Infrarouge

VALENTINO, HAUTE COUTURE ROMAINE

- Par Judith Spinoza

En imaginant le « rouge Valentino » qu’il intégrera à chacune de ses collection­s, le créateur italien a invité les femmes à révéler leur couleur intérieure et à fusionner leur pouvoir érotique et héroïque. Tailler dans le rouge ? Ce n’est pas Pierpaolo Piccioli, l’actuel DA de la Maison de couture, qui remettra en question ce mantra.

L’anecdote de Valentino Garavani est connue, mais toujours aussi délicieuse. « J’ai eu l’un des plus grands chocs de ma vie à Barcelone : alors étudiant, invité au théâtre de l’Opéra, émerveillé, je vis dans une loge une femme aux cheveux gris, très belle, habillée de velours rouge. Parmi toutes les couleurs portées par les autres femmes, elle m’apparut unique, isolée dans sa splendeur. Je ne l’ai jamais oubliée. Elle est devenue la déesse rouge. Fabuleuse. Je crois qu’une femme habillée de rouge est toujours magnifique, elle est au milieu de la foule l’image parfaite de l’héroïne. » Les héroïnes du couturier débutant ? Des icônes hollywoodi­ennes – Lana Turner, Rita Hayworth, Ava Gardner, Marlène Dietrich, Greta Garbo – qu’il imagine incandesce­ntes. Idéales. Celles qu’il habillera sont du même acabit : d’abord Jackie Kennedy pour la une de Life en 1970, Brooke Shields, pour celle de Time Magazine en 1981, puis, au sommet de sa gloire de styliste, Inés Sastre, Isabella Rossellini, Kate Moss, Liz Hurley, Milla Jovovich et Naomi Campbell, toujours de rouge vêtues, couleur indissocia­ble de la griffe devenue aujourd’hui une couleur Pantone.

Le choix de l’audace

En 2000, à l’occasion des 40 ans de la marque romaine, paraît chez Taschen le livre rouge Valentino, Una grande storia italiana. Un ouvrage de 738 pages relatant 40 années de création et rassemblan­t justement les photos de 40 femmes, dont celles citées plus haut, respectant à la lettre les mots du couturier : « Quand une femme habillée de rouge Valentino arrive dans une soirée, tout le monde la regarde. » Le « rouge Valentino » ? Un mélange, dit-on, de magenta, de jaune et de noir donnant naissance à un incarnat passionnel. Vif intense, qui dit tout de la quête du couturier : l’ardeur et la rigueur, la légèreté et le souci du détail. Ce rouge à lui apparaît en 1959, lors du lancement de sa première collection au sein de sa Maison de couture, sise 11 via Condotti, à Rome. Le jeune couturier y dévoile 20 robes incarnates, dont sa première fleur de tulle grenat. Ardente, frissonnan­te, baptisée « Fiesta », cette robe bustier de cocktail sera déclinée durant les 40 ans du règne de signore Valentino en trente versions différente­s, mais toujours dans la même teinte torride, devenue le signe distinctif de sa marque, qui en pare aussi ses accessoire­s, sacs Stud ou Rose. Depuis son émotion à l’opéra de Barcelone jusqu’à sa retraite en 2008, le couturier n’aura cessé – et aujourd’hui son DA Pierpaolo Piccioli en a fait la démonstrat­ion dans le défilé printemps-été 2022 – d’intégrer systématiq­uement une robe rouge dans ses collection­s. Parce que, dit-il, « une robe rouge est davantage qu’une façon de raconter : elle est synonyme de style ».

100 nuances de rouge

Un point, c’est rouge ! En 2008, pour son défilé de haute couture printempsé­té qui est surtout son défilé d’adieux, Valentino ponctue sa carrière de la même façon qu’il l’a débutée : chacun des modèles porte une robe… rouge. Le rouge n’est pas mort, vive le rouge, soit les nouvelles nuances qu’imaginent après son départ la styliste Maria Grazia Chiuri et Pierpaolo Piccioli, aujourd’hui seul à la direction artistique. Un peu plus d’orange, un soupçon de rose, de noir ou de bleu, ce nouveau rouge démontre son pouvoir fin 2013 en Chine, à l’occasion d’un défilé exceptionn­el organisé à Shanghai, tracé comme un grand coup de pinceau, taillé sur mesure pour ce pays.

La Maison Valentino y dévoile une collection hommage à cette teinte qui, dans l’empire du Milieu, représente la joie et la bonne fortune. Dessinée à l’époque par Maria Grazia Chiuri et Pierpaolo Piccioli, elle va du pourpre au rouge vif et matérialis­e plus de 100 nuances de rouge sur une infinité de tissus. Début 2020, nouveau coup d’éclat à Shanghai. À la Power Station of Art illuminée en rouge Valentino, l’exposition immersive « Re-Signify Part One » fait dialoguer des pièces d’archives avec de l’art. Une manière de redécouvri­r les codes de la Maison au détour d’une des fameuses robes bustiers ou d’installati­ons 3D dans lesquelles des roses géantes refaçonnen­t le plafond et les murs d’une pièce entièremen­t drapée de la couleur qu’on adore porter. Rouge toujours. Photos issues du livre Una grande storia italiana de Valentino Garavani, publié chez Taschen et relié sous coffret de luxe : 33 x 44 cm - 13,15 kilos, 738 pages (2 500 €).

 ?? ??
 ?? ??
 ?? ??
 ?? ??

Newspapers in French

Newspapers from France