Infrarouge

C -HANEL 1932, L’AFFAIRE DES BIJOUX

Présentée à Paris en juillet, la collection de haute joaillerie « 1932 » est un hommage flamboyant à celle que la frondeuse Mademoisel­le dévoilait à grand bruit il y a 90 ans.

- Par Judith Spinoza

«Que les bijoux de Chanel soient démontés ! » La mode oserait-elle concurrenc­er les joailliers de la place Vendôme ? Novembre 1932, l’affaire des diamants éclate. À la demande de la Diamond Corporatio­n Limited de Londres, qui possède le monopole dans le commerce de cette pierre précieuse, Gabrielle Chanel vient de présenter l’exposition caritative « Bijoux de diamants ». Une cinquantai­ne de pièces de haute joaillerie, souples et démontable­s, constellée­s de diamants, que les dames du beau monde découvrent émerveillé­es au rez-de-chaussée de son hôtel particulie­r du 29, rue Saint-Honoré. Des étoiles, des comètes, des croissants de lune scintillan­ts au cou et, aux oreilles, de « ravissants mannequins de cire qui semblent sortir des mains de Praxitèle ou de Clodion et des ruches d’Humette* », rapporte, dithyrambi­que, le quotidien L’Intransige­ant. Ou tout simplement l’exposition la plus « sensationn­elle de l’automne ». Un coup d’éclat lourd de carats – il y en a, dit-on, pour 20 millions de francs de pierres – qui suscite l’agacement ches les joailliers de la place Vendôme. S’ils demandent à Mademoisel­le de démonter ses parures après l’exposition – seules deux pièces ont été retrouvées à ce jour –, Coco a déjà réussi sa démonstrat­ion. Fidèle à son esprit avant-gardiste, qui ne cède rien à sa quête d’excellence, elle pose ainsi les bases de sa syntaxe personnell­e dictant encore aujourd’hui la grammaire joaillière de la Maison : d’abord, créer des parures nouvelles fondées sur la simplifica­tion de la monture et la multiplici­té des portés – « Voyez ce collier, vous pouvez en faire à l’instant trois bracelets et une broche » ou encore « Je veux que le bijou soit aux doigts de la femme comme un ruban » –, ensuite, célébrer un véritable luxe de qualité.

Audace et féminité

90 ans plus tard, les 77 créations, dont 12 transforma­bles, imaginées autour du thème astral par Patrice Leguéreau, directeur du Studio de Création Chanel, font écho au principe de liberté de mouvement édicté au début du siècle : « En les portant comme bon leur semble, les femmes décident d’une façon qui n’appartient qu’à elles de prolonger la course des comètes le long de la peau »,

souligne-t-on au numéro 18 de la place Vendôme. « J’ai voulu revenir à l’essence de 1932 et synthétise­r le message autour de trois symboles : la comète, la lune et le soleil. Chaque astre brille autour de sa propre lumière »,

précise Patrice Leguéreau. Saphirs bleus, diamants jaunes ou bleus, opales, rubis, spinelles, tanzanites couleur du ciel… cette collection est « un voyage hors du sol et du temps où s’observent la révolution des planètes et la cinétique des astres ». Et une révolution tout court, qui rappelle celle entamée par Gabrielle en son temps lorsqu’elle lançait à ses détracteur­s : « Jadis, un bijou, c’était d’abord un dessin. Mes bijoux représente­nt d’abord une idée. »

* L’Intransige­ant du 26 octobre 1932.

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CHANEL
La course de l’étoile filante du collier
Pluie de Comètes
rappelle celle du collier Comète
d’origine
CHANEL Bague
Soleil 19 Août
Ci-contre CHANEL La course de l’étoile filante du collier Pluie de Comètes rappelle celle du collier Comète d’origine CHANEL Bague Soleil 19 Août

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