Infrarouge

LES VINS D’Alsace JOUENT ROUGE GAGNANT

Les grands vins d’Alsace se déclinent désormais en rouge. Le pinot noir vient de faire son entrée dans deux grands crus, Kirchberg de Barr et Hengst, qui seront bientôt sur nos tables.

- Par Frédérique Hermine

« Dans l’esprit collectif, l’Alsace, c’est blanc », reconnaît volontiers le vigneron Christophe Ehrhart du domaine éponyme. « Et c’est encore le cas à 90 %, même si les rouges progressen­t doucement. Mais on a oublié qu’au Moyen Âge le pinot noir était très répandu dans la région. » Le seul cépage de vin rouge a pourtant failli disparaîtr­e dans les années 1960. Sauvé par l’AOC Alsace puis porté par les crémants, en pleine ébullition depuis une décennie, il devrait regagner ses lettres de noblesse en revendiqua­nt désormais les grandes appellatio­ns. Jusqu’à présent, les 51 grands crus alsaciens (le dernier, le Kaefferkop­f, a été classé en 2007) ne pouvaient être élaborés qu’à partir de quatre cépages blancs – riesling, muscat, pinot gris ou gewurztram­iner –, mais la révolution est en marche. Le pinot noir – il doit son nom au fait que sa grappe en grains serrés ressemble à une pomme de pin – vient d’être autorisé en AOC Alsace Grand Cru sur les terroirs de Kirchberg de Barr, dans le Bas-Rhin, et Hengst, dans le Haut-Rhin. Il sera donc possible de trouver de grands crus rouges à partir du millésime 2022.

« Il était aberrant de n’avoir que quatre cépages blancs en grands crus », s’agace Christophe Ehrhart. « C’est du racisme ampélograp­hique. Puisque nous avons mis le pied dans la porte, il faudra poursuivre la démarche sur d’autres grands crus comme le Vorbourg, défendu depuis longtemps par la famille Muré. Et d’autres terroirs peuvent également donner de grands rouges. »

Le pinot noir a bien sûr déjà fait ses preuves dans d’autres vignobles, à commencer par la Bourgogne voisine. « Nous ne voulons pas copier les vins bourguigno­ns, mais faire des vins équilibrés et élégants, sans utilisatio­n excessive de bois neuf qui masque le terroir et avec des vins plus faciles à boire dans leur jeunesse, surtout s’ils sont carafés »,

explique Christophe Ehrhart. Ces dernières années, quelques vignerons se sont aussi fait connaître par leurs vins rouges et ont même acquis une belle notoriété sur la couleur. « Avant, lorsque je faisais goûter mes vins rouges à des amis, ils semblaient toujours surpris de découvrir de grands vins », s’amuse Jacky Barthelmé du domaine Albert Mann, avant de poursuivre : « Maintenant, ils me rappellent de ne pas oublier d’apporter mes rouges à une dégustatio­n, mais je dois contingent­er, car je n’en dispose pas toute l’année. » Rien de tel qu’un vieux pinot noir de 10-15 ans avec du fruit, de la minéralité et de la profondeur pour accompagne­r un repas. Mais le cépage est exigeant, en vignes et en cave, et il ne supporte pas la médiocrité.

« Comme une belle voiture, il faut savoir conduire un grand cru, maîtriser sa puissance par un élevage affiné, sinon on cale ou on va dans le mur. »

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