Infrarouge

FARMER LEE JONES, LE FERMIER AMÉRICAIN BON POUR LA SANTÉ

- Propos recueillis par Giulia Lombardi farmerjone­sfarm.com

Ne lui parlez surtout pas d’agricultur­e intensive. Farmer Lee Jones s’est donné comme mission de produire des légumes aussi savoureux et nutritifs que beaux dans l’assiette. Sa ferme de 140 hectares près de Cleveland, l’une des plus innovantes au monde, fait du sur-mesure pour de nombreux chefs étoilés.

Vous fournissez vos légumes aux plus grands restaurant­s des États-Unis et même du monde, parmi lesquels ceux des chefs étoilés Daniel Boulud ou Alain Ducasse. Comment sont nées ces collaborat­ions ?

Nous avons fait la connaissan­ce d’une cheffe formée en France, Iris Bailin, qui cherchait des fleurs de courge, et personne ne les cultivait comme elle le souhaitait. C’est elle qui a convaincu mon père qu’il existait un marché pour les produits de spécialité à l’intention des chefs. Elle nous a présenté Jean-Louis Palladin à la fin des années 1980, qui était alors le plus jeune chef deux étoiles Michelin en France et à Washington. Il a décroché le téléphone pour appeler Daniel Boulud et Alain Ducasse, et il leur a dit : « J’ai un gars qui essaie de faire les choses dans les règles de l’art, nous devons le soutenir. » Et c’était parti !

Mais avant de prospérer dans ce marché de niche, la ferme a failli disparaîtr­e…

Oui, nous avons tout perdu après avoir subi une tempête de grêle en 1982. À cette époque, c’était encore une ferme classique produisant des légumes frais du marché pour une grande chaîne de plusieurs centaines d’épiceries. Sans ces chefs, nous ne serions sans doute plus là aujourd’hui. Grâce à leur volonté de cultiver des légumes uniques de cette manière, nous avons la chance d’être une extension de leur cuisine depuis plus de 40 ans.

Combien de tonnes de légumes produisez-vous chaque année ?

Notre objectif n’est pas d’être grands, mais de produire du bon. Nous voulons faire les légumes les plus nutritifs qui soient. En Amérique, tout est toujours question de quantité. Nous essayons de renverser ce système.

Avec un bénéfice direct sur la santé…

Le niveau nutritionn­el des légumes a considérab­lement diminué depuis 1950. Cela s’est accompagné à cette époque par une augmentati­on des maladies. Notre objectif depuis 40 ans est de produire la meilleure saveur, et de le faire naturellem­ent. C’est pourquoi mon père a eu l’idée de construire un laboratoir­e de recherche sur place afin que nous puissions tester le sol à la ferme et les qualités nutritives de nos légumes. Et, croyez-moi, les résultats sont excellents !

Vous disposez donc d’un centre de recherche et de développem­ent à l’intérieur de votre ferme ?

Absolument ! C’est comme quand vous allez chez le médecin pour faire un prélèvemen­t de sang et que vous constatez que vous avez un taux de fer ou de calcium élevé ou faible et que vous découvrez quels sont vos niveaux de minéraux dans le corps. Nous faisons la même chose avec le sol. Différents types de plantes récolteron­t différents types d’énergies solaires. Ce que nous essayons vraiment d’atteindre, c’est l’équilibre.

Un pharmacien travaille même pour vous, paraît-il…

Oui, c’est le Dr Amy. Nous avons développé avec elle une marque commercial­e : Farmacy at The Chef’s Garden. Nous croyons que, dans un avenir très proche, les médecins seront en mesure de prescrire des légumes au lieu de médicament­s.

Pourrions-nous imaginer votre modèle reproduit ailleurs dans le monde ou sommes-nous condamnés à l’agricultur­e intensive telle qu’elle existe ?

Je pense que c’est un modèle qui va se développer. C’est une nécessité, on n’a pas le choix… c’est vital pour la durabilité de notre société. Nous ne pouvons pas continuer ainsi… Il n’y a qu’à voir l’augmentati­on des maladies !

Vous travaillez avec 500 restaurant­s et expédiez vos produits dans 27 pays. Ne pensez-vous pas qu’il faudrait plutôt acheter et consommer localement ?

Je vous rassure, nous n’affrétons aucun avion. On rentabilis­e des vols déjà planifiés en leur glissant quelques cageots à bord. Et puis, pour moi, la durabilité environnem­entale, ce n’est pas vraiment la question « d’où » viennent vos aliments, mais « comment » ils sont produits. L’agricultur­e régénératr­ice consiste à reconstrui­re le sol naturellem­ent et à créer un environnem­ent qui paie les travailleu­rs équitablem­ent.

Cela a un coût pour les clients. Il est donc juste de dire que vos légumes, laitues et herbes ne sont pas nécessaire­ment bon marché ?

Je pense tout le contraire. Si vous mangez des carottes plus nutritives, vous aurez besoin d’en consommer beaucoup moins que si elles venaient du supermarch­é. Résultat : vous achetez en plus petite quantité.

Avez-vous un légume préféré ?

Cela dépend de la saison. Mon légume favori est celui que j’ai devant le nez dans mon potager. Nous devrions manger des asperges trois fois par jour quand c’est la saison, et juste en rêver les dix autres mois de l’année…

Quotidienn­ement, quelle que soit la saison, vous portez une salopette et un noeud papillon rouge. Combien en possédez-vous ?

J’ai 18 noeuds papillon rouges, 18 chemises blanches et 18 paires de salopettes. Je les porte tous les jours et en toute occasion, y compris lors de l’ouverture du premier restaurant new-yorkais d’Alain Ducasse. C’est mon uniforme à moi !

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