CUBA FIDÈLE AU ron
Alors que le rhum ne cesse de s’enrichir de nouvelles origines à travers le monde, Cuba, où la canne à sucre fleurit partout dans l’île, peut revendiquer une longue histoire avec l’aguardiente.
L’aguardiente, ancêtre du rhum, a d’abord été artisanale pendant plusieurs siècles, se développant en parallèle de la culture de la canne à sucre sous la période coloniale. On en faisait du tafia obtenu par simple fermentation avant que les premiers alambics n’apparaissent dans l’île au XIXe siècle – ils étaient jusqu’alors interdits par la cour d’Espagne. Le rhum, appelé « ron » à Cuba, doit beaucoup à Pedro Diago, qui eut l’idée de l’affiner en le faisant vieillir dans des jarres enterrées puis, plus tard, dans des fûts de chêne. À partir du milieu du XIXe siècle, plusieurs distilleries surgissent dans le paysage, dont celle d’un certain Facundo Bacardi, qui crée le premier rhum blanc filtré au charbon de bois, plus léger que le ron brun consommé à l’époque. Le spiritueux prospère au XXe siècle, notamment en cocktails grâce aux riches Américains venant festoyer dans l’île.
De la chauve-souris au crocodile
Après l’arrivée au pouvoir de Fidel Castro en 1959, les distilleries Bacardi sont confisquées, et la marque à la chauve-souris relance la production depuis Porto Rico et les Bermudes. Au début des années 1990 renaît le label Havana Club, également nationalisé en 1960. Celui-ci revient sur la scène internationale en 1993 via un partenariat entre la société d’État Cuba Ron et le groupe français PernodRicard, qui va en faire l’un de ses produits phares. Havana Club est devenu en trois décennies la troisième marque mondiale de rhum, exportée dans plus de 120 pays, hormis aux États-Unis où le label est toujours sous embargo. À côté des éditions limitées est arrivée depuis peu la première référence de spiced rum, qui n’est pas vraiment un rhum puisqu’il ne titre qu’à 35 % vol.
Si certaines marques comme Cubay, Caney, Mulata ou Varadero restent locales, d’autres ont commencé à s’exporter dans le sillage d’Havana. Il en va ainsi de Santiago de Cuba, Santisima Trinidad, Conde de Cuba, Legendario ou Black Tears… Dernière création en date, le rhum Eminente, fruit de la collaboration entre César Marti, le plus jeune maître rhumier cubain, et Moët Hennessy (Groupe LVMH) en collaboration avec Cuba Ron. Ce ron premium, assemblage d’eaux-de-vie vieillies sept ans minimum en fûts de chêne, s’est même offert une bouteille inédite à la gravure reptilienne qui évoque l’isla del cocodrilo (« l’île du crocodile »), le surnom de Cuba.