Infrarouge

Forget, ENTRE SOMMELIER ET CAVISTE

Ancien chef de rang de Philippe Faure-Brac, Meilleur Sommelier du Monde 1992, Hugues Forget est le chef de cave de La Grande Épicerie depuis plus de 20 ans. Il aime proposer de vieux millésimes prêts à boire et suggérer la meilleure bouteille pour un repa

- Par Frédérique Hermine

Si la Grande Épicerie, du Groupe LVMH, existe depuis près d’un siècle – elle fêtera son centenaire l’an prochain –, elle ne s’est dotée d’une cave que depuis une cinquantai­ne d’années. Celle-ci a été agrandie à la fin des années 1990, date à laquelle Hugues Forget est arrivé dans le grand magasin de la rive gauche. En charge depuis 2001 de la nouvelle cave, il a fait passer les références de 1 000 à 3 000 en développan­t la mise en vieillisse­ment des bouteilles – plus de 200 000 bouteilles en cave – et en axant le conseil sur les accords mets-vins.

Quels sont les points forts de la cave en matière de régions viticoles ?

Quand j’ai pris la responsabi­lité de la cave, j’ai augmenté les référencem­ents, notamment avec un peu plus de champagnes, de bourgognes de négoce et surtout de bordeaux, qui représenta­ient alors 60 % des ventes. Aujourd’hui, la région bordelaise pèse à peine 20 % tout en continuant à progresser en termes de ventes, et nous achetons toujours beaucoup de vins primeurs. Mais nous avons fait croître les autres régions, comme la Loire, le Languedoc, le Rhône, depuis que nous disposons de plus d’espace avec la nouvelle cave.

Vous proposez plutôt des vins à boire ou des vins de garde ?

Les deux puisque je conserve des millésimes pour les faire vieillir et les sortir quand ils sont prêts à boire.

J’ai la chance d’avoir, par la sommelleri­e, les contacts pour dénicher des producteur­s de talent et obtenir des allocation­s de grands vins, mais il faut aussi savoir prendre des risques. J’ai, par exemple, les premiers millésimes du la-romanée de Liger-Belair, du meursault d’Henri Boillot… Nous portons les vins pour les consommate­urs citadins qui n’ont pas de cave, et notre travail est de les proposer quand ils sont bons à boire. D’ailleurs, la majorité des clients de la Grande Épicerie ne viennent que pour le vin. De la sommelleri­e, j’ai aussi gardé le goût du conseil. Quand un client me demande un vin à 50 €, je lui réponds : « Que voulez-vous manger avec ? »

Il y a 20 ans, c’était surprenant, presque révolution­naire. Je me souviens du chef Alain Senderens, le génie des accords mets-vins, qui pouvait torturer ses cuisiniers sur la taille des pommes de terre pour les servir avec un montrachet. Mais c’est aussi par les accords que certaines régions ont pu émerger.

Comment dénichez-vous les nouvelles pépites ?

Il faut aller chercher des vignerons dans les grandes manifestat­ions où l’on peut goûter beaucoup de vins, comme Découverte­s en Vallée du Rhône ou Les Grands Jours de Bourgogne, et je visite les domaines de janvier à juin. Ces régions ne craignent pas la concurrenc­e, et les vignerons n’hésitent pas à faire déguster de vieux millésimes, à recommande­r un voisin. Ce n’est pas souvent le cas à Bordeaux, où l’on ne trouve plus de petits vins friands par le négoce, et il n’y a pas de salon pour cette catégorie. La région nécessite donc un travail de fourmi pour repérer autre chose que des grands crus classés, dont les prix ne cessent de grimper. Je me souviens avec nostalgie du Petrus 1998, que j’avais acheté à l’époque 500 francs (77 €). Rien de tel pourtant qu’un grand vin bu à maturité et, pour cela, Bordeaux reste une grande région viticole avec des bouteilles qui n’ont nulle part ailleurs une telle capacité de vieillisse­ment.

Vous proposez une belle offre de champagnes. Comment choisissez-vous votre portefeuil­le de marques ?

Avec la tension sur les champagnes cette année et les prix en forte hausse, nous avons augmenté la part des champagnes de vignerons en allocation et réduit celle des marques, même si les grandes maisons ont l’avantage d’être disponible­s toute l’année et qu’elles font aussi de plus en plus de petites cuvées parcellair­es, comme Clicquot, Billecart, Bollinger. On se doit aussi d’avoir des marques internatio­nales demandées par les touristes.

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© Virginie Garnier
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© Virgile Guinard

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