L’ÉDEN VU PAR BULGARI : UN JARDIN À MAGIE DOUBLE
La collection de haute joaillerie « Eden, The Garden of Wonders » annonce une nouvelle ère chez Bulgari : la montre bijou vivante. Entretien avec Fabrizio Buonamassa, directeur du centre de design horloger de la Maison romaine, qui révolutionna le porté d
Les montres ont des allures de jardins enchanteurs. Parfois, leurs cadrans – et même un unique serpent bien caché – se dissimulent entre les fleurs, les feuilles et les papillons peuplant ce paradis. Oasis florale, cette collection Bulgari est aussi un Éden de tous les superlatifs : le faste des pierres allié à un savoir-faire d’exception : 47 carats d’émeraudes pour la Emerald Venus, un cadran en diamants serti neige paré d’une tourmaline vert menthe de 9,6 carats pour Blooming Beauty, 500 pierres pour Giardino dell’Eden Piccolissimo, 4 000 heures de travail et 6 500 pierres pour Giardino dell’Eden Tourbillon et, enfin, 95 carats de rubellites pour la Serpenti Misteriosi Riviera. Les cinq montres prouvent une nouvelle fois la place d’exception qu’occupe la Maison romaine dans la pyramide du luxe et du savoir-faire d’exception.
Pourquoi la Maison Bulgari, connue pour ses formes géométriques, a-t-elle opté pour cette narration naturaliste ?
C’était l’opportunité d’une créativité différente. Bulgari est plutôt connue pour ses éléments géométriques avec les Tubogas ou les Scaglie. Avec les montres Giardino, nous avions envie d’explorer un univers moins rigide, avec une nouvelle féminité.
C’était aussi l’idée de présenter des créations « vivantes » ?
Lorsque nous avons commencé à dessiner, nous désirions interpréter le thème du jardin d’Éden. En avançant dans ce travail, notre souhait était de ne pas avoir seulement un jardin vivant à notre poignet, mais littéralement d’en faire partie grâce à des bijoux mobiles.
Sur la Tourbillon, par exemple, les fleurs tournent sur le poignet et sont détachables pour devenir des broches. Le papillon bouge. C’est un voyage prodigieux.
Évoquant un jardin méditerranéen, la montre Giardino dell’Eden
Tourbillon est une explosion de pétales, de feuilles et de papillons, tandis que la Giardino dell’Eden Piccolissimo révèle une symphonie animée de papillons et de fleurs.
J’ai demandé à mon designer : « À quoi pensez-vous maintenant que vous avez imaginé le jardin d’Éden et qu’il y a tout dedans ? » C’est alors qu’on a eu l’idée de cacher le cadran entre les fleurs, les feuilles et les papillons, dans la Giardino dell’Eden Tourbillon, et de dissimuler le serpent en dessous des pétales et des papillons, pour la Giardino dell’Eden Piccolissimo !
Que change techniquement ce parti pris vivant ?
Pour la Tourbillon, nous avons consacré 4 000 heures de travail et surtout, chose incroyable, nous avons répertorié plus de 75 pétales pour l’ensemble des cinq fleurs ! C’est un travail extraordinaire puisque ces fleurs sont conçues parfois dans des dimensions différentes, auquel il faut ajouter l’exécution remarquable des feuilles et des deux papillons, montés respectivement sur des pivots et des « trembleurs », selon une technique joaillière ancienne et très particulière.
Au total, combien de carats et d’heures de travail représentent la Tourbillon et la Piccolissimo, les deux montres les plus singulières de ce jardin ?
Leurs fleurs et leurs papillons ont été inspirés par des broches des années 1950 retrouvées dans nos archives. Ce sont les montres les plus difficiles qu’on ait produites. Au total, ce sont 6 000 heures de travail et 350 carats environ. Soit, respectivement, 4 000 heures de travail et 250 carats pour la Tourbillon, 2 000 heures de travail et 100 carats pour la Piccolissimo.
Combien de corps de métiers ont été mobilisés pour réaliser ces chefs-d’oeuvre ?
C’est difficile à dire. Je mettrai plutôt en avant notre savoir-faire joaillier unique. Cette façon de donner tant de légèreté aux pétales et aux fleurs est unique et extrêmement complexe. Très connue pour ses formes géométriques, Bulgari est désormais réputée pour sa créativité grandiose. Il était important de mélanger les couleurs, les fleurs et les papillons pour célébrer tous ces aspects de la Maison.
Quelle forme a prise l’interaction des savoirfaire horloger et joaillier ?
Pour les montres en parure, le design s’inspirait de la pièce joaillière avec le choix commun des couleurs et des pierres. Pour les trois créations horlogères, le design était unique et original.
Côté technique, pour la première fois un mouvement mécanique tourbillon d’une extrême précision a été intégré à une montre de haute joaillerie Bulgari. En quoi était-ce un challenge ?
Parce que c’est un mouvement manuel qu’on doit remonter. La structure de fleurs rend la manoeuvre difficile. Nous avons donc dû inventer un système de charnière pour pouvoir la déplacer. La Tourbillon est la montre la plus précieuse et la plus difficile qu’on ait jamais réalisée. Nous avons appliqué le savoir-faire développé sur ce modèle à la Piccolissimo. Cette dernière est dotée d’un des plus petits mouvements au monde. Nous avons créé un container – une boîte fermée avec verre, circuit, cadran et couronne – installé dans la montre bijou.
Quels sont les autres défis que vous avez relevés pour cette collection ?
Pouvoir répondre à la demande de mise à taille des clients avec des systèmes de fermeture sophistiqués. Pour le bracelet semirigide Piccolissimo, par exemple, nous avons créé des maillons de mise en mesure. Celui de la Tourbillon, également semi-rigide mais ouvert, se ferme par une feuille afin d’éviter tout risque de perte. L’autre défi, à cause des nombreuses pierres et de l’or, consistait à réduire au maximum le poids des pièces.
Quels sont vos modèles préférés de ce « Garden of Wonders » ?
Je suis depuis 20 ans chez Bulgari. J’ai vu beaucoup de montres extraordinaires dessinées par mes équipes. Les deux modèles Giardino, c’est un peu comme à l’arrivée de l’Octo Finissimo. Il y
a un avant et un après.
Votre recherche créative a-t-elle évolué ?
Désormais, mon concept, c’est d’imaginer des pièces vivantes, qui offrent une interaction avec son possesseur : chaque fois qu’on porte la pièce, on découvre un nouveau mouvement de paillon, de fleur ou un nouveau bruit. C’est une narration magique. J’aime la géométrie, mais j’aime aussi les choses poétiques. C’est comme avec l’Octo Finissimo à l’époque. Une montre ultraplate sportive qui n’existait pas. On a réussi à insuffler de nouveaux codes et à mélanger des univers. Aujourd’hui, je cherche quelque chose d’encore plus dynamique. C’est ça, la chose intéressante du processus créatif : trouver un produit qui matche avec une réflexion nouvelle. C’est une quête difficile. On part d’un concept qui devient par la suite un acte stylistique. Le produit n’est pas issu d’une simple exigence esthétique, mais d’une réflexion conceptuelle.
Octo Finissimo et Giardino dell’Eden : deux univers différents, mais en réalité la même « rupture » ?
En effet. L’Octo et la Giardino, c’est le même fil rouge : une façon différente d’accrocher une montre bijou au poignet ! Et puis, un designer doit savoir tout dessiner. Sinon, on devient trop spécialisé.
« LES DEUX MODÈLES GIARDINO, C’EST UN PEU COMME À L’ARRIVÉE DE L’OCTO FINISSIMO. IL Y A UN AVANT ET UN APRÈS. »