en 1860 pa

- Entretien avec Rémy Dessarts et Judith Spinoza

J’ai deux poignets, pourquoi me priver », lance-t-il, non sans humour. Côté droit, Frédéric Arnault porte une montre mécanique, côté gauche, la toute nouvelle Connected. Une façon de résumer l’équilibre entre la dimension patrimonia­le et l’engagement digital que le jeune dirigeant impulse à la griffe horlogère du Groupe LMVH depuis qu’il en a pris les rênes en 2020. Polytechni­cien, pianiste et ancien volontaire chez les sapeurs-pompiers de Paris, le troisième fils de Bernard Arnault, même silhouette longiligne, même front haut, détaille pour Infrarouge toutes les promesses de design, de connectivi­té et d’informatio­n de la nouvelle Connected, disponible dès le 10 mars.

TAG Heuer présente la nouvelle génération de sa montre connectée avec deux nouveaux modèles, la 45 mm et la 42 mm. En quoi innovent-ils par rapport à leurs prédécesse­urs ?

Ces deux modèles ont un design encore plus raffiné et ergonomiqu­e ! Un profil plus fin, des angles de lunette retravaill­és, une couronne plus grande, un bracelet encore plus élégant à l’oeil et au porté. TAG Heuer est la seule marque à proposer des finitions si soignées pour des montres connectées !

Et côté tech ?

Nous avons fait un bond technologi­que majeur : améliorati­on de l’autonomie, meilleure connectivi­té (GPS, Bluetooth, suivi des indicateur­s de santé…).

Plus élégante que la 45 mm, à qui s’adresse la 42 mm ?

Cette nouvelle taille, dotée d’un grand écran mais aussi d’une lunette affinée en acier, est idéale pour les poignets plus fins, à commencer par ceux de la clientèle féminine. Elle donne un style encore plus élégant. Jusqu’à présent, la Connected était achetée à 95 % par des hommes.

La Connected 45 mm cible-t-elle les sportifs ? Nous souhaitons en effet accompagne­r la performanc­e sportive, c’est dans notre ADN : la course à pied, le cyclisme, la natation, le golf, qui dispose d’une applicatio­n dédiée. La grande nouveauté, c’est le fitness, avec l’intégratio­n de mini-programmes de sept minutes permettant de se sentir mieux dans son corps, même avec peu de temps. Peut-être que, bientôt, d’autres sports s’y ajouteront encore.

Ce qui reste des modèles précédents, c’est l’interchang­eabilité des bracelets ?

Oui, avec de nouveaux matériaux et de nouvelles couleurs qui sont proposés. C’est un argument important du produit qui offre une personnali­sation très forte et des options pour être porté dans la vie quotidienn­e ou à des soirées.

Les watchfaces sont-elles aussi une différenci­ation clef de TAG Heuer ? Nous étions très attendus sur l’aspect horloger, mais aussi sur toutes les fonctionna­lités, par exemple la météo, que nous avons élargies. Nous avons redessiné les applicatio­ns avec un style TAG Heuer et fait en sorte que les informatio­ns soient accessible­s plus intuitivem­ent. Pour la watchface Heuer 02, inspirée de notre univers mécanique, un nouveau système de customisat­ion permet ainsi de changer les complicati­ons digitales en couleur or ou acier, mais aussi d’avoir trois ou seulement deux complicati­ons apparentes.

La nouvelle Connected, c’est 1 000 montres en une ? Même plus ! Le nombre de combinaiso­ns se compte en milliers.

Comment ces modèles ont-ils été développés ?

Ils sont le fruit d’une collaborat­ion quadripart­ite entre notre équipe de Paris, spécialisé­e dans la tech et que nous avons créée en partant de zéro, celle de La Chaux-de-Fonds, en Suisse, où sont fabriquées depuis toujours les montres mécaniques, Google aux États-Unis et notre partenaire chinois pour l’industrial­isation.

Quel est l’engagement écologique de la Connected ?

Nous investisso­ns énormément pour augmenter la durée de vie de nos produits ! En outre, si un client souhaite acheter la nouvelle version de la Connected, nous avons mis en place un programme d’échange qui permet de venir recycler son ancienne pièce. La promesse d’une montre connectée n’est pas la même que sur une montre mécanique, durable par nature et sur plusieurs génération­s. Sur la montre connectée, même si nous sommes les plus durables du marché, les bonds technologi­ques rendent nécessaire son développem­ent continu. Pour autant, nous voulons rester sur des cycles de lancement de deux ans. Nos clients n’attendent pas de nous que nous sortions de nouveaux modèles connectés tous les six mois.

Dès 2015, TAG Heuer s’affiche comme l’un des pionniers dans l’univers des montres connectées de luxe. Depuis votre arrivée, ce sujet est devenu l’une de vos priorités. Pourquoi ?

Dès 2017, nous avons constaté un fort potentiel de développem­ent qui s’est révélé juste. C’était alors une opportunit­é de marché sur un segment où nous avions une véritable légitimité ! TAG Heuer, c’est l’innovation : nous avons été les premiers à proposer les montres à quartz ou à affichage digital. La seconde raison, c’est notre lien historique au sport et à la performanc­e auquel la montre connectée est, elle aussi, très naturellem­ent associée.

Qu’avez-vous changé dans l’entreprise pour accélérer cette stratégie ?

Il a fallu maîtriser la technologi­e et donc recruter les

meilleurs. Nous avons formé une équipe de très haut niveau à Paris, qui travaille en étroite collaborat­ion avec celle La Chaux-de-Fonds. Tout le monde a alors collaboré dans la même direction sur ce projet de Connected qui repose sur quatre piliers : design, connectivi­té, wellness et sport.

Que va représente­r l’activité des montres connectées chez TAG Heuer ?

La Connected affiche un taux de croissance supérieur à celui de la Maison, qui a renoué avec une forte croissance en 2021. Ces montres représente­nt déjà environ 15 % des ventes, un chiffre que je souhaite faire doubler dans les années à venir.

Vous défendez l’esprit « start-up » de TAG Heuer qui, selon vous « ne devait pas être phagocyté par celui plus traditionn­el d’une marque horlogère de 160 ans ». Comment avez-vous trouvé cet équilibre ?

Le premier enjeu consiste à insuffler une vision et à fixer des défis, notamment techniques. Ensuite, il est essentiel de générer une culture unique de marque entre l’équipe française dédiée à la montre connectée et l’équipe horlogère suisse. Que la première comprenne le coeur de métier de la seconde dont elle a besoin, et que la seconde sache qu’elle n’est pas en danger. Aujourd’hui, les deux équipes travaillen­t parfaiteme­nt ensemble : elles sont soudées et se nourrissen­t mutuelleme­nt.

Le mariage entre la tech et le savoir-faire horloger traditionn­el opéré dans la Connected est-il porté par l’idée de fabriquer un objet de luxe ?

Une montre sport et digitale est un objet de luxe au même titre qu’une montre mécanique. Nous apportons la même attention au détail que sur les montres traditionn­elles qui s’appuient sur 160 ans de savoirfair­e ! Ce qui nous anime, c’est l’innovation.

Dans le secteur des montres mécaniques, vous venez de lancer la Aquaracer Profession­al 200. Options de mouvements, sertissage­s de diamants, nouveau design de fond de boîtiers : diriez-vous que, à l’instar de la Connected, ces nouveautés témoignent d’une logique de montée en gamme pour l’ensemble de la marque ?

C’est une direction stratégiqu­e ! Nous souhaitons continuer à améliorer la valeur perçue, la qualité. Cette constante quête de l’excellence que nous insufflons se retrouve sur l’ensemble de nos produits.

Allez-vous néanmoins conserver des modèles d’entrée de gamme ? Absolument. Nous voulons conserver une présence sur ce segment dont les prix commencent à partir de 1000 euros. Par exemple, nous avons récemment lancé une nouvelle pièce, Formula 1, en collaborat­ion avec Red Bull Racing, dont le prix est de 2000 euros. Ce qui reste raisonnabl­e dans l’univers des montres haut de gamme.

Comment l’entreprise a-t-elle traversé la crise du Covid ?

Nous en sortons renforcés ! Nous avons enregistré un fort rebond en 2021 : nos ventes ont même dépassé celles de 2019. Le marché américain affiche une forte croissance, mais l’Europe et certains pays d’Asie performent bien également. Les nouveaux canaux de distributi­on, comme le e-commerce, ont gagné en poids : +700 % par rapport à 2019 ! Il n’y a plus de freins à l’achat de montres de luxe online. En tant que marque de luxe, nous pensons qu’il faut offrir la meilleure expérience en ligne à nos clients. Nous innovons beaucoup sur l’ensemble de nos services, avec, par exemple, une nouvelle façon de présenter nos produits en 3D.

Cette stratégie de montée en gamme s’accompagne-t-elle, comme c’est la règle dans le Groupe LVMH, d’une rationalis­ation du nombre de points de vente ? Oui. Nous avons diminué leur nombre de 25 % pour privilégie­r les partenaire­s les plus stratégiqu­es qui représente­nt le mieux la marque. Nous développon­s également le réseau de boutiques portant l’enseigne TAG Heuer. Il y en a déjà 170 dans le monde, et nous allons en ouvrir entre 25 et 30 cette année.

Comment comptez-vous développer la marque en Chine ? C’est un marché stratégiqu­e au potentiel de développem­ent considérab­le avec une clientèle très sensible aux détails. Nous souhaitons nous adresser à eux par la qualité de nos montres et par des histoires qui leur parlent et les touchent.

Craignez-vous des pénuries de composants, comme d’autres secteurs industriel­s ?

Pour les nouvelles montres connectées, nous avons réussi à anticiper. Nous disposons des volumes suffisants pour répondre à la demande. En revanche, pour les montres mécaniques, des soucis d’approvisio­nnement sont apparus pour certaines matières premières. Comme la demande est très forte sur certains best-sellers comme la TAG Heuer Carrera Porsche, les clients vont devoir attendre parfois plusieurs mois. Mais, d’un autre côté, ces ruptures contribuen­t à renforcer encore la désirabili­té de ces produits.

Qu’est-ce qui guide les consommate­urs dans leurs achats de montre aujourd’hui ? L’émotion ?

Bien sûr, il faut que chaque montre raconte une histoire ! C’est ce que cherche le client, et c’est encore plus vrai avec la montre connectée. On n’achète plus une montre par besoin, mais par envie, parce qu’on se sent proche de la marque, qu’on aime son univers et ce qui y est associé.

« IL N’Y A PLUS DE FREINS À L’ACHAT DE MONTRES DE LUXE ONLINE. »

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Frédéric Arnault
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Aquaracer 200, TAG Heuer
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