Latour LOUIS-FABRICE À JAMAIS SEIGNEUR DE BOURGOGNE
Représentant la onzième génération de la lignée fondatrice, Louis-Fabrice Latour, président de la Maison Louis Latour, nous a quittés début septembre à l’âge de 58 ans. Cet été, il nous avait raconté son attachement à la colline de Corton et à la croix de Charlemagne qui trône au milieu du vignoble, emblème d’un des plus grands crus de Bourgogne.
La croix de Charlemagne, symbole d’un des plus célèbres panoramas de Bourgogne, au sud de la colline de Corton, avait été endommagée en septembre 2021 par un sportif instagrameur qui voulait effectuer quelques exercices de musculation sur le monument. Après avoir été restauré par la famille Latour, négociant-éleveur et propriétaire des lieux, l’emblème a retrouvé sa place au printemps dernier. LouisFabrice Latour en était très fier.
D’où vient cette croix si célèbre dans le paysage bourguignon ?
La croix avait été baptisée « Charlemagne » en hommage à l’empereur d’Occident, propriétaire de vignes avoisinantes en 775. Elle a longtemps trôné dans la cour d’honneur des Hospices de Beaune, mais comme Jacques Copeau, grand homme de théâtre originaire de Pernand-Vergelesses, voulait y faire des représentations, elle a été déplacée au milieu du XXe siècle. Elle a alors été donnée à la commune d’Aloxe-Corton et à ma famille, qui en est originaire, pour que nous en prenions soin. Elle représente le lien historique qui lie les Latour au village et à la colline de Corton, l’un des plus grands crus de Bourgogne, où nous possédons quelques hectares. C’est aussi un grand lieu de promenade qui symbolise la sécurisation du territoire depuis que la forêt de Corton, menacée par un projet hôtelier, a été classée. Elle a été sauvée par les élus locaux et l’association Paysage de Corton, qui réunit les villages d’Aloxe-Corton, PernandVergelesses et Ladoix-Serrigny. Car la forêt est indispensable à l’écosystème des grands vins. Il n’y a pas de grand terroir sans soin apporté au territoire, à la beauté des paysages. Ainsi, sur cette colline, la profession défend les bois et la biodiversité, surveille les carrières, restaure les murets… C’est aussi pour ça qu’il était important que cette grande croix revienne parmi nous.
Comment Corton-Charlemagne a-t-il acquis une telle renommée ?
C’est un magnifique grand cru sur un beau coteau exposé plein sud. La famille Latour est d’ailleurs à l’origine de l’appellation. Nous en sommes l’un des principaux propriétaires avec une dizaine d’hectares et nous possédons également 17 hectares en Corton. C’est l’un des seuls villages de la Côte à avoir un grand cru blanc. Mon arrière-grand-père, Louis Latour, a été à l’origine de ce qu’on appelle le « blanchiment » de la Côte, c’est-à-dire la replantation du chardonnay, après la crise du phylloxera, dans des parcelles auparavant dédiées au rouge. Ces dernières années, on n’y a jamais fait d’aussi bons vins. Quand on voit la série depuis 2015, c’est exceptionnel, avec des millésimes pourtant différents.
Quelle est votre cuvée préférée issue de cette fameuse colline de Corton ?
Outre le Corton-Charlemagne 2016 blanc, à la fois puissant, fin et minéral, d’un magnifique équilibre, j’avoue un faible pour le grand cru Château Corton Grancey, qui est une exclusivité de la Maison. Le domaine, érigé au XVIIIe siècle, a été racheté en 1891 à la famille Grancey alors propriétaire du Château de Corton. Elle comprend une cuverie datant de 1834, sans doute l’une des plus anciennes construites par gravité dans le monde. Issu de vignes de plus de 40 ans d’âge, le Grancey est un assemblage des meilleurs fûts de pinot noir issus de climats différents de la colline de Corton, Clos du Roi, Les Perrières, Grèves et Bressandes. De plus, Grancey était le vin de Voltaire. Il y séjournait souvent car il appartenait à sa maîtresse, la duchesse de Grancey.