Infrarouge

FESTIVAL DE CANNES COUCOU, LE REVOILOU !

Après trois ans d’éclipse, le plus grand festival de cinéma au monde fait son retour. Trois années où il a dû se réinventer pour coller à une époque qui a bien changé et à une ville qui n’en finit plus de déclarer sa flamme au septième art.

- Par Raphaël Turcat

Ça a été long, très long. Trois ans. Pas forcément pour la montée des marches, dont on arrive à se passer, un peu plus pour le palmarès, qui donne le « la » de l’année cinématogr­aphique, énormément pour l’industrie qui s’est vue privée de marché alors que, dans le même temps, les plateforme­s de streaming faisaient feu de tout bois. En 2020 ? Confinemen­t oblige, tout le monde est resté chez soi à regarder Netflix. En 2021 ? Décalé en juillet, l’événement a été privé de sa sève (le marché) et le label « Festival de Cannes » a été distribué à tire-larigot pour sauver de l’anonymat de multiples films en rade sur le marché internatio­nal. En 2022, après ces deux années de disette, le Festival est donc devenu une sorte de « born again », loin des fastes passés, plus humble, riche de nouvelles sections plus populaires, pour redevenir à la fois le coeur et les poumons de presque toute une profession. « Le cinéma n’est pas mort, à condition qu’il se réinvente », avoue de lui-même Thierry Frémaux, délégué général du Festival qui aura eu toutes les peines du monde à trouver son président du jury (Vincent Lindon), mais qui se réjouit de voir les profession­nels du monde entier revenir sur la Croisette. Qu’on se le dise : après un président qui s’est fait élire sur cette promesse en 2012, le Festival de Cannes devient un festival

« normal » dix ans plus tard.

Rien que du beau monde

Cette année, Cannes fête ses 75 ans, riche d’une histoire qui l’a vu naître juste après la Seconde Guerre mondiale, mais dont l’idée a germé quelques années auparavant pour contrer la puissance de la Mostra de Venise, alors sous la coupe des fascistes de Mussolini et des nazis allemands. Ça, c’est pour l’histoire. Pour les paillettes, le glam, les robes de folie, les smokings impeccable­s, les sourires aux dents très blanches, les budgets coiffeurs qui explosent et les fans qui font coucou, se presseront donc du 17 au 28 mai prochains sur les marches du Palais (dans le désordre) : Tom Cruise, de retour après 30 ans, Tom Hanks, Marion Cotillard, Gilles Lellouche, Anaïs Demoustier, Virginie Efira (qui présentera les cérémonies d’ouverture et de clôture), Bérénice Bejo, Romain Duris, on en passe et des meilleurs. Dans les salles obscures, l’excitation sera à son comble pour Les Crimes du futur de David Cronenberg, son premier film depuis huit ans et alors qu’il avait indiqué prendre sa retraite, Les Amandiers de Valeria Bruni Tedeschi, genèse 80’s du théâtre de Nanterre période Patrice Chéreau, Armageddon Time, autre chronique des années 1980 par un James Gray qui avait pourtant annoncé qu’il ne remettrait plus jamais les pieds à Cannes.

Dans cette sélection où vont se croiser plusieurs réalisateu­rs déjà palmés (les frères Dardenne, Cristian Mungiu, Hirokazu Kore-eda), on guettera le Holy Spider d’Ali Abbasi, un thriller qui fout les jetons avec un père de famille cherchant à nettoyer sa ville de la prostituti­on, et Close du Belge Lukas Dhont, sur une amitié entre deux ados qui part en quenouille. Enfin, Michel Hazanavici­us s’attaque au remake d’un film japonais de zombies qui connut un succès viral en 2019 malgré ses trois cacahuètes de budget. On ne comprend pas bien l’intérêt du réalisateu­r de multiplier les frais de production par 20 – un peu comme si Spielberg refaisait The Blair Witch Project avec la puissance d’Hollywood – alors que l’entièreté du charme de l’original résidait justement dans son peu de moyens. Mais ne soyons pas mauvaise langue avant que ne débute la compétitio­n et réjouisson­s-nous qu’une ville comme Cannes mette les bouchées doubles sur le cinéma (voir pages suivantes) : ça, c’est une vraie love story !

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« Il vous en prie. »

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