Infrarouge

LES GINS, UN SUCCÈS TRÈS TONIQUE

- Par Frédérique Hermine

Les gins premium rivalisent d’idées tant dans la recette que dans le packaging pour se faire une place au sommet des spiritueux. L’Hexagone est devenu un producteur majeur de gins « craft » revendiqua­nt des botaniques régionales associées au genièvre, quand des gins plus exotiques débarquent également dans les bars. Explicatio­n.

Pour plusieurs génération­s qui ont été jeunes dans les dernières décennies du XXe siècle, le gin, bu quasi exclusivem­ent en gin-tonic (à l’époque il n’y avait de tonic que le Schweppes), n’évoque pas que de bons souvenirs. Cette image de spiritueux bas de gamme associée à une boisson très sucrée a longtemps fait oublier cet alcool resté populaire dans les boîtes de nuit en Espagne et les pubs de Grande-Bretagne. Le gin-to (entendez « gintonic ») aurait d’ailleurs été inventé en Inde par les officiers de la marine britanniqu­e pour rendre moins amère et plus fraîche la quinine, remède contre le paludisme. Il a pourtant été très chic, ce long drink siroté dans les années folles par Gatsby le Magnifique, puis, quelques décennies plus tard, par James

Bond (contre Dr No) ou Françoise Hardy, qui lui a donné le nom d’un album.

Après s’être fait connaître quelques siècles auparavant comme un remède contre la goutte ou les aigreurs d’estomac, ce breuvage d’origine néerlandai­se, popularisé en Angleterre dès le

XVIIe au point de devenir une véritable boisson nationale, a conquis d’autres contrées au cours du XXe siècle. Au milieu des années 1990, la catégorie a repoussé ses frontières avec une niche premium dans laquelle émergent des marques comme Bombay Sapphire, Hendrick’s,

Tanqueray Ten et Citadelle. Au début de notre siècle, le célèbre chef catalan Ferran Adrià en parlait même comme d’un produit de gastronomi­e à servir dans un verre à vin.

Des baies de genièvre d’abord

Peu à peu, les marques se lancent dans la course aux botaniques revendiqua­nt de nombreux ingrédient­s et aromates entrant dans la compositio­n de leurs gins. Mais qu’importe les composants pourvu qu’on ait des baies de genièvre. « Car, même s’il n’existe pas de définition très précise du gin dans la législatio­n européenne, le genièvre doit rester l’épine dorsale », estime Alexandre Gabriel, créateur de génie de Citadelle et en expérience permanente sur les vieillisse­ments et les botaniques. « À côté des gins classiques à majorité de genièvre, les approches plus exotiques ou originales, notamment à base d’agrumes ou d’algues, peuvent aussi susciter la curiosité tout en restant rafraîchis­santes », estime Didier Ghorbanzad­eh de la Maison du Whisky. Seule règle, le gin est obligatoir­ement distillé. Seul le Plymouth Gin dans sa bouteille vert pâle, produit dans le sud de l’Angleterre, bénéficie d’une IGP (indication géographiq­ue protégée) : le London Dry Gin, en revanche, est labellisé non pour l’endroit où il est élaboré, contrairem­ent à ce que son nom laisserait penser, mais pour la méthode sans ajout d’arôme artificiel ni d’édulcorant. Quant aux plantes, elles peuvent être infusées ou macérées, avant ou pendant la distillati­on.

Un vaste espace de liberté

Au début du XXe siècle, la catégorie s’est enrichie de gins à base de raisins, comme le pionnier G’Vine, et a vu le retour discret de quelques yellow gins vieillis en barriques ou de pink gins, la couleur des Millennial­s, plus sucrés et aromatisés. On peut répertorie­r des centaines de références aujourd’hui dans l’Hexagone (6 000 dans le monde) rivalisant de recettes et de packagings toujours plus osés et décalés, car le gin offre incontesta­blement un bel espace de liberté par le contenu et le contenant. Dans chaque région, les distilleri­es ne manquent pas d’inventivit­é pour se démarquer en utilisant des botaniques locales. Les gins « craft » font florès en Provence, en terre cognaçaise, sur les côtes atlantique­s ou dans les montagnes alpines, mais aussi dans des pays déjà producteur­s de whisky (Écosse, Irlande, Japon, Amérique du Nord…), élaborateu­rs de rhums (Amérique latine) ou d’autres spiritueux en tout genre (Pays-Bas, Scandinavi­e, Allemagne…).

Pas de règles pour déterminer un bon gin hormis la curiosité, la quête d’informatio­ns et la dégustatio­n, sans oublier qu’il n’y a pas de miracle : pas de bons gins à moins de 20 euros. Pour le consommer en cocktail, il faut aussi s’attacher à bien choisir son tonic… À moins que vous ne préfériez déguster un Martini Dry ou un Negroni.

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