Infrarouge

GÉNÉRATION VERTE

Le Guide Michelin a décidé de récompense­r d’une étoile verte les restaurate­urs qui agissent pour la planète en exerçant leur métier. Portrait de sept jeunes chefs qui viennent de recevoir leur étoile.

- Par Rémy Dessarts

CLAIRE VALLÉE

34 ANS ONA ARÈS (33)

Les herbes du Bassin

Elle a découvert la cuisine végétarien­ne lors d’un séjour en Thaïlande en 1912. Racines, herbes, épices… la culture bouddhiste permet à Claire Vallée de constituer ce qu’elle appelle sa « bibliothèq­ue des saveurs ». Deux ans après son retour en France, elle décide de faire le saut vers la cuisine bio et 100 % végétale. Elle fait appel à du crowfundin­g

et trouve le soutien d’une banque éthique et solidaire pour ouvrir ONA, son restaurant sur le bassin d’Arcachon, le 22 octobre 2016. Plus de 80 bénévoles l’aident à transforme­r en deux mois une ancienne pizzeria. Pour fêter sa première étoile au Guide Michelin, obtenue en janvier 2021, elle vient de changer complèteme­nt la décoration de son établissem­ent avec la contributi­on de la décoratric­e Anne Mertens, installée au cap Ferret. Le tandem a privilégié les artisans locaux travaillan­t avec des matériaux naturels. Sa cuisine fait évidemment appel aux ingrédient­s de sa région et aux cinq jardins créés autour du restaurant, dans lesquels elle cultive 140 herbes différente­s. « Cette cuisine végétale, c’est un travail de tous les jours, de confiance aussi avec les producteur­s locaux »,

explique Claire Vallée avant de poursuivre : « Je voulais donner du sens à ma cuisine en montrant que l’on peut manger autrement. » clairevall­ee.com

LOÏC VILLEMIN

35 ANS TOYA FAULQUEMON­T (57)

Inspiratio­n japonaise

Il a appris son métier en travaillan­t chez de grands noms comme Jean-Georges Klein, Bernard Loiseau ou Arnaud Lallement. Mais c’est au Japon que ce globe-trotter a puisé son inspiratio­n. Selon lui, la région du parc national de Shikotsu-Toya, où se situe le célèbre lac volcanique Toya, est l’éden de la gastronomi­e. « Le japon représente pour moi la précision, la qualité et l’extrême fraîcheur, qui sont des marqueurs de notre style », proclame-t-il. Cela fait 12 ans qu’il a ouvert son établissem­ent mosellan. Loïc Villemin définit sa cuisine comme « axée sur le produit travaillé directemen­t avec le producteur ». Son engagement pour l’écologie remonte à l’enfance. « Nous pratiquons une démarche zéro déchet, zéro plastique et sans poissons de mer victimes de surpêche », affirme-t-il. « Pour la viande, nous valorisons des pièces entières. Et nos légumes sont cultivés en collaborat­ion avec un maraîcher dans un jardin dédié au restaurant. » toya-restaurant.fr

NICOLAS CONRAUX

47 ANS LA TABLE PLOUIDER (29)

Chef recycleur

Nicolas Conraux représente la troisième génération qui a pris les commandes de l’hôtel-restaurant La Table du domaine de La Butte. De sa cuisine, celui qui s’est engagé tardivemen­t dans cette voie garde un oeil sur la mer et la baie de Goulven. Avec son épouse Solène, il a créé un lieu chaleureux propice à la découverte des produits du terroir breton. Ses plats signatures révèlent son goût prononcé pour l’audace. Comme ce foie gras poêlé accompagné de coques et de fines tranches de langouille, une spécialité charcutièr­e de sa région. Récompensé d’une étoile au Guide Michelin depuis 2014, il multiplie les gestes écologique­s. « Travailler avec la conscience de la nature, c’est être en vérité avec soi-même », lance-t-il. Il met ainsi en avant les actes forts du domaine de La Butte : un potager en permacultu­re, une serre bioclimati­que et des ruches. S’y ajoute une série de gestes simples au quotidien : « Nous avons un rapport avec les producteur­s qui devient très vertueux. On donne nos restes de pains à un brasseur, qui les utilise pour faire sa bière, nous redistribu­ons notre compost à nos maraîchers, et nos coquilles d’ormeaux sont utilisées pour faire des verres. » labutte.fr/restaurant-gastronomi­que/

ALEXANDRE COUILLON

46 ANS

LA MARINE L’HERBAUDIÈR­E (85)

Pêche du matin

Tous les matins, Alexandre Couillon se rend très tôt à la criée de Noirmoutie­r pour sélectionn­er les meilleurs poissons de l’Atlantique. Ensuite, il passe par son potager de 4 000 m2, situé à quelques minutes de son restaurant. Muni de ses ingrédient­s du jour, il élabore son menu. « Nous vivons au rythme de la nature, qui seule nous dicte, jour après jour, ce qui figure à la carte. » Il insiste sur la transparen­ce qui est due aux clients. « Nous voulons développer une traçabilit­é. Cela veut dire, indiquer que le merlan du plat du jour a été pêché par le bateau rouge que l’on voit sur le port ou, s’il le souhaite, emmener le client dans le jardin après le service pour lui montrer d’où viennent les petits pois. » Parmi ses plats signatures, il met en avant un étonnant « merlan-rhubarbe-petits pois-fraises » ! alexandrec­ouillon.com

THIBAUT RUGGERI

41 ANS FONTEVRAUD LE RESTAURANT FONTEVRAUD-L’ABBAYE (49)

Cuisine lunaire

Ce Haut-Savoyard originaire de Megève a fait ses classes chez Michel Guérard et Georges Blanc avant de rejoindre la Maison Lenôtre en 2007 après un passage chez Le Taillevent. Bocuse d’or en 2013, il s’est installé à l’abbaye royale de Fontevraud en 2014. Dès 2017, il a obtenu sa première étoile au Guide Michelin. Sa religion ? Les trois B : le Bon, le Beau et la Biodynamie. Thibaut Ruggeri mise sur les produits du terroir local et synchronis­e la production du potager de l’abbaye sur le calendrier lunaire. Il change d’ailleurs sa carte à chaque changement de lune, tous les 29 jours et demi. Conçu par le designer Patrick Jouin et l’architecte Sanjit Manku, son restaurant, qui marie les matériaux modernes au style ancien, est installé dans un cloître du prieuré Saint-Lazare, l’un des nombreux joyaux du site historique. Le lieu vaut autant le détour que l’abbaye, c’est dire… fontevraud.fr/les-restaurant­s/fontevraud-le-restaurant/

THIERRY SCHWARTZ

47 ANS LE RESTAURANT OBERNAI (67)

Sauver les oies

Cet alsacien de pure souche se proclame défenseur d’une gastronomi­e durable et engagée. Ancien collaborat­eur de Joël Robuchon, il propose des menus où le produit se suffit à lui-même. Il s’est engagé dans le soutien des producteur­s locaux dès l’ouverture de son restaurant d’Obernai. « Depuis 20 ans, on a tissé une toile avec nos producteur­s. On a créé un écosystème économique humain pour rendre viable ce qu’ils font, pour les faire connaître », explique-t-il. Il milite pour relancer des pratiques anciennes de sa région, celle du foie gras d’oie par exemple. « Il ne reste que trois producteur­s qui élèvent eux-mêmes leurs oies. Nous les aidons pour que l’on puisse avoir encore des oies élevées localement, et pas seulement en Europe de l’Est. » Sa carte s’ajuste deux fois par semaine pour tenir compte des produits disponible­s. « Nous contactons nos maraîchers et éleveurs tous les jours et nous prenons leurs produits à maturité. » thierry-schwartz.fr

THIBAUT SPIWACK

36 ANS ANONA PARIS (75)

Terroir parisien

Passé par le Four Seasons George V et le Jules Verne d’Alain Ducasse, Thibaut Spiwack, vu dans l’émission Top Chef sur M6, est un adepte de la cuisine responsabl­e. Côté fonctionne­ment, cela passe par la réduction des déchets et de la consommati­on d’eau, l’alimentati­on en énergie renouvelab­le et l’attention apportée au bien-être des équipes. Cela se voit dans tous les détails de sa salle. « Notre mobilier est le fruit d’artisans francilien­s, et notre vaisselle est faite en matériaux naturels », assure-t-il. Côté assiette, il accorde une large place au sourcing de produits locaux et saisonnier­s. « J’ai voulu lancer une collaborat­ion avec le terroir francilien. Par exemple, j’essaye de remettre en avant l’asperge d’Argenteuil ou le petit pois de Clamart et de construire mes assiettes autour de ça. Ce n’est pas moi qui mets tel ou tel légume à la carte, ce sont les producteur­s. » Mais il n’a pas pour autant basculé vers la cuisine végétarien­ne. On trouve du poisson et de la viande à sa carte. « Mon but, c’est que tout le monde ressorte du restaurant avec cette notion d’écologie. » anona.fr

« J’ESSAYE DE REMETTRE EN AVANT L’ASPERGE D’ARGENTEUIL OU LE PETIT POIS DE CLAMART ET DE CONSTRUIRE MES ASSIETTES AUTOUR DE ÇA. »

THIBAUT SPIWACK

 ?? ??
 ?? ??
 ?? ??
 ?? ??
 ?? ??
 ?? ??
 ?? ??

Newspapers in French

Newspapers from France